Ce samedi, la grande finale du championnat de Suisse de rugby tiendra tout le monde en haleine à Yverdon. Au Stade Municipal, le Hermance Région Rugby Club (HRRC) a l’occasion de décrocher le treizième titre de son histoire face à des Nord-Vaudois qui ont terminé à la première place du classement et qui ont été sacrés en 2022. Dans une Suisse où le rugby reste un sport confidentiel, Hermance fait figure d’institution. Avec douze championnats et onze coupes, dont la dernière en 2024, le club reste toutefois muet depuis 2013 en LNA.
Alors forcément, la pression sera autant présente sur le terrain que dans les gobelets en plastique lors de ce voyage en terres vaudoises: «Il y a toujours un peu d’anxiété quand on joue une finale», confie Sydney Edouard, le coach principal des séniors hermançois. «Mais pour nous, c’est avant tout un privilège et un honneur. On est surtout impatients.» Il faut dire que la fête promet d’être belle. Dans la cité thermale, c’est l’ensemble du rugby suisse qui jouera les finales de ses différentes catégories, jusqu’au grand choc final à 17h30.
Un club rassembleur
L’occasion de rassembler autour du sport, une valeur largement partagée par le HRRC tout au long de la saison. À domicile, le club genevois s’entraîne et joue ses matches au stade Marius-Berthet, situé de l’autre côté de la frontière: «Nous sommes très proches de la France et logiquement, beaucoup de Français regardent vers nous. Il est facile de s’intégrer chez nous. On ne se prend pas au sérieux, mais on connait nos valeurs. C’est très important de créer des liens en dehors du terrain. Après l’entraînement du jeudi par exemple, les gens peuvent rester pour manger et boire un verre. Ça fait venir du monde et des familles.»
Et les Hermançois se prêtent volontiers au jeu, eux qui ont beaucoup d’affection pour leur équipe: «Hermance est un petit village, mais on représente aussi les communes du coin: Corsier, Anières ou Collonge-Bellerive. Cette année, on a joué la demi-finale à la maison. C’était une chance et une fête pour le club, tout comme la Coupe de l’an dernier. On sent que les gens sont derrière nous et ça nous fait revivre les belles années des glorieux anciens», apprécie Sydney Edouard. Mais comment cette commune genevoise d’un peu plus de 1200 habitants, à deux pas de la France, s’est-elle retrouvée au sommet du rugby suisse?
Un passé glorieux
Entre 1992 et 2001, c’est bien simple, Hermance a soulevé le trophée neuf fois. Une véritable dynastie pour un club dont les racines remontent à bien plus tôt puisqu’il a été fondé en 1971 par Yves Labouré. Arrivé de France à l’époque, il réside depuis dans le canton de Vaud. Blick l’a retrouvé et l’a cuisiné un peu sur le début de cette grande aventure de l’autre côté du lac: «Quand je suis arrivé à Thonon pour y faire mon école hôtelière, je ne sais pas pourquoi, mais il fallait bien que je fasse un peu de sport. J’ai alors joué au RC Cern (ndlr: l’équipe du Centre européen de recherche nucléaire), et il y avait plein de Français», se souvient-il. «Le club devait jouer une finale de Coupe contre Stade Lausanne et je n’ai pas été appelé. Ça m’avait un peu vexé et je me suis dit que j’allais fonder mon propre club. J’habitais Hermance et j’ai réuni quelques potes du coin, dont beaucoup faisaient du football jusque-là. Je les ai piqués au foot et cela n’était pas franchement bien passé à l’époque», raconte Yves Labouré.
Mais petit à petit, le club a pris son envol. «Au début, nous ne faisions que des entraînements. Je me rappelle que nous nous étions inscrits au trophée du Léman. Il y avait des équipes comme le Rugby Club de Genève ou encore Annecy. Nous étions très mauvais», se marre-t-il. Président du club pendant quelques années, Yves Labouré a par la suite suivi les exploits de son club à distance.
«Les joueurs sont tous bénévoles»
Mais ce glorieux passé ne fait pas pour autant d’Hermance un mastodonte plein aux as qui écrase la concurrence. Comme les autres organisations du pays, le HRRC vit modestement, et avec la réalité du championnat suisse. Sydney Edouard reprend: «Il faut savoir qu’à Hermance, les joueurs sont tous bénévoles. Ils ont tous un métier et une vie en dehors. Nos difficultés principales sont l’organisation et le financement. Les joueurs ne sont pas rémunérés, mais il faut faire tourner l’école de rugby, payer les déplacements ou les inscriptions aux tournois. Nous avons nos propres installations donc on doit tondre la pelouse, entretenir et payer des frais. Même si on est aidés, ça reste des coûts que certains clubs n’ont pas. On travaille tous pour faire tourner l’équipe», raconte celui qui s’engage pour le HRRC depuis presque neuf ans.
Peu importe le résultat de cette finale 2025, le club lémanique a des raisons de se réjouir. Il est en nette progression depuis deux ans et son coach s’attend à de belles années: «Depuis que je suis à Hermance, c’est compliqué d’avoir du monde aux entraînements, mais cela fait bien deux ans qu’on a une trentaine de personnes. Cela nous permet de faire jouer la réserve. Donc le but, c’est de maintenir ce nombre malgré les blessés. Et pour cela, il faut entretenir la flamme.» Là encore, les valeurs du club sont fondamentales pour garder la motivation intacte.
Travailler pour la relève
Chez les jeunes aussi, la relève est de mieux en mieux assurée: «Nous sommes désormais le seul club du bassin genevois à avoir notre propre entité de formation. Avant, les juniors devaient nous quitter lorsqu’ils arrivaient à un certain âge. Maintenant, nous avons des U-14 et des U-16 et nous aurons même des U-19 l’année prochaine. Donc notre école de rugby est un chantier très important», explique l’entraîneur.
La saison prochaine, Sydney Edouard sera le coach de l’équipe principale pour la troisième année consécutive. «Je pense que nous serons encore plus forts», lance-t-il. Hermance est-il en route vers une nouvelle dynastie?