On avait parfois l'impression qu'il s'ennuyait. Tadej Pogacar se collait à la roue arrière de son rival Jonas Vingegaard à chaque virage, parant sans problème les attaques les unes après les autres. Alors que le Danois, le visage déformé par la douleur, tirait tout ce qu'il pouvait de son corps, le Slovène le suivait, assis sur sa selle. Il ne manquait plus qu'un bâillement. Pour s'amuser encore un peu, «Pogi» a sprinté le Danois juste avant la ligne d'arrivée.
Cette scène n'est pas arrivée une fois, mais plusieurs dans ce Tour 2025. Sauf chute, Pogacar va remporter donc la Grande Boucle pour la quatrième fois après 2020, 2021 et 2024. Facilement, sans effort même. Il y a trois semaines, au départ du Tour à Lille, Pogacar avait pourtant pronostiqué en vue du duel avec Vingegaard: «Ce sera passionnant. Mais peut-être que quelqu'un d'autre nous rendra la vie difficile. Il y aura de grands moments pour les gens devant la télévision et aussi ceux au bord de la route.» On n'a pas vu grand-chose de tout cela.
Pogacar n'en a cure. Il écrit un nouveau chapitre brillant de sa carrière. Et à seulement 26 ans, il a tout pour rattraper les recordmen de la Grande Boucle Jaques Anquetil (FRA), Eddy Merckx (BEL), Bernard Hinault (FRA) et Miguel Indurain (ESP). Ils l'ont chacun gagné cinq fois.
«Ses chances sont très bonnes», estime Laurent Dufaux. Le Vaudois, aujourd'hui âgé de 56 ans, a terminé deux fois quatrième du Tour de France (entre 1996 et 1999) et déclare: «Tadej a encore un contrat avec UAE Emirates jusqu'en 2030. C'est la meilleure équipe du monde et il peut être sûr qu'il sera toujours parfaitement soutenu. Je l'aime bien, il est toujours jovial et souriant. C'est un champion avec beaucoup de caractère.»
«Difficile de comparer les époques»
Il n'y a guère de coureur dans le peloton qui n'apprécie pas Pogacar. «Il est toujours aimable, toujours de bonne humeur», souligne Fabian Lienhard. Même son de cloche pour Stefan Bissegger: «Il est resté très terre à terre. Pas du tout arrogant. Tout simplement décontracté.» Pour Silvan Dillier, la décontraction de Pogacar est une condition sine qua non du succès: «Non seulement dans le sport, mais aussi ailleurs, ce qui caractérise souvent les personnes très performantes, c'est qu'elles gèrent la pression et l'attention avec décontraction. Ils parviennent même à en profiter.»
Pogacar sera-t-il même le meilleur de l'histoire du cyclisme? Son ancien coéquipier à UAE et ami Marc Hirschi, estime: «Il est difficile de comparer des époques différentes. Mais je pense que oui. Tadej est déjà l'un des plus grands, car en plus des tours, il a gagné de nombreuses classiques et a été champion du monde.»
«Il est simplement meilleur»
Pogacar domine le cyclisme professionnel. Il est clair que les suppositions de dopage ne sont à nouveau pas loin. Le mot «Epogacar» fait depuis longtemps le tour des réseaux sociaux. Le fait est qu'il n'a jamais été contrôlé positif. Et le fait que le manager de son équipe, Mauro Gianetti, ait lui-même été associé à des produits illégaux ne constitue pas une preuve de tricherie. L'entraîneur national de longue date Bruno Diethelm, qui a longtemps coaché le talentueux coureur Jan Christen, déclare: «La valeur VO2max de Tadej est un don de Dieu. Mais il travaille aussi très dur. À cela s'ajoute une décontraction unique. Non, je ne pense pas qu'il triche. Il est simplement meilleur que tous les autres.»
Mais pour combien de temps encore? Pogacar doit certes gagner 8,2 millions d'euros par an, mais il a récemment laissé entendre que le Tour de France lui procurait moins de plaisir que d'autres courses. À Lille, il a parlé d'un «bourbier» dans lequel il se mettait. Et après l'étape reine du col de la Loze, où il a assuré son triomphe, il a déclaré: «J'en suis à un point où je me demande pourquoi je suis encore là. Trois très longues semaines se sont écoulées. Tu comptes les kilomètres jusqu'à Paris. Alors oui, j'ai hâte que ça se termine pour que je puisse à nouveau prendre du plaisir dans ma vie.»
Les adversaires de Tadej Pogacar espéreront qu'il perde effectivement bientôt le plaisir du cyclisme. Sinon, il ne leur restera plus que des miettes.