Laborieux vote du budget
Non, la France n'est pas sortie de sa crise

Le Premier ministre Sébastien Lecornu vient d'empocher un premier succès politique avec le vote, à l'Assemblée nationale, du budget de la Sécurité sociale. Pour le reste? Le pays navigue à vue.
C'est une victoire douce-amère pour Lecornu.
Photo: keystone-sda.ch
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Richard WerlyJournaliste Blick

La France va continuer de dépenser plus, donc de s’endetter davantage, donc d’hypothéquer son avenir, donc de mettre des pansements budgétaires sur ses plaies au lieu de chercher un remède à ses maladies. Cette situation n’est, bien sûr, pas celle que va décrire le Premier ministre Sébastien Lecornu, après le vote aux forceps du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2026.

En France, l’Assemblée nationale vote deux budgets. Le premier est celui consacré aux dépenses sociales, assurance maladie ou retraites. C’est celui qui vient d’être adopté ce mardi 9 décembre avec le soutien des socialistes, à seulement treize voix de majorité. 

Le second budget, celui de l’Etat (administrations, collectivités locales), doit être théoriquement voté avant le 31 décembre. Mais il est très peu probable qu’il le soit. Le pays pourrait donc commencer l’année à venir sans budget, comme ce fut le cas en 2025.

Une victoire pour Lecornu?

Mais revenons au vote de ce mardi, présenté comme une victoire pour le chef du gouvernement, qui a réussi, in fine, à convaincre les députés PS à force de concessions. Victoire, vraiment? Oui, mais tactique et à court terme.

Nommé en octobre pour protéger Emmanuel Macron jusqu’à la fin de sa présidence, en mai 2027, Sébastien Lecornu a bien joué son rôle de moine-soldat et de rempart. Avec deux armes de séduction massive pour le centre gauche: la suspension de la réforme des retraites (actée avec ce budget de la Sécurité sociale, qui gèle l’âge de départ à 62 ans et neuf mois, au lieu des 64 ans fixés par la réforme de 2023) et l’augmentation des dépenses dans presque tous les domaines, à commencer par la santé. Résultat: un déficit prévu de la Sécurité sociale autour de 23 milliards d’euros pour 2026. Des milliards qu’il faudra emprunter sur les marchés financiers.

La France n’est pas non plus stabilisée politiquement, comme Sébastien Lecornu va se plaire à l’expliquer. Oui, une nouvelle dissolution de l’Assemblée nationale a été évitée. Oui, le pays n’est pas en crise politique ouverte. Mais à trois mois des municipales de mars 2026, la situation politique ressemble à un champ de ruines. Les socialistes ont arraché la suspension des retraites et des budgets supplémentaires sans rien formuler d’autre que la volonté de dépenser plus. La droite traditionnelle et le camp macroniste se retrouvent divisés, entre ceux qui acceptent de «laisser couler» et ceux qui s’alarment des dérapages financiers.

Tandis que deux partis préparent toujours leurs armes, en misant sur le «dégagisme» de droite et de gauche: le Rassemblement national (droite nationale populiste) et La France insoumise (gauche radicale). Leur credo, à l’approche des urnes: tous ceux qui sont complices de Macron sont coupables, virez-les tous!

Pas sortie de sa crise

Cette France n’est pas sortie de sa crise, loin de là. Elle stagne. Elle piétine. Elle n’a pas appris le compromis parlementaire, mais les arrangements. Le PS ne veut pas gouverner avec Emmanuel Macron; il veut juste obtenir de lui des concessions «vendables» pour mieux tourner la page de ce locataire de l’Elysée qui l'a trahi en 2017. Et pendant ce temps-là, les Européens regardent vers Paris. Ils se disent que la France, par son poids historique, par la taille de son économie, par sa dissuasion nucléaire et par sa diplomatie, est indispensable dans le cockpit d’une Europe fragilisée et bousculée par Donald Trump, Vladimir Poutine et Xi Jinping.

Or que voient-ils? Des dirigeants qui optent pour le pilotage automatique à sens unique: toujours plus de dépenses. En misant sur l’euro comme garantie anti-crash dans un grand brouillard budgétaire destiné à durer, et instrumentalisé de sorte que personne, ou presque, ne puisse vraiment faire les comptes et juger du manque, ou non, de carburant. 

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