Le Lausanne-Sport débute sa saison jeudi à Skopje, déjà, pour le compte du deuxième tour qualificatif pour la Conference League. Dimanche, le club vaudois recevra Winterthour, et beaucoup de choses ont changé cet été au LS. Blick fait le point avec le directeur sportif Stéphane Henchoz, lequel nous a reçu cette semaine pour un entretien particulier, et comme toujours avec lui sans filtre, dans un salon VIP de la Tuilière.
La situation générale de ce mercato
Aliou Baldé, Fousseni Diabaté, Teddy Okou, Koba Koindredi, Fabricio Oviedo, Raoul Giger… Le LS a perdu des joueurs cet été, alors que le club vaudois part à l’assaut de l’Europe et du top 6, avec un nouvel entraîneur nommé Peter Zeidler. Mais le LS a recruté aussi: Bryan Okoh (22 ans) est de retour, tandis que Brandon Soppy arrive avec une expérience réelle du haut niveau malgré ses 23 ans. Nathan Butler-Oyedeji (22 ans), Gaoussou Diakité (19 ans) et Enzo Kana-Biyik (18 ans) ont eux tout à prouver et ont choisi le LS pour se faire un nom et gagner en expérience.
«Il y avait des postes à repourvoir», explique Stéphane Henchoz. «Parmi les joueurs partis, il y avait des titulaires réguliers, d’autres qui l’étaient moins… On cherche à grandir encore, mais toujours dans le respect du budget. Sur cet aspect, on n’est pas mieux lotis que l’an dernier, mais pas moins non plus. On a des contraintes, bien réelles, et on ne fera pas de folies.» La donne est connue: pour se renforcer, le LS doit viser juste, sachant que les joueurs de talent, confirmés et en forme sont particulièrement difficiles à attirer, malgré la qualification européenne. Ce qui explique aussi pourquoi (pour l’heure?), Lausanne n’a pas attiré de «valeur sûre».
«Ce n’est pas impossible que l’on recrute un joueur plus expérimenté, même si ce mercato très jeune me va très bien. Mais on ne va pas recruter pour recruter, on doit prendre en compte tous les paramètres. C’est ce que j’appelle le full package. Un joueur dans la force de l’âge, qui a une valeur marchande, qui sort d’une saison pleine, il ne vient pas chez nous aujourd’hui», reconnaît le directeur sportif du LS, qui doit donc miser sur des profils particuliers.
«Cela peut être un jeune qui lance sa carrière, ou un joueur confirmé mais à relancer, ou un bon joueur qui n’a pas eu le parcours espéré… Après, si l’on regarde l’effectif actuel, on peut se dire qu’on a une colonne vertébrale qui est là, et sur laquelle on peut s’appuyer en ce début de saison. Si l’on prend Karlo Letica, Noë Dussenne, Jamie Roche et Kaly Sène, on a un cadre par ligne, avec Olivier Custodio bien sûr. Je peux rajouter Morgan Poaty aussi.» Karim Sow et Thomas Castella sont eux aussi là et le mercato n’est sans doute pas terminé.
Teddy Okou reviendra-t-il? «Les chances sont faibles»
Parmi les points potentiellement négatifs de ce mercato, Teddy Okou, un joueur particulièrement apprécié des supporters et auteur d’une saison convaincante (10 buts et 7 assists en 42 matches), est pour l’heure retourné à Lucerne, le club avec lequel il est sous contrat. L’ailier semblait pourtant se plaire à Lausanne, qui disposait d’une option d’achat à l’issue de son prêt. Pourquoi ne pas l’avoir levée?
«L’indemnité était d’un certain montant et nous avons décidé de ne pas faire cet effort. Au moment de signer un joueur, il faut prendre en compte tous les paramètres, dans le respect de nos possibilités. Quel est le potentiel de revente d’un joueur? Quel est son âge? Quelles sont les perspectives?», explique Stéphane Henchoz, qui dévoile que le dossier a peu de chances de se rouvrir. «Les chances pour que Teddy Okou revienne au LS sont très faibles», estime-t-il.
Plus globalement, comment améliorer le budget? N’est-il pas frustrant de constater que des moyens considérables sont mis à Manchester United, voire à Nice, et que le LS ne peut pas lever l’option d’achat d’un joueur apprécié? La question est récurrente depuis l’arrivée d’INEOS, quel que le rôle officiel de l’entreprise britannique dans l’organigramme du club: le richissime groupe ne pourrait-il pas remettre au pot un peu plus généreusement afin de franchir encore un palier? Stéphane Henchoz ne s’en formalise pas.
«Les entités sont différentes, les réalités des clubs aussi. La vraie et seule question, c’est comment pouvons-nous, par nous-mêmes, améliorer notre budget? Cela passe par les indemnités de transfert, mais aussi par l’augmentation du nombre de spectateurs. Nous avons 6000 spectateurs de moyenne, le stade compte 12’000 places. Saint-Gall a une moyenne de spectateurs bien supérieure à la nôtre et peut donc utiliser cet argent», répond le directeur sportif du LS.
Karlo Letica, affaire classée
L’affaire a ressemblé à un petit psychodrame en pleine saison dernière lorsque Karlo Letica a manqué quatre matches. Etait-il blessé? En pleine renégociation de contrat? Les versions ont divergé, en tout cas sur la place publique, mais Stéphane Henchoz assure que l’épisode est bel et bien derrière. «Tout est clair avec Karlo. Il a un contrat qui dure encore une année. Effectivement, il a manqué quatre matches la saison dernière, mais il est revenu et a retrouvé sa place de titulaire. Et cette saison, il est là depuis le premier jour de préparation, il est très bien.»
Se pourrait-il toutefois que le gardien croate quitte le LS cet été encore? La réponse est oui. «Mais c’est la même chose pour tous les joueurs de l’effectif. Si un joueur du LS émet le souhait de s’en aller, et qu’il arrive avec une offre cohérente à proposer, alors on étudie la possibilité», explique Stéphane Henchoz.
«Karlo fait partie des joueurs aujourd’hui qui ont une certaine valeur et qui sont sous contrat, comme Jamie Roche, Karim Sow et Kaly Sène par exemple. On aimerait les conserver, on n’est pas du tout demandeurs d’un départ, mais s’ils arrivent avec une bonne offre, elle sera étudiée.» Comme dans le cas d’Antoine Bernede la saison dernière.
«Exactement. Quand Antoine m’a appelé, je lui ai d’abord dit que je souhaitais qu’il reste à Lausanne, qu’on avait des objectifs sur le plan sportif et qu’on serait plus à même de les atteindre avec lui. Il m’a répondu qu’il était bien à Lausanne, mais que le train de la Serie A n’allait peut-être pas passer chaque année et qu’il voulait monter dedans. Et vu que l’offre du Hellas Vérone était cohérente, nous avons dit oui.» Celle-ci se situait-elle aux alentours de deux millions de francs? «Je ne vais confirmer aucun montant. Mais c’était un peu plus», répond Stéphane Henchoz.
Encore du renfort cet été?
Faut-il s’attendre à des arrivées du côté du Lausanne-Sport, même sans aucun départ? L’effectif semble en effet un peu trop juste quantitativement, surtout à mi-terrain. «Oui, c’est envisageable. Mais de nouveau, on ne va pas prendre pour prendre. Il faut qu’on ait identifié un joueur, qu’il soit dans notre budget et qu’il apporte une plus-value à l’effectif actuel. Des joueurs, on nous en propose un wagon. Si on voulait engager un joueur à tout prix, on le ferait cet après-midi, tant on reçoit de profils à étudier. On ne va pas se précipiter, il faut que tous les paramètres soient réunis, je le redis», détaille le directeur sportif du Lausanne-Sport.
Les joueurs en prêt, une bonne stratégie, vraiment?
A court terme, la formule est séduisante. Le Lausanne-Sport a engagé deux jeunes joueurs en prêt cet été, venus d’écuries habituées à l’Europe. Gaoussou Diakité arrive de Salzbourg et Enzo Kana-Biyik de Manchester United. Et tous deux sont promis à un grand avenir, même s’ils n’en sont qu’au tout début de leur parcours.
Mais est-ce vraiment une bonne stratégie pour un club comme le LS, sachant que ces joueurs s’en iront dans douze mois, sans rien rapporter financièrement, et sans avoir eu le temps de s’identifier à leur club? «Je trouve la question un peu sévère. Nos prêts ont bien fonctionné la saison dernière, si je pense à Teddy Okou, à Koba Koindredi et même à Marvin Senaya, qui était un très bon joueur et qui a pu le montrer avant malheureusement de se blesser», contre Stéphane Henchoz. «Il faut être clair, un attaquant comme Enzo, c’est un joueur qu’on n’aurait jamais eu sans Manchester United et le partenariat avec eux. Alors oui, il y a encore tout à faire, il n’a jamais joué avec des adultes, il est tout jeune, mais il a de grandes qualités et il pourra les montrer chez nous.»
La cellule de recrutement du LS, Tony Chauvat en tête, ne cible pas qu’un profil de joueurs, mais a une vision transversale. «On travaille très bien ici et, il faut le dire aussi, on profite également des cellules de recrutement de Nice et de Manchester. Ils peuvent nous signaler des joueurs, mais ensuite, on fait en fonction de nos moyens et des contraintes de notre budget, dont on parlait auparavant», complète Stéphane Henchoz.
Beyatt Lekoueiry, l’heure de l’explosion?
Présenté comme le successeur d’Alvyn Sanches, un statut assumé par le club et communiqué comme tel, Beyatt Lekoueiry (20 ans) a eu droit à six mois pour s’adapter, sans pression. Le LS a anticipé le départ de son joyau, avant sa blessure bien sûr, et a eu l’intelligence de laisser au Mauritanien le temps de découvrir un nouveau championnat et un nouveau mode de vie, lui qui venait de Croatie.
«Il était titulaire dans son club, mais il avait besoin de temps pour grandir encore, notamment sur le plan physique sur celui de l’intensité. La Suisse, ce sont des efforts différents, notamment dans le contre-pressing, que ce soit avec Ludovic Magnin ou maintenant Peter Zeidler, et il n’avait pas la capacité de les répéter. Il a dû bosser physiquement et il a fait une bonne préparation cet été, sa première complète avec nous. Il a franchi un palier, on l’a vu aussi en match», détaille Stéphane Henchoz, lequel espère que les rencontres officielles serviront à valider l’évolution de ce jeune talent, pour lequel le Lausanne-Sport a déboursé une somme de transfert conséquente compte tenu de sa réalité. La preuve que le LS croit fermement en ses qualités.
Une chose est sûre: Beyatt Lekoueiry aura l’occasion de jouer cette saison. A lui de démontrer ce dont il est capable.
L’Europe, un objectif, mais...
Le Lausanne-Sport retrouvera dans quelques jours l’Europe, quinze ans après son dernier match, face à Palerme. Guillaume Katz était sur le terrain ce jour-là et c’est désormais en tant que directeur marketing que l’ancien défenseur sert le LS. Et c’est peu dire que le club vaudois se réjouit de ce voyage, qu’il espère le plus long possible.
«Tout le monde est content, c’est nouveau, c’est une petite excitation en plus en ce début de saison. On doit organiser la logistique, le déplacement… Ca sort de l’ordinaire et c’est très bien. Mais on oublie presque un petit peu que trois jours après on reçoit Winterthour et que c’est important aussi», sourit Stéphane Henchoz, lequel ne cache pas que l’ambition du LS est d’atteindre la phase de groupes.
«Bien sûr qu’on en a envie, mais pour y arriver, il faut réunir deux conditions et elles ne sont pas négociables. La première, c’est qu’il faut être performant sur le terrain. Très performant, même. La deuxième, c’est qu’il faut avoir un peu de chance au tirage. Si on n’a que l’un des deux, on n’y arrivera pas», analyse de manière très lucide celui qui officie également comme consultant pour Blue Sport.
Servette, l’an dernier, a chuté en play-off de Conference League face à Chelsea en se montrant à son avantage tant à l’aller à Stamford Bridge (défaite 2-0) qu’au retour à la Praille (victoire 2-1). La preuve qu’il faut aussi être inspiré au tirage au sort... «Mais avant d’y penser, on a un tour à passer contre le Vardar Skopje, une équipe qu’on a analysé lors de leur double confrontation contre La Fiorita. On a vu une équipe technique, mais aussi physiquement à la hauteur. Il ne faut pas croire que ce sera simple et qu’on s’apprête à jouer un match de Coupe de Suisse sur le terrain d’une équipe de niveau inférieur. Surtout pas. Ce sera un vrai match, avec une vraie opposition, dans un stade que l’on ne connaît pas. Le but sera de ramener un résultat qui nous place dans une position favorable pour le retour une semaine plus tard chez nous.»
La situation d’Alvyn Sanches
«Il faut être clair: si Alvyn ne s’était malheureusement pas blessé en mars, il ne serait plus au Lausanne-Sport aujourd’hui», assure Stéphane Henchoz. L’intérêt pour le meneur de jeu du LS était immense au printemps, mais sa grave blessure a chamboulé les plans de tout le monde, du joueur au club en passant par son nouvel agent. «Il y avait cinq ou six clubs concrètement intéressés, qui étaient prêts à monter aux hauteurs que l’on demandait pour le libérer de son contrat», enchaîne le directeur sportif du LS. La donne est différente aujourd’hui, mais Alvyn Sanches suscite encore et toujours de l’intérêt, à l’image des propos de Daniel Stucki, «sportchef» du FC Bâle encore très récemment.
«Il a le droit de dire qu’Alvyn est un joueur qui les intéresse. Mais Alvyn a un prix», sourit Stéphane Henchoz, qui n’exclut aucun scénario dans les semaines à venir. «On peut tout imaginer. Alvyn peut partir, s’il le désire et si le prix proposé par un club est cohérent. Mais on peut aussi penser qu’Alvyn a envie de prolonger son contrat chez nous. Aujourd’hui, la priorité, c’est qu’il revienne et qu’il retrouve ses sensations. Et où peut-il le faire mieux qu’ici, à Lausanne, chez lui? Nous lui offrons un contexte favorable, tout le monde aime Alvyn ici et lui-même se sent très bien à Lausanne, son club d’enfance. Il est tous les jours à l’entraînement, avant d’aller au MotionLab de l’autre côté de la route. Il est même venu en stage à Divonne. Lausanne, c’est chez lui, il le sait.»
Un autre scénario, moins positif, est que le joueur attende le 1er janvier pour s’engager librement dans le club de son choix, avec effet au 1er juillet. «On verra bien. Je suis très confiant quant au fait qu’Alvyn prendra la bonne décision, en s’écoutant lui et pas les autres. Sa rééducation avance très bien et je suis quelqu’un d’optimiste, je pense qu’il n’est pas si loin de revenir.» En parallèle de ses efforts au niveau physiologique, le joueur doit réfléchir en parallèle à son avenir.
Directeur sportif, une fonction qu’il apprécie
Entraîneur, entraîneur adjoint, recruteur, directeur sportif… Depuis la fin de sa brillante carrière de joueur, Stéphane Henchoz a connu plusieurs rôles dans le monde du football, en parallèle de celui de consultant pour la TV. Et c’est peu dire qu’il s’épanouit complètement dans sa fonction actuelle à Lausanne.
«J’étais bien aussi à Lyon, j’aimais ce que je faisais, mais c’est vrai que la proposition du Lausanne-Sport est tombée au bon moment. C’était un peu le moment où le vent commençait à tourner à Lyon et, si j’ai grandement apprécié travailler dans un club dirigé par Jean-Michel Aulas, j’ai assez vite vu que ce serait un peu plus compliqué avec son successeur et je crois que la suite m’a donné raison.»
Depuis son arrivée au LS, en avril 2024, le Fribourgeois de 50 ans prend du plaisir dans un rôle moins exposé que celui d’entraîneur. «Je suis quand même au contact du terrain, mais avec un peu plus de recul tout de même. Je visionne des matches et des joueurs, ce que j’apprécie beaucoup, et j’ai un rôle décisionnel. C’est vrai, cette fonction me convient», admet-il.