4700 vols par an
L'héliski, cette pratique si agréable... et si contestée

Tous les amateurs de sports d'hiver rêvent d'une poudreuse immaculée et d'une descente de plusieurs heures au cœur des Alpes. Un hélicoptère rend cela possible sans effort. Pour la première fois, des chiffres montrent à quel point le Valais est apprécié pour cela.
Publié: 03.03.2024 à 11:37 heures
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8h50: l'hélicoptère est en approche de la place d'atterrissage de montagne d'Ebnefluh, entre Berne et le Valais. À l'intérieur: groupe d'héliskieurs enthousiastes.
Photo: Scheiber Pascal
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Pascal Scheiber

Héliport d'Interlaken-Gsteigwiler dans l'Oberland bernois: sept skieurs venus de Suisse souhaitent monter en hélicoptère à 4000 mètres d'altitude. Leur objectif: une descente à ski de plusieurs heures dans l'épaisse neige immaculée. Le guide de montagne Martin Burgener accueille le groupe, non loin de l'hélicoptère. Il contrôle l'équipement et donne ses consignes aux skieurs. Martin Burgener distribue ensuite des baudriers, au cas où une opération de sauvetage dans une crevasse devait être effectuée. Il équipe également ses passagers de détecteurs de victimes d'avalanche, de sondes et de pelles. Un matériel qui doit aider à dégager une personne ensevelie en cas d'urgence.

Les clients du jour ont tous réservé leur journée d'héliski auprès de la société Swiss Helicopter AG. Un forfait comprenant deux montées en hélicoptère jusqu'au sommet de la montagne, et donc deux descentes à ski. Coût: 430 francs pour les deux vols.

Les skis sont chargés dans une grille à l'extérieur de l'hélicoptère, puis c'est parti! Le groupe d'invités se sépare. L'hélicoptère effectue deux aller-retours, car le nombre de places est limité. Nous décollons – et passons devant l'Eiger, le Mönch et la Jungfrau. En dix minutes, nous gagnons plus de 3000 mètres d'altitude et nous nous posons sur la place d'atterrissage d'Ebnefluh, à 3961 mètres d'altitude. C'est là que commence la descente dans la neige profonde. 

Des milliers de skieurs s'envolent chaque année vers la montagne

Entre 2010 et 2022, 250 hélicoptères en moyenne ont atterri chaque année sur l'Ebnefluh, et ils ont transporté environ 900 randonneurs par an. C'est du moins ce que montrent des chiffres exclusifs de l'Office fédéral de l'aviation civile (OFAC), dont Blick a pu prendre connaissance.

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La Suisse compte 40 places d'atterrissage en montagne. Situées à plus de 1100 mètres d'altitude, elles ne peuvent être utilisées qu'à des fins de formation ou dans un cadre touristique. Chaque mouvement sur une telle place d'atterrissage doit être signalé à l'OFAC, au même titre que le nombre de personnes transportées. 

Pour la première fois, détailler ces chiffres permet d'en savoir plus sur l'héliski, puisqu'ils dressent un aperçu du nombre d'hélicoptères utilisés, de leurs lieux d'atterrissage et du nombre de clients qu'ils ont transportés. Un trajet correspond à chaque fois à deux mouvements: un atterrissage et un décollage.

De l'hiver 2010 à l'hiver 2022, 4700 hélicoptères ont atterri en moyenne chaque année sur les 40 places d'atterrissage en montagne, et ce pour la seule pratique de l'héliski. Un pic a été atteint en 2019, avec plus de 6040 atterrissages et 22'174 passagers recensés par l'OFAC. Le point le plus bas a été atteint en 2020, année de Covid, avec 3711 atterrissages et 12'916 passagers.

Le Valais, leader de l'héliski

De toutes les places d'atterrissage en montagne, la moitié se trouve dans le canton du Valais. Elles sont très utilisées par les compagnies d'hélicoptères. 73% de tous les vols d'héliski entre 2010 et 2022 ont atterri sur une place valaisanne. Parmi les 20 sites d'atterrissage les plus populaires pour l'héliski, 14 se trouvent également dans ce canton. Neuf d'entre elles sont situées dans un paysage protégé par la Confédération, figurant à l'Inventaire fédéral des paysages, sites et monuments naturels (IFP). L'objectif de la Confédération serait de «ménager et protéger ces paysages et d'encourager leur conservation et leur entretien».

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Parmi les places d'atterrissage en montagne, le glacier du Théodule – non loin du Cervin – est en tête de liste. Entre 2010 et 2022, entre 342 et 721 hélicoptères s'y sont posés chaque année, avec une moyenne de plus de 2000 passagers, venus uniquement pour faire de l'héliski. Fait explosif: cette place d'atterrissage se trouve directement dans un domaine skiable accessible par le téléphérique. Lorsque celui-ci est en service, les skieurs peuvent rejoindre le glacier en une heure. La compagnie Air Zermatt propose un héliski au départ de la célèbre station pour un tarif minimum de 140 francs par personne.

Le terrain d'atterrissage de l'Unterrothorn n'est qu'à quelques kilomètres de là. Elle se trouve également au cœur du domaine skiable de Zermatt – qui peut être rejoint en une bonne demi-heure avec le train de montagne. En moyenne, 250 hélicoptères avec 1000 personnes à bord atterrissent chaque année sur la montagne de l'Unterrothorn. En quelques minutes et pour «seulement» 80 francs, les amateurs de sports d'hiver.

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Mais ces héliskis n'amènent pas seulement les gens sur le domaine skiable. En règle générale, l'hélicoptère transporte aussi les amateurs de sports d'hiver au cœur des Alpes, pour une descente en neige profonde – et sans qu'une ascension fatigante ne soit nécessaire. Sans hélicoptère, les skieurs qui choisissent comme point de départ le Petersgrat, à la frontière entre les cantons de Berne et du Valais, devraient utiliser les remontées mécaniques de la Lauchernalp et marcher ensuite plusieurs heures. Avec 257 atterrissages entre 2010 et 2022, le Petersgrat occupe le deuxième rang des places d'atterrissage en montagne les plus appréciées.

L'héliski: une pratique à interdire ou un moyen de pérenniser sauvetage en montagne?

Les chiffres de l'héliski sont tout sauf réjouissants pour Aaron Heinzmann, de l'organisation de protection des Alpes suisses Mountain Wilderness . «C'est tragique», déclare ce jeune Valaisan de 29 ans. En ces temps de changement climatique, l'héliski est selon lui le symbole d'une approche irrespectueuse et négligente de la nature.

Aaron Heinzmann demande une interdiction générale de l'héliski en Suisse. Pour lui, celui qui veut faire du ski devrait utiliser les transports publics et atteindre les régions isolées par sa propre force musculaire – et non pas en hélicoptère. «Peu de régions en Suisse ne sont pas desservies. Nous devrions prendre les régions en considération et ne pas les déranger avec des hélicoptères, des gaz d'échappement et du bruit», explique Aaron Heinzmann.

L'une des entreprises d'hélicoptères les plus connues en Suisse est Air Zermatt. Au vu de la répartition géographique des atterrissages d'héliski, elle effectue une part importante des vols. «Notre activité principale est le sauvetage en montagne, mais elle est déficitaire», déclare le porte-parole de la firme Bruno Kalbermatten. Air Zermatt compense ces pertes par l'héliski et par l'aviation touristique. Tant qu'il y aura une demande pour l'héliski ou pour les vols panoramiques, Air Zermatt y répondra, affirme Bruno Kalbermatten, pour qui un sauvetage n'est possible que si les pilotes acquièrent préalablement de l'expérience en volant en montagne. Un argument irrecevable pour Aaron Heinzmann : «Les vols à des fins de formation en montagne sont importants et justes, mais le vol touristique pour le plaisir ne l'est pas.»

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Après une heure de descente, le groupe d'héliski mené par le guide de montagne Martin Burgener atteint le glacier du Langgletscher, dans le Lötschental haut-valaisan. Là, l'hélicoptère les attend déjà. «Le ski était fantastique, et ce, sans avoir les jambes fatiguées à cause d'une montée», s'enthousiasme Helene Weckemann. Les clients sont unanimes: c'est un luxe de pouvoir s'attaquer à la prochaine descente sans faire d'efforts pour la montée. «Bien sûr, c'est une expérience destructrice pour la montagne», estime Christian Zurfluh. Mais: «Pendant que d'autres s'envolent pour les vacances, nous nous offrons cette journée d'héliski», tempère-t-il. Quant au pilote, il lance les rotors et fait monter son groupe une deuxième fois – maintenant sur le Petersgrat.

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