«J'ai postulé plus de 200 fois sans succès»
Elle travaille, lui élève leurs six enfants… mais ce n’est pas leur choix

Une famille suisse de huit personnes rencontre des problèmes financiers depuis que le père a perdu son entreprise. Malgré des centaines de candidatures, Marcel ne trouve pas d'emploi fixe et devient père au foyer, tandis que sa femme Priska travaille à temps partiel.
Publié: 11.06.2025 à 19:59 heures
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Marcel a postulé plus de 200 fois pour trouver un job... sans succès.
Photo: Sebastian Babic
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Sebastian Babic

La vie de la grande famille Kölliker, installée dans la commune saint-galloise de Mühlrüti, a basculé à l’automne 2021. Marcel, le père, a dû fermer son entreprise de conseil en assurances, faute de commandes. Depuis, il cherche désespérément un emploi fixe.

Malgré des décennies d’expérience, des exigences modestes et plusieurs centaines de candidatures, il ne trouve pas de travail. Il est donc devenu, malgré lui, «homme au foyer»... avec six enfants. Mais depuis trois ans, cette situation pèse lourd sur l’équilibre familial.

Le père assure tant bien que mal

Dès que l'on rentre chez les Kölliker, le chaos chaleureux saute aux yeux: cinq garçons, une fille. Le plus jeune accueille notre journaliste avec entrain, puis disparaît… avant de revenir en pleine interview pour jouer à «Hâte-toi lentement» avec sa maman. Marcel Kölliker, ex-conseiller en assurances et commerçant chevronné, gère tant bien que mal ce quotidien animé depuis plus de trois ans. Il n’en a pas vraiment choisi le rôle, mais il l’assume.

C’est désormais sa femme Priska qui fait vivre la famille, en travaillant à temps partiel comme vendeuse. Une charge qu’elle vit difficilement: «Je suis une maman traditionnelle. Ça me déchire le cœur de dire au revoir à mes enfants le matin, quand je pars travailler trois à quatre fois par semaine.»

Chez les Kölliker, c'est la mère, Priska, qui gagne son pain. Son mari Marcel fait office de père au foyer... malgré lui.
Photo: Sebastian Babic

L’organisation familiale vire souvent au casse-tête. «Dès qu’il y a un souci avec les enfants, c’est toujours moi que l’école appelle», confie la mère. Marcel assure, mais pas toujours à la hauteur de ses standards. «Dans notre ménage, chacun a sa manière de voir les choses. J’ai des exigences bien plus élevées que ce qu’il peut offrir en tant que père au foyer», dit-elle en riant. Et d’ajouter, mi-amusée, mi-sérieuse: «Après neuf heures de travail, j’aimerais quand même que l’appartement soit rangé et nettoyé.»

Des centaines de candidatures

Marcel prend les taquineries de son épouse avec sagesse: «Ma femme sait (presque) tout faire mieux que moi!» Et surtout, il ne souhaite qu’une chose: retrouver un travail à temps plein. «Je pensais qu’il ne m'aurait fallu que quelques mois pour rebondir, mais ça dure…»

Depuis trois ans, il multiplie les candidatures. «J’ai postulé plus de 200 fois, sans succès.» On lui reproche parfois son passé d’indépendant, ou un manque de «dynamisme». «Ça veut probablement dire que je suis trop vieux», lâche-t-il. Pourtant, il ne rêve que d’une chose: travailler.

Difficultés sur le marché du travail

Comme lui, de nombreux quinquagénaires peinent à retrouver leur place sur le marché du travail, malgré leur fiabilité et leur motivation. «J’ai encore au moins 15 ans à donner, insiste-t-il. Quand je lis que les gens changent de job tous les trois ou quatre ans, je me demande pourquoi on ne mise pas davantage sur des collaborateurs loyaux, un peu plus âgés.»

Et pourtant, ses attentes sont modestes: un emploi stable, un salaire versé régulièrement, et l’opportunité d’apprendre chaque jour. «Il faudrait simplement que mon travail soit à proximité, pour que je puisse rentrer voir mes six enfants le soir.»

Aujourd’hui, il effectue quelques missions irrégulières dans un centre de données. Un jour par mois, parfois une semaine. Il aime ce travail, mais il ne suffit pas pour faire vivre la famille. Priska résume leur dilemme: «Ce modèle familial moderne n’est pas fait pour nous. Je ne le critique pas, mais il ne nous convient pas – ni à moi, ni à notre famille.»

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