Il a fallu attendre une heure le sélectionneur, François Gomez, avant qu'il ne vienne à l'interview. Le match entre la Grèce et la Turquie était sur le point de commencer lorsque le sélectionneur français de l'équipe de Suisse est venu répondre aux questions de Blick.
Passée de longues minutes avant lui, Evita Herminjard avait déjà tiré un premier bilan. Et l'avait promis: «Oui, la Suisse doit montrer des ambitions et avoir envie de se qualifier à l'Eurobasket 2027. Si on ne le fait pas, je serais personnellement déçue.» Un discours que son entraîneur n'a pas entendu mais qui lui ferait sans doute plaisir. Interview du technicien, à la sortie de la claque face à la France (111-37).
François Gomez, il faut prendre un peu de recul pour tirer un bilan de la Suisse et ne pas s'arrêter qu'à ce match contre la France ou aux résultats. De ton côté, quel constat dresses-tu?
Cette compétition nous permet de vraiment voir où on en est aujourd’hui. Se qualifier, c’était déjà un pas important. Mais on réalise aussi qu’on est l’une des nations les plus faibles en Europe. Cela dit, on a des choses à défendre. Par exemple contre la Turquie, c’était exceptionnel de revenir à 10 points. Ce genre de moments nous donne une vision plus objective. On sait d’où on part, ce qu’on doit travailler. Et ça, c’est précieux. Ce qu’on a vécu, c’est une base pour construire, à court terme — et ce dès novembre, avec le début des futures qualifications —, mais aussi sur du plus long terme. Il faut réfléchir à ce qu’on développe en Suisse dans la formation de nos futures internationales.
Certes, mais il faut aussi se professionnaliser de manière globale non? Par exemple, au niveau de l'entourage de l'équipe de Suisse, qui n'est venue qu'avec un seul physiothérapeute à ce championnat d'Europe.
Oui, clairement. Il y a des choses à améliorer avec les moyens qu’on a. Par exemple, moi, je ne peux pas partir trois semaines à l’autre bout du monde en vacances et je vais plutôt une semaine près de chez moi. C’est pareil pour le basket suisse. On n’a pas les 30 millions du budget français. On est cinq à six fois en-dessous, donc on ne peut pas faire comme eux. Il faut qu’on améliore nos moyens. Ce n’est pas forcément mon rôle, mais je pense que ce qu’on a montré peut attirer des jeunes filles. On a 4000 licenciées, il faudrait en avoir 40'000. Et pour ça, il faut les accueillir: des salles, des créneaux, des éducateurs formés. Ce n’est pas seulement l’équipe nationale. Il faut structurer toute la base pour espérer durer et progresser. Et ça, ça prend du temps — 5 à 10 ans. Mais peut-être qu’on a enclenché quelque chose.
En début de préparation, tu m’avais dit que sans cette opportunité de reprendre cette équipe de Suisse, tu aurais arrêté ton travail à Swiss Basket. Où en es-tu maintenant?
J’ai un contrat. Et à la base, quand j’ai accepté cette mission, ce n’était pas prévu de se qualifier à cet Eurobasket, mais pour celui dans trois ans. On a pris de l’avance. Donc j’ai rempli mon contrat dès la première année. Maintenant la question, c’est: qu’est-ce que je peux encore apporter à cette équipe? Au minimum ce que je viens d’amener, peut-être plus. Mon rôle de coach est important, mais je m’intéresse aussi au développement global du basket suisse. Je pense pouvoir être une force de proposition. En tout cas, oui, en novembre, je serai toujours le sélectionneur.
Et l’avantage, c’est que tu vas pouvoir travailler dans la continuité avec ce groupe puisque tes cadres ont à peine 27 ans…
Oui, il y a des jeunes, et d’autres joueuses à accompagner entre les fenêtres internationales. On ne les a pas au quotidien. Certaines sont aux États-Unis, d’autres dans des clubs européens. Il faut réfléchir à comment les suivre: préparation physique, santé, basket. Comment faire pour qu’elles reviennent meilleures en novembre? Être jeune, c’est bien, mais si tu stagnes, tu ne progresses pas. Il faut créer des outils, un environnement qui permet d’évoluer. C’est un vrai sujet.
Et toi, personnellement, est-ce qu’il y a un souvenir marquant que tu retiens de cette semaine à l'Eurobasket?
(Il réfléchit) Un mauvais souvenir?
Pas forcément.
Parce que si c'en était un, j'aurais clairement dit ce match contre la France (sourit). Heureusement, les joueuses ont été très pros, très respectueuses. Après, le souvenir marquant… Ce n'est peut-être pas un moment précis, mais plutôt cette aventure humaine. Juste avant, ma capitaine Evita Herminjard, qui était très fermée quand je suis arrivé, a pris la parole spontanément. Elle a dit des choses très fortes à l’équipe, au staff, et à moi aussi. Ça m’a beaucoup ému. Ce que je retiens, c’est cette relation, ce lien qu’on a tissé. Ce n’est pas un point d’orgue, c’est le fil rouge depuis un an. L’aventure humaine, au quotidien.