Alkpote et politique font bon ménage
Une élue UDC joue dans un clip de rap... où un policier se fait abattre

L'élue UDC Patrizia Mori apparaît dans le dernier clip du rappeur Alkpote, dans lequel le Français abat un policier. Une démarche «artistique» et «privée» qui n'éclabousse pas le parti conservateur, juge l'entourage de la Lausannoise.
Publié: 27.06.2023 à 16:32 heures
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Dernière mise à jour: 28.06.2023 à 12:50 heures
Patrizia Mori, conseillère communale UDC à Lausanne, joue dans le dernier clip d'Alkpote.
Photo: D.R.
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Antoine HürlimannResponsable du pôle News et Enquêtes

Il y a du «Sin City» dans l’esthétique du dernier clip du rappeur français Alkpote. Ce court métrage de 8 minutes 46, dévoilé le mercredi 21 juin, a été tourné en noir et blanc. Seuls certains détails rouge sang contrastent à l’image. Dont les cheveux d’une figure bien connue… de la scène politique lausannoise.

Son nom est même au générique. Patrizia Mori, conseillère communale (législatif) de l’Union démocratique du centre (UDC), joue un rôle secondaire dans cette spectaculaire production signée Blacktrees, un studio créatif basé dans la capitale vaudoise. À ses côtés: le provocateur Alkpote, bien sûr, mais aussi l’acteur emblématique de la saga «Taxi», Samy Naceri, plusieurs fois condamné à la prison ferme pour des faits de violence.

Un drôle de mélange des genres. D’autant plus que dans la première moitié du clip, l’artiste abat un policier d’une balle de pistolet avant de se débarrasser de son corps. Un extrait à voir dès 2:30 ci-dessous.

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La participation de Patrizia Mori à ce tournage interpelle aussi au niveau du timing. Pour mémoire, il y a moins d’un mois, la députée Mathilde Marendaz s’attirait les foudres de la droite – notamment de l’UDC – après avoir pris la pose avec une pancarte sur laquelle on pouvait lire «ACAB», pour «All Cops Are Bastards», en anglais («Tous les flics sont des bâtards»).

«Curé» ou «journaliste»?

Parole à la principale intéressée: la scène de l’exécution de l’agent est-elle raccord avec son mandat d’élue conservatrice? Après avoir demandé à l’auteur de ces lignes s’il était «curé ou journaliste», la jeune femme s’explique: «Bien sûr que je ne soutiens pas le fait de se faire tirer dessus de façon générale! Surtout moi, à qui c’est arrivé (ndlr: En juin 2017, sa mère lui a tiré plusieurs balles dans le dos).»

N’est-ce quand même pas un peu hypocrite de monter à la barricade quand une élue de la gauche radicale est photographiée avec un logo ACAB et de parallèlement tourner dans un clip avec une telle mise en scène? «Il y a une différence entre brandir une pancarte en tant que militante élue et jouer dans une œuvre artistique, de façon privée, rétorque-t-elle. C’est complètement de la déconne, surtout connaissant le rappeur!»

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«Honnêtement, le dernier des curés a plus d’humour que vous.»
Patrizia Mori, conseillère communale UDC à Lausanne
»

Celle qui indique en outre avoir été séduite par ce projet grâce à la musique d’Alkpote, la scénarisation, le choix des acteurs ainsi que la participation de figures locales à l'instar de l’humoriste vaudois Yoann Provenzano, assure que tourner dans un clip de rap tout en étant UDC n’est pas incompatible. «Nous ne sommes pas des puritains inquisiteurs, écrit-elle dans un courriel. Honnêtement, le dernier des curés a plus d’humour que vous. Encore heureux que le parti laisse faire les projets privés! Si ce n’était pas le cas, ce serait de la censure pure et simple, comme la gauche en raffole.»

Une activité «privée»

Contacté par Blick, Nicola Di Giulio, inspecteur de police et député UDC au Grand Conseil vaudois abonde en ce sens. «C’est une activité artistique et purement privée qui ne concerne pas le parti, chacun étant libre et responsable de ce qu’il fait en dehors du cadre politique», appuie-t-il, également par e-mail.

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«Ce genre d’appel à la violence contre la police me scandalise au plus haut point.»
Nicola Di Giulio, député UDC et inspecteur de police
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Celui qui a sévèrement tancé Mathilde Marendaz à la tribune n’est donc pas dérangé par la scène dans laquelle un policier en uniforme se fait abattre? «Étant moi-même policier, vous imaginez bien que ce genre d’appel à la violence contre la police me scandalise au plus haut point, concède-t-il. Quant à la participation de Patrizia Mori à cette mise en scène, je suis bien en peine de vous en parler. En effet, il ne faut pas oublier que ce n’est qu’un film violent comme il en existe des milliers d’autres. […] Bien que je désapprouve ce genre de démarche, il est de la liberté de cette dame de faire ce qu’elle veut, hors de son étiquette de notre parti.»

Par ailleurs, toujours selon lui, si Patrizia Mori n’était pas membre de l’UDC, personne ne se poserait de question concernant le court métrage en question. L’inspecteur tire ensuite sa dernière cartouche: «Pour ce qui est de la comparaison entre la pancarte tenue par Madame Marendaz et le clip, je me bornerai à vous faire observer que cette députée a exhibé ce carton dans le contexte d'une manifestation politique, alors que le film que vous incriminez fait partie du domaine du spectacle, bon ou mauvais.»

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