Désormais à la tête du gouvernement, Sébastien Lecornu était, depuis les législatives anticipées de juin 2024, le choix d’Emmanuel Macron pour le poste de Premier ministre. En charge des armées françaises, cet ancien élu local (droite) de Normandie incarne en effet ce que le Président respecte le plus: une quasi totale obéissance, une fidélité à l’engagement européen de la France, et une fierté d’avoir depuis 2017 «modernisé» le pays sous son leadership, en le rendant plus attractif sur le plan économique. Du moins, si l’on en juge par les chiffres d’investissements étrangers dévoilés chaque année.
Maintenant que son heure est venue de diriger le gouvernement, après les échecs des deux dinosaures Michel Barnier et François Bayrou qui volaient la vedette au locataire de l’Elysée – l’ex-ministre des Armées ne doit toutefois pas se tromper de diagnostic. Le pays dont il hérite, déjà confronté à une journée de «blocage total» ce mercredi 10 septembre, est un pays blessé par huit ans de macronisme. Blessé par l’arrogance d’un président qui l’a plongé dans la crise avec sa dissolution ratée du 9 juin 2024. Blessé par les promesses d’un président qui évoque des référendums et ne les concrétise jamais. Blessé par le manque de rigueur d’un président qui, après avoir considérablement accru la dette publique durant ses deux mandats, demande à ses compatriotes de se serrer la ceinture…
Brasier social français
Sébastien Lecornu connaît ce brasier social français. C’est lui qui, en 2019, dans l’espoir de mettre fin à la révolte des «gilets jaunes», proposa avec succès un grand débat entre Emmanuel Macron et des centaines d’élus locaux. Bien joué. Bien mené. Sauf que rien n’en est sorti car le chef de l’Etat, plus Jupiter que jamais, s’est empressé de refermer la boîte des «cahiers de doléances». Logique: Macron l’Européen et mondialiste préfère de très loin s’occuper – avec un réel talent – des questions internationales et de la place de la France dans le monde plutôt que de recoudre les blessures de la société française, amplifiées par sa façon de tout centraliser, et de tout regarder d’en haut, en leader si satisfait de son incontestable intelligence.
La question, maintenant, est donc de savoir si Sébastien Lecornu, non content de rassurer les partenaires européens et internationaux de la France par son parcours à la tête des armées, sera juste le bouclier de fin de quinquennat dont Macron a tant besoin. Sera-t-il l’exécuteur testamentaire du macronisme en voie de disparition? Ou, au contraire, celui qui saura préserver le dynamisme des huit dernières années, avec l’obligation de réalisme budgétaire, la volonté de compromis, et l’intelligence collective qui ont toujours manqué à Emmanuel Macron?
Respecter l’Assemblée
Pour réussir, le nouveau Premier ministre français doit respecter l’Assemblée nationale et la France telles qu’elles sont. Il doit montrer à ses compatriotes, assoiffés d’égalité, qu’il ne sera pas l’assistant zélé du «président des riches». Il doit dégager des pistes d’avenir dans un pays bloqué. Il doit ouvrir des portes au lieu d’en refermer. En ayant bien conscience, lui qui fréquente depuis trois ans les militaires si obéissants, que cette République blessée est tout sauf une caserne au garde-à-vous devant le Général Macron.