Emmanuel Macron n'a rien lâché. Bien que le dos au mur, acculé par le vote de défiance qui a obligé le Premier ministre François Bayrou à lui présenter sa démission ce mardi 9 septembre, le président français vient de refuser d'obéir à la logique parlementaire. C'est au sein de son camp, pourtant battu à plusieurs reprises, dans les urnes et à l'Assemblée, que le locataire de l'Elysée vient de choisir le nouveau chef du gouvernement. Mieux: Sébastien Lecornu (39), ministre depuis 2017, et ministre des Armées depuis 2022, est un de ses très proches. Pourquoi Macron s'expose ainsi, alors que 64% des Français souhaitent son départ selon les derniers sondages? Pour ces 5 raisons.
Lecornu le protégera
Il ne faut pas oublier la situation d'Emmanuel Macron. Dans un an et demi, en mai 2027, son second mandat présidentiel sera terminé et il ne pourra pas se représenter. Aujourd'hui, 64% de ses compatriotes aimeraient le voir démissionner car ils le rendent responsable de la crise politique actuelle, depuis sa dissolution hasardeuse de l'Assemblée nationale le 9 juin 2024. Nommer l'actuel ministre des Armées, élu de droite rallié au camp macroniste depuis 2017, c'est se protéger. L'intéressé a, par ailleurs, toujours affirmé qu'il ne compte pas être candidat à la présidentielle 2027. Pas de risque de rivalité au sommet donc. Emmanuel Macron peut espérer rester en poste jusqu'à la fin de son mandat.
Lecornu négociera
La rapidité de la nomination de Sébastien Lecornu est un premier test. Celui-ci recevra en effet le flambeau de Premier ministre de François Bayrou ce mercredi 10 septembre à 12 heures, alors que le pays vivra sa journée de «blocage total» à l'appel de nombreux collectifs soutenus par la gauche radicale. Une autre journée sociale choc aura lieu le 18 septembre, à l'appel des syndicats. Lecornu, élu local de Normandie (maire de Vernon, patron du département de l'Eure), est connu pour être un bon négociateur. Sa feuille de route présidentielle donnée aujourd'hui lui intime d'ailleurs l'ordre de consulter les forces politiques avant de constituer son gouvernement. Sauf que derrière le nouveau Premier ministre se profile l'ombre de Macron, ce président perçu comme autoritaire dans lequel beaucoup de dirigeants politiques n'ont plus du tout confiance.
Lecornu ne dépensera pas
C'est l'ironie de cette nomination. Comme ministre des Armées, Sébastien Lecornu a obtenu une forte hausse des crédits militaires, au nom de la guerre en Ukraine et de la menace russe. Le projet de budget 2026, qui doit être présenté au Parlement avant le 13 octobre (et adopté avant le 31 décembre), prévoit ainsi que seul le budget de la défense augmentera d'environ trois milliards, alors que le Premier ministre sortant François Bayrou envisageait 44 milliards d'euros d'économies. Sébastien Lecornu peut-il se reconvertir en «père la rigueur»? Il est considéré comme très proche de l'ancien ministre des Finances Bruno Le Maire, accusé d'avoir creusé la dette publique de plusieurs centaines de milliards d'euros entre 2017 et 2024. Alors, crédible?
Lecornu parlera au RN
L'ex-ministre des Armées a déjeuné en 2024 avec Marine Le Pen. Il a de bons rapports avec les députés du Rassemblement national (RN, droite nationale populiste). Mais pour l'heure, l'hostilité est de mise. D'emblée, le RN a critiqué ce choix. La patronne du RN l'a même qualifié de «dernière cartouche du macronisme bunkerisé». Logique: le premier groupe de députés à l'Assemblée – et premier parti de France – exige une nouvelle dissolution et réclame même la démission d'Emmanuel Macron. Lecornu se retrouve donc aujourd'hui en travers de la route politique du RN. Le risque d'embuscade du parti national-populiste est par conséquent réel. Reste que le Rassemblement national, qui se présente comme un parti de gouvernement, peut difficilement faire à nouveau échouer un budget dont la France a tant besoin
Lecornu peut ouvrir au PS
Quel gouvernement? Quels ministères concédés aux socialistes, pour les convaincre d'entrer au gouvernement, sans faire fuir la droite traditionnelle (d'où vient Lecornu) dirigée par le ministre sortant de l'Intérieur Bruno Retailleau? La première mission du nouveau chef du gouvernement français sera d'amadouer les socialistes, sans lesquels aucune coalition stable n'est possible, dans une Assemblée nationale fragmentée. Avantage: le nouveau Premier ministre est un Européen convaincu. Il va rassurer à Bruxelles. Il défend une Europe souveraine. Il est au coeur des discussions sur l'Europe de la Défense. Pas question par contre pour lui de revenir sur la réforme des retraites, emblématique de la présidence Macron. Il cherchera à ouvrir au PS, mais comment?