Faut-il abattre plus de loups?
Les alpages suisses souffrent d'un manque de personnel

Les Alpes suisses connaissent une pénurie de personnel. Les paysans manquent de bergers, mais le loup est-il vraiment responsable?
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Christa Buchli, présidente de l'association des femmes alpestres des Grisons, connaît également ce problème.
Photo: Thomas Meier
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Tobias Bruggmann

Chaque année, Giusep Venzin conduit 900 moutons à l'alpage de Gannaretsch, dans les Grisons. Un paysage idyllique et pourtant, trouver des bergers devient de plus en plus difficile pour les paysans. «Je ne trouve plus de bergers suisses.» Les personnes qui l'aident viennent plutôt de France, d'Autriche ou d'Allemagne. «Mais la main-d'œuvre extérieure devient elle-aussi de plus en plus dure à trouver chaque année.»

Travailler sur les alpages, c'est une sollicitation permanente, pratiquement 24 heures sur 24, aussi bien physiquement que mentalement. «Quand il pleut et qu'il fait froid, on ne peut pas simplement aller se réfugier dans la cabane pendant une demi-heure.»

Giusep Venzin attribue la pénurie de personnel à la présence du loup. «Protéger nos animaux demande de déployer un effort considérable. Les alpages ne sont plus pâturés correctement, et la biodiversité en pâtit. Nous ne pouvons pas installer des clôtures partout.» Un berger expérimenté peut gagner jusqu'à 200 francs par jour. «Nous devons traiter les bergers comme des membres de la famille pour pouvoir trouver suffisamment de personnel», explique Giusep Venzin. 

"Le loup nous chasse des Alpes"

Christa Buchli connaît bien le problème du manque de personnel dans les alpages. Présidente de l'Association des femmes alpestres des Grisons, elle emmène ses animaux à l'alpage de la vallée de Safien depuis 13 ans, de fin mai à septembre. «Beaucoup de gens imaginent la vie à l'alpage comme romantique et reposante. Mais c'est un travail difficile.» Ceux qui gardent des vaches doivent se lever tôt pour la traite. Ceux qui gardent des moutons ou du jeune bétail passent des heures dehors, par tous les temps.

Pour Christa Buchli, une chose est claire: il faut mieux réguler la population de loups. «Sinon, nous n’aurons plus aucun berger du tout. Le loup nous chasse des Alpes.» Cette désertion aurait des conséquences visibles, prévient-elle. «Sans bergers, la végétation envahira le paysage.» Et les animaux en souffriraient aussi.» Pour les vaches et les moutons, il est très important de pouvoir monter à l'alpage. Ils sont ensuite plus robustes et en meilleure santé.»

Les abattre, est-ce suffisant?

Le Conseil fédéral est conscient de la gravité de la situation, écrit le Département de l'économie, dirigé par Guy Parmelin. Il mentionne notamment le cofinancement d'un projet de recherche sur la question. En outre, la Confédération a alloué davantage de fonds à la protection des troupeaux. «Cela permettra aux exploitations alpines de mieux couvrir leurs frais de personnel ou d'engager du personnel supplémentaire.» 

Cela ne suffit pas au conseiller national Martin Candinas. Il salue certes les mesures de protection des troupeaux. «Mais il ne faut pas que le nombre de loups continue d'augmenter. Nous devons rapidement mettre un terme à cette croissance et autoriser davantage d'abattages.» Il est convaincu que cela permettrait d'attirer plus de monde. «Nous sommes habitués au travail difficile dans les montagnes.»

Mais l'abattage d'un plus grand nombre de loups est-il vraiment suffisant? David Gerke est l'un des principaux défenseurs des loups en Suisse. Il a lui-même passé dix ans dans les alpages. «En 2006, il y avait beaucoup moins de loups, mais déjà à l'époque, le personnel manquait. Le loup n'est donc pas responsable.»

Bien sûr, les moutons ont besoin d'une meilleure protection à cause du prédateur. «Mais une grande partie des alpages est utilisée par des vaches. Elles n'ont pas à craindre les loups.» La Confédération a d'ailleurs déjà beaucoup investi, notamment dans la formation des bergers.

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