Exit la taxe Zucman sur les ultra-riches et re-bonjour la colère fiscale! Près de 80% des Français s’estiment assommés par les impôts dans ce pays où le taux de prélèvements obligatoires est l’un des plus élevés au monde. Cette colère, point crucial, ne se lit pas dans un sondage. Elle vient d’une étude officielle du Conseil des prélèvements obligatoires, l’organisme chargé de prendre la température du fameux «consentement à l’impôt». Attention: ces mêmes Français acceptent de payer plus de taxes. Mais ils estiment à une écrasante majorité que l’Etat leur demande beaucoup trop, pour trop peu de résultats.
Le chiffre clé est d’ailleurs celui-ci: 72% des contribuables interrogés jugent que leur argent est mal utilisé, et qu’il nourrit une administration de moins en moins efficace. «Leur confiance dans l’Etat s’érode peut-on lire dans un éditorial publié par la radio France Info. Aujourd’hui, moins d’un Français sur 3 est content de la qualité des services publics au regard des impôts et taxes qu’il paie pour les financer».
Ce, sur fond de pression fiscale toujours plus élevée: la France détient le quasi-record des prélèvements obligatoires dans les pays les plus riches de l’OCDE: 45% en 2024, juste derrière le Danemark. Ce pourcentage est aussi élevé en Suisse (près de 40%) mais à une grande différence près: 70% des Helvètes interrogés, en moyenne dans les études d’opinion, jugent que leurs administrations fonctionnent et leur donnent satisfaction. En 2023, 62% des Suisses déclaraient ainsi «avoir une confiance élevée ou modérément élevée dans le gouvernement fédéral» selon une enquête menée justement par l’OCDE.
Le mal français de l’impôt se confirme, en version XXL. Or, le pays a cruellement besoin d’argent pour financer son Etat. L’actuel projet de loi de finances pour 2026, qui pourrait bien ne pas être voté faute d’accord entre partis à l’Assemblée nationale, prévoit une nouvelle aggravation des dépenses publiques. En 2024, le déficit public français a atteint 168 milliards d’euros, alors que les intérêts de la dette à rembourser se situent chaque année autour de 50 à 60 milliards.
Fortune improductive
Preuve de la nécessité de racler les fonds de tiroir des Français, un amendement a été introduit lors du débat budgétaire (qui doit s’achever en fin d’année) pour créer un «impôt sur la fortune improductive» qui doit remplacer l’impôt sur la fortune immobilière (IFI). Les socialistes, essentiels pour le vote du budget, viennent par ailleurs de proposer un emprunt forcé qui serait imposé aux très hauts revenus. Il a été rejeté jusque-là par le gouvernement. Lequel avait aussi œuvré pour rejeter la fameuse taxe proposée par l’économiste Gabriel Zucman: un impôt de 2% sur le patrimoine des «ultra-riches» dont le patrimoine dépasse les 100 millions d’euros.
Ce ras-le-bol fiscal avéré fait remonter à la surface des cauchemars sociaux. Le gouvernement redoute notamment une nouvelle poussée de fièvre telle que les «gilets jaunes» de l'hiver 2018-2019. Ces manifestants étaient massivement descendus dans les rues pour protester alors contre l’augmentation du prix du diesel, défendu par celui qui est aujourd’hui candidat du centre droit pour l’élection présidentielle 2027: l’ancien Premier ministre Edouard Philippe.
Politiques paralysés
«Ce mécontentement latent paralyse l’action politique: un élu n’ose pas porter une réforme impopulaire de peur de voir des mouvements citoyens anti-fiscalité éclater: les bonnets rouges, les pigeons, et évidemment les gilets jaunes ont traumatisé la classe politique. Dernier exemple: la suspension de la réforme de la taxe foncière par le Premier ministre pour désamorcer la grogne» juge l’éditorialiste Fanny Guinochet sur France Info.
Le paradoxe français est confirmé. D’un côté, le pays arrive encore à convaincre les marchés financiers (malgré la baisse de sa notation passée de AA- à A + chez Standard & Poors) de sa solvabilité, parce que son administration des impôts est l’une des plus performantes au monde. De l’autre, sa population et ses étrangleurs s’estiment étranglée. Cela ressemble, un peu, à un pendu au bout de la corde fiscale…