Savez-vous que le gouvernement français présente chaque année au Parlement deux projets de loi de finances? Le premier est celui des dépenses de l’Etat. Il s’agit du projet de loi de finances classique. Le second est celui des dépenses de la sécurité sociale, baptisé le PLFSS.
C’est dans ce second projet que le nouveau Premier ministre français Sébastien Lecornu va proposer un amendement destiné à suspendre la très controversée réforme des retraites adoptée puis promulguée au printemps 2023. L'enjeu est majeur, car si ce budget n’est pas voté, l’amendement ne sera pas pris en compte. La fameuse réforme ne sera dès lors pas suspendue, comme les socialistes l’ont obtenu en échange de leur engagement à ne pas voter la censure.
Deux projets de loi de finances
Deux projets donc, et dans les deux cas, des chiffres alarmants, sur fond d’inquiétude croissante des marchés financiers comme l’a prouvé, vendredi 17 octobre, la dégradation anticipée de la note souveraine de la France par l’agence Standard and Poors.
La France est désormais notée A+, soit un cran au-dessus de sa précédente note AA-. L’agence Fitch avait fait de même le 12 septembre et il est très probable que Moody’s empruntera un chemin identique ce 24 octobre.
Les chiffres qu’il faut retenir
Quels chiffres alors? Pour le projet de loi de finances, trois indicateurs sont particulièrement marquants. Le premier est l’annonce d’un déficit public à nouveau record fin 2026, à 4,7%, sur la base d’une hypothèse de croissance économique de 1% contredite par plusieurs instituts. L’OFCE, souvent cité, prévoit ainsi plutôt 0,7%, voire moins.
Second chiffre: le montant des dépenses de l’Etat, c’est-à-dire des administrations. Il continuera d’augmenter en 2026 de plus de dix milliards, pour atteindre 501 milliards d’euros. La machine gouvernementale française, dans son ensemble, ne sait donc pas arrêter de dépenser.
Troisième chiffre enfin: le nombre de suppressions de postes de fonctionnaires: ce chiffre est tombé à 3119 suppressions, alors que le pays compte environ six millions d’employés du secteur public, tous statuts confondus. Là aussi, la machine semble inarrêtable.
Au final dans ce projet de loi de finances, le gouvernement chiffre à une trentaine de milliards d’euros les économies budgétaires proposées pour 2026, entre nouveaux prélèvements (14 milliards) et économies de dépenses (17 milliards). Le prédécesseur de Sébastien Lecornu, François Bayrou, proposait lui 44 milliards, ce qui lui a valu un vote de défiance à l'Assemblée le 8 septembre. La charge annuelle d'intérêts de la dette française varie, elle, entre 50 et 60 milliards d'euros.
Même exercice pour le projet de budget de la Sécurité sociale. Il y a également là de quoi s’inquiéter, alors que les partis d’opposition vont sans doute se liguer pour augmenter les dépenses, afin de satisfaire leur électorat. Le déficit de la «Sécu», pilier de l’Etat providence à la française atteindra 23 milliards d’euros à la fin 2025, autre record.
Un chiffre largement dû au déficit de l’assurance maladie, chiffré à 16 milliards d’euros. Le déficit du système français de protection sociale a plus que doublé depuis 2023. L’objectif contenu dans le PLFSS est de 17,5 milliards d’euros, avec promesse de retour à l’équilibre en 2029. Mais qui peut y croire?
Hausse probable des impôts
Impossible, dès lors, de ne pas s’alarmer de la hausse probable des impôts. Quatre directions sont déjà données dans le projet de loi de finances. Côté recettes affirme celui-ci, l’effort en 2026 «reposera avant tout sur un effort supplémentaire des contribuables disposant des moyens les plus importants, à hauteur de 6,5 milliards d’euros».
Sont citées les pistes suivantes: une taxe sur le patrimoine financier (holdings), doublée d’une contribution minimale des foyers disposant des revenus les plus élevés; la surtaxe exceptionnelle sur les bénéfices des plus grandes entreprises, qui serait partiellement prolongée d’un an et la poursuite de la rationalisation des niches fiscales et sociales.
Côté salarial, les plus hauts revenus seront mis à contribution. Les exonérations de charges diverses en vigueur jusque-là seront supprimées pour les salaires supérieurs à trois SMIC (le salaire minimum mensuel d’un montant net de 1426 euros).
Le coût des retraites
La suspension de la réforme des retraites enfin: si elle intervient, son coût sera sans doute plus important que ce qui est annoncé. Selon le quotidien libéral L’Opinion, la facture sera mineure en 2026, estimée à 400 millions d’euros. Mais elle montera à 1,8 milliard d’euros en 2026, puis à trois milliards d’euros en 2027, année de la présidentielle, lorsque cette réforme sera débattue par les candidats.
Faites le compte: la concession faite par Emmanuel Macron et Sébastien Lecornu au PS (soutenu par une majorité de Français selon les sondages) coûtera près de 5 milliards d’euros.