Le sport suisse est en ébullition. L’annonce, en juin dernier, d’une réduction de 20% des subventions allouées au programme Jeunesse+Sport (J+S) à partir de 2026 a mis clubs et fédérations en alerte. Cette coupe budgétaire décidée par l’Office fédéral du sport (OFSPO) suscite une vague de critiques et de solidarité: près de 180 000 personnes ont déjà signé une pétition contre cette mesure. Dimanche, un nouveau projet baptisé «We close the Gap» a été lancé pour tenter de compenser ces pertes financières.
«Le bien-être du sport suisse est menacé. Nous ne voulons pas rester les bras croisés. Nous voulons combler ce manque et en appelons au bon sens du Conseil national», explique Fabian Kauter. L’ancien escrimeur de 39 ans, double olympien à Londres 2012 et Rio 2016, sait par expérience combien les moyens sont limités, du sport amateur au haut niveau. En 2013, il a cofondé I Believe in You, la principale plateforme suisse de financement participatif dédiée au sport. «Avec ce projet, nous voulons récolter des fonds pour les clubs directement touchés par ces réductions», précise-t-il. Tous les clubs bénéficiant de subventions J+S peuvent s’inscrire et recevront une part de la somme finale.
«Pendant que l’on parle à Berne, nous voulons agir»
Fabian Kauter, onze fois médaillé aux championnats du monde et d’Europe, veut éviter toute confrontation frontale avec la politique. Mais il affiche des objectifs ambitieux: aucune commission ne sera prélevée, afin que chaque franc récolté soit reversé. «Si nous parvenons à dépasser le million de francs, ce sera un énorme succès. Mais le potentiel est bien plus grand encore dans une Suisse passionnée de sport», estime-t-il.
Le projet bénéficie déjà de soutiens prestigieux, allant du canoë au cyclisme, en passant par l’athlétisme, le biathlon ou le sport en fauteuil roulant. Le skieur Marco Odermatt, notamment, s’engage publiquement: «Le soutien de J+S est essentiel pour mettre les enfants sur la bonne voie et accompagner les jeunes sportifs, qu’ils visent le haut niveau ou qu’ils pratiquent pour le plaisir.» Le conseiller d’État zurichois Mario Fehr, l’ancien international de football Benjamin Huggel ou encore la patineuse artistique Sarah van Berkel figurent aussi parmi les signataires.
«Moins de stars pour faire briller le sport suisse»
Pour Pascal Magyar, ancien décathlonien et CEO de I Believe in You, l’impact des coupes ne fait aucun doute: «Les clubs sportifs jouent un rôle fondamental. Ils favorisent les compétences sociales, l’intégration, créent des amitiés pour la vie… et surtout, ils contribuent à la santé publique. Si une seule mesure prive un enfant de la possibilité de bouger, c’est déjà une catastrophe.» Et de prévenir: «Chaque médaille olympique ou mondiale se construit sur une large base. Si on affaiblit cette base, il y aura inévitablement moins de champions au sommet.»
Une lueur d’espoir sur le plan politique
Parallèlement, Fabian Kauter et Pascal Magyar espèrent encore un revirement de l’OFSPO et du conseiller fédéral Martin Pfister. Ce dernier a été directement interpellé, cet été, par l’ancien buteur de la Nati Alex Frei, lors de l’Euro féminin: «Qu’on m’explique comment des politiciens peuvent applaudir l’équipe nationale depuis les tribunes tout en réduisant en même temps les subventions J+S», lançait la légende du football à Blick.
Interrogé, le Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports (DDPS) a répondu: «Il ne faut pas opposer les deux. En tant que ministre des Sports, Martin Pfister est honoré d’assister à l’Euro féminin en Suisse. Les joueuses se sont préparées intensivement et méritent d’être soutenues.»
Le DDPS a toutefois exprimé un regret: «Le conseiller fédéral Martin Pfister déplore cette réduction. Avec les cantons et les fédérations, le DDPS a porté J+S là où il se trouve aujourd’hui et souhaite continuer à le développer. La discussion sur le financement du sport pour les jeunes se poursuit.»
En attendant une éventuelle décision de Berne, ce sont donc des initiatives privées comme celle de Fabian Kauter et Pascal Magyar qui tentent de maintenir le sport suisse à flot.