Conseiller fédéral entre 1988 et 2000, Adolf Ogi a dû gérer plusieurs situations de crise durant son mandat. L'ancien politicien de l'Union démocratique du Centre (UDC) sait donc dans quelle situation les autorités se sont retrouvées après la catastrophe de Blatten (VS) et salue leur réaction.
Mais l'effondrement du glacier au-dessus de Blatten inquiète d'autres villages suisses. C'est notamment le cas de Kandersteg (BE), qui se situe de l'autre côté de la montagne, et d'où Adolf Ogi est originaire. L'ancien conseiller fédéral explique en quoi la situation de son village natal est différente de celle de Blatten.
Monsieur Adolf Ogi, vous êtes citoyen d'honneur de Kandersteg et de plusieurs communes du Lötschental...
Précisément de quatre communes du Lötschental. Je suis profondément attaché à cette vallée. Quand j'avais 13 ans, en 1955, je suis même monté au sommet du Bietschhorn. Chaque été, notre programme prévoyait un moment dans le Lötschental.
Lorsque la catastrophe s'est produite à Blatten, qu'est-ce qui vous est passé par la tête?
La montagne a perdu pied. Des souvenirs sont remontés à la surface. Ça me rappelle lorsque j'étais président de la Confédération en 2000 et que 13 personnes ont perdu la vie à Gondo (ndlr: dans un glissement de terrain). Un samedi, j'étais à l'assemblée des délégués de l'UDC à Bâle, et soudain un collaborateur est venu me voir pour me dire qu'il s'était passé quelque chose de très grave.
Comment avez-vous réagi?
J'ai immédiatement fait en sorte que l'on puisse rassembler toutes les informations nécessaires. Et des premières recrues étaient déjà au Simplon à 22h le soir même. Le lendemain, je suis immédiatement parti en hélicoptère en direction de Gondo. Là, le président de la commune, Roland Squaratti, m'a dit: «Je viens de perdre deux frères.» Tout cela m'est revenu en mémoire. La force de la nature, l'imprévisibilité dans un certain sens, les coups du sort que cela peut provoquer, et même des morts. J'ai eu des larmes.
Vous dites que la montagne a perdu pied. Que faire pour que les gens évitent d'en faire de même?
Garder la tête froide, ce que le Lötschental montre jusqu'à maintenant de manière exemplaire. Les gens ont réagi de manière remarquable et cela devrait servir d'exemple pour toutes les autres catastrophes à venir. Nous sommes un pays montagneux. Et nous ne devons jamais oublier que la Suisse s'est développée en créant des liens entre les faibles et les forts. Des catastrophes peuvent se produire dans tout le pays. Même à Genève, Berne, Zurich, Bâle, Saint-Gall, partout. Nous ne devons pas faire l'erreur d'opposer la campagne et la ville, c'est très important. Le préambule de notre Constitution fédérale dit: «Et que la force du peuple se mesure au bien-être du plus faible.» Les citoyens doivent le sentir – et les conseillers fédéraux Albert Rösti et Martin Pfister ainsi que la présidente de la Confédération Karin Keller-Sutter l'ont très bien fait. Maintenant, il faut trouver de l'aide: avec un budget fédéral de 85 à 90 milliards, il doit bien y avoir de l'argent pour les personnes dans le besoin en Suisse.
Vous êtes originaire de Kandersteg, de l'autre côté du massif. Peter Bodenmann a déclaré dans les journaux Tamedia que votre village natal pourrait être le prochain.
La commune de Kandersteg a pris des mesures préventives depuis 2019. Des zones interdites ont notamment été édictées, ce qui est radical pour une station touristique. On ne peut par exemple plus accéder à certaines cabanes du Club Alpin Suisse par le chemin direct. Et des digues ont été construites pour près de 10 millions de francs. On a installé le système de surveillance le plus moderne et mis en place un plan d'évacuation.
Tout est donc sûr?
On ne peut pas simplement se contenter de comparer les deux situations, comme le fait Peter Bodenmann. Dans le Lötschental, il s'agit d'une montagne avec un glacier. C'est ce qui rend toute cette affaire si difficile. A Kandersteg, il arrive en revanche que des éboulis tombent de temps en temps.
Kandersteg n'est donc pas menacé?
Non, grâce à toutes les mesures mentionnées. C'est très important. Mais le Lötschental nous a offert une leçon sur la manière de réagir en cas de catastrophe. C'est une leçon de compétence à tous les niveaux. C'est une leçon de la manière dont on peut sauver des vies humaines, avec une prévision précise. C'est une leçon sur la manière dont une équipe de direction doit fonctionner. C'est aussi incroyable de voir avec quelle force les gens agissent dans cette catastrophe, avec quelle force ils décident, avec quel sens des responsabilités ils prennent les mesures nécessaires. Blatten est un cas d'école de collaboration entre la science, la milice et la politique. Et un cas d'école en matière de communication. J'en appelle à la solidarité avec le Lötschental.