Commentaire de Richard Werly
Avis aux Français: vous êtes les nouveaux Grecs

François Bayrou a démarré ses annonces budgétaires en mettant le pays en garde contre «un scénario à la grecque». Juste. La France est bien la nouvelle Grèce. Mais elle n'est pas prête à se réformer, juge notre journaliste Richard Werly.
Publié: 05:23 heures
|
Dernière mise à jour: 05:56 heures
Partager
1/5
Le Premier ministre français a tout misé sur la pédagogie. La dette de son pays augmente de 5000 euros par seconde.
Photo: keystone-sda.ch
Blick_Richard_Werly.png
Richard WerlyJournaliste Blick

La partie la plus réussie de l’exposé budgétaire de François Bayrou, ce mardi 15 juillet, aura été celle des phrases chocs et des chiffres clés. Dire à ses compatriotes que la dette publique du pays augmente de «5000 euros par seconde», ou les avertir que, sans changement de cap, la France sera confrontée à un «scénario à la grecque», a l’immense mérite de planter le décor.

Oui, Bayrou a raison: ce pays va dans le mur s’il ne parvient pas à endiguer sa spirale de dépenses publiques. Et oui, il est accro à ces dépenses, dont le montant total avoisine les 1700 milliards d’euros par an.

Maladies incurables

La suite de l’exposé du chef du gouvernement a en revanche tout gâché. Ou presque. Car une simple vérité n’a pas été prononcée: les Français de 2025 sont bel et bien les Grecs des années 2010. Ecrire cela ne signifie pas que les économies des deux pays sont comparables, et que l’Etat français a les mêmes maladies quasi incurables de l’Etat grec de l’époque: inefficace, corrompu, ankylosé par les magouilles des clans politiques successifs au pouvoir.

Cela veut juste dire que les Français de 2025, comme les Grecs de 2010, refusent de tirer les conséquences pour eux-mêmes de cette dérive généralisée. Beaucoup savent pourtant que la dégradation des comptes publics se paie cash, et que la France emprunte aujourd’hui à des taux supérieurs à l’Italie, à l’Espagne ou au Portugal. Mais leur réflexe est égoïste: ils épargnent toujours plus en attendant la crise. Ils sont des écureuils qui se bouchent les yeux, le nez et les oreilles.

Inefficacité chronique

J’ai suivi de près, entre 2010 et 2015, la crise financière qui a mis la Grèce à genoux. J’ai échangé de nombreuses fois, à Athènes ou à Bruxelles, avec les consultants du Fonds Monétaire International ou de la Commission européenne (dont des experts français chargés de la fiscalité). Et tous entonnaient un refrain unique: le problème grec – loin d’être résolu, 10 ans plus tard – est celui de l’inefficacité chronique d’un Etat perçu comme une vache à lait et non comme une locomotive.

Un Etat qui avait fini par ligoter les décideurs politiques, tous complices de ses dérives pendant des années. Un Etat toxique, parce qu’il n’inspire plus confiance à ses administrés. Lesquels le lui rendent bien. Au risque, demain, de paniquer ses bailleurs de fonds et ses créanciers.

Oracle septuagénaire

Le plaidoyer de François Bayrou sur la nécessité de trouver 43,8 milliards d’euros d’économies budgétaires est encore une fois à mettre à son actif. D’autant qu’il est le Premier ministre d’un pays dont le président, Emmanuel Macron, a considérablement creusé la dette publique.

Les Français ont trouvé, avec Bayrou, l’oracle septuagénaire qui leur dit la vérité. Il lui manque en revanche ce qui permet l’élan, le redressement, et le sursaut pour: l’adhésion d’une partie suffisante de la classe politique et de la population. Et la capacité à offrir une alternative crédible, basée sur une ou deux réformes drastiques qui pourraient même être soumises à référendum. Non pas pour s’enfoncer dans le déni, comme ce fut le cas en Grèce avec le vote contre le mémorandum européen de 2015. Mais pour démontrer que la France et son modèle social ont encore un avenir.

Partager
Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la