Erik Lehmann, dirigeant de Swiss Basket
«L'Euro est un vrai début, sûrement pas une fin»

Secrétaire général de Swiss Basketball, Erik Lehmann va prendre sa retraite dans quelques semaines. Blick l'a rencontré avant l'Eurobasket 2025 pour parler passé, présent et futur.
Publié: 07:54 heures
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Dernière mise à jour: 08:02 heures
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Le secrétaire général de Swiss Basket Erik Lehmann, ici remettant le trophée aux Lions de Genève, va prendre sa retraite en 2025.
Photo: Swiss Basketball
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Matthias DavetJournaliste Blick

Erik Lehmann, c'est votre dernière année en tant que secrétaire général de Swiss Basketball. Difficile d'imaginer un plus beau cadeau de départ que cette participation à l'Euro féminin.
Oui, même s'il y a plusieurs beaux cadeaux. Beaucoup de choses vont bien dans le basket suisse. Oui, on sait qu'il y a des soucis avec les clubs de l'élite. Mais a quand même un championnat féminin qui se porte bien, les filles qui vont à l’Euro et la Coupe du Monde U19 que la FIBA nous a confiée, ce qui est une grosse marque de confiance. Je m’en vais content et serein. Il y a encore du travail et des échéances importantes, comme les qualifications pour la Coupe du monde hommes cet été ou la draft de Yanic Konan Niederhäuser. Mais le basket suisse est sur les bons rails et il ne va faire que de se développer sur les 10-15 prochaines années.

Que signifie cette qualification pour l'Eurobasket? Le début d'un cycle? Le sommet de la montagne?
Avant tout, je tiens à préciser que je suis extrêmement heureux pour les filles. Les planètes se sont alignées pour nous. Aujourd’hui, c'est un vrai début, et sûrement pas une fin. On a une génération née en 1997-1998 qui, dans quatre ans, aura à peine plus de 30 ans. Elle sera probablement encore là. Et on a aussi une génération beaucoup plus jeune, née entre 2001 et 2003, qui débute. On aimerait désormais aller à l’Euro de manière régulière, tous les deux ans. Et pourquoi pas plus, si affinités, comme les Jeux olympiques ou la Coupe du monde. Parfois, il y a des équipes moins réputées qui passent. La Bosnie, qu'on a écrasée en février à Aarau (ndlr: 87-39), était à la Coupe du monde en 2022.

Avez-vous l’impression que la Suisse possède une génération dorée au niveau du basketball féminin?
J’ai envie de dire que non. La génération dorée, elle est à la retraite. C’est ça qui est incroyable. Les Karen Twehues, Alexia Rol, Caroline Turin, Sarah Kershaw ou Marielle Giroud – que j’ai eu la chance de coacher – possédaient un niveau international. Aujourd’hui, on va à l’Euro avec des joueuses peut-être un peu moins estampillées à ce niveau, mais qui bénéficient de l’héritage de ces anciennes. Elles démontrent qu’elles ont du talent et beaucoup jouent à l’étranger.

Comment expliquer que cette année, justement, la Suisse a pu se qualifier à l’Euro?
Il faut préciser que le système de qualification n’a pas toujours été le même. Cette année, nous étions dans un groupe solide avec le Monténégro, la Bosnie mais aussi le Luxembourg. C'était à notre portée. Les planètes se sont alignées pour nous. Ce n’est pas dit que dans un autre groupe, on se serait qualifiés. Sans doute que la génération d’avant n’a peut-être pas eu le petit coup de pouce qu'a eu celle-ci. Mais après la défaite initiale contre le Luxembourg à domicile en septembre 2023, personne n’aurait imaginé qu’on serait à l’Euro.

Êtes-vous frustré de voir que l’engouement de la population est encore limité pour le basket en Suisse?
On sent que dans la communauté, il y a un engouement. On a par contre un événement concurrent en interne: la Coupe du Monde des moins de 19 ans à Lausanne. Mais les gens fans de basket commencent à se rendre compte de ce qu’est cette qualification: un résultat exceptionnel.

Si on reste sur le côté frustration: à la conférence de presse que vous avez organisée pour lancer votre campagne de l’Euro, il n’y avait que des journalistes romands. Ce n’est pas embêtant de ne pas réussir à s’exporter en Suisse alémanique, alors qu’à Aarau lors de la dernière fenêtre de qualifications, vous avez rempli la salle?
Oui. C’est un des piliers de la stratégie et de la vision du nouveau président Andrea Siviero. On ne peut pas exister en Suisse si on reste un sport régional. Par contre, s’exporter en Suisse allemande ne se fera jamais au détriment des Romands. Au contraire, ça va aussi les servir. Le basket se développe lentement mais il manque une locomotive. Ça sera peut-être Yanic Konan Niederhäuser. Pour le moment, il n’y a pas de club alémanique de très haut niveau, donc on essaye d’exporter nos équipes nationales.

Au niveau des infrastructures, il y a également un problème dans le basket suisse, avec des salles de gym réquisitionnées pour les équipes de l’élite. Ne faut-il pas développer cet aspect aussi?
Oui, surtout qu’il y a deux problématiques: la première est qu’on n’a pas assez de place donc qu’on doit refuser des licenciés. Et la seconde est que les salles ne sont pas dédiées au basket et parfois, les équipes passent après d’autres pour l'utilisation du terrain. Il y a des salles à Nyon ou au Tessin qui arrivent. C’est vraiment le moment de construire, comme à Neuchâtel. Genève est aussi dans le coup avec la rénovation de la Queue d'Arve. Il y a un vrai enrichissement à ce niveau-là.

Mais est-ce que ce n’est pas un cercle vicieux? D’un côté, il faut des salles de qualité pour attirer le public et de l’autre, sans public, difficile de motiver les autorités à construire des salles.
On n’a pas trop ce problème-là. Le basket reste un sport populaire et les gens le savent. Les communes ne nous disent pas: «On ne va pas construire parce que vous n’avez pas de public.» En Suisse, le problème est surtout qu’on manque de terrains pour construire. Du coup, il faut rénover ou alors imaginer des modèles hybrides. Toujours sur un modèle semi-privé.

Le basket suisse va perdurer après vous. Quelle est la vision pour la suite?
Un objectif premier est de vouloir organiser l’Eurobasket féminin 2029 en Suisse. Même si je suis à la retraite à ce moment-là, je serai sûrement dans les parages. C’est important pour inspirer la jeunesse, les clubs, et créer une vraie dynamique. C’est un beau challenge.

Revenons à l’équipe féminine actuelle. Comment allez-vous gérer l’élan actuel et éviter un trou générationnel après les filles nées en 2003?
Pour profiter de l’élan, on a mis des moyens en communication en place, avec un peu de storytelling. Les filles vont aussi être mises en avant lors de la Coupe du monde U19 à Lausanne, avec une présentation officielle. Sportivement, on a un bon coach et un staff solide. Et on a aussi une belle base générationnelle pour la suite avec les joueuses nées entre 2005–2006, ce qui nous offre une stabilité encourageante.

Quelles mesures concrètes avez-vous prises pour alimenter la relève?
On a mis sur pied des programmes réguliers des U16 aux U20. Et surtout, on va lancer un championnat national U16 féminin: une première. Cela permettra à des jeunes Suissesses de jouer à un bon niveau national, puis d’alimenter les clubs de l'élite. On développe aussi un projet de centre national féminin pour l’été 2026.

Vous disiez avant que beaucoup de joueuses évoluaient à l’étranger, ce qui est une bonne nouvelle. Pourtant, il y a quand même un équilibre à trouver pour ne pas perdre la qualité du championnat et conserver de bons talents.
C’est une ligne très fine. L’important, c’est que les clubs suisses proposent un bon spectacle et jouent régulièrement en Coupe d’Europe.

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