Sébastien Lecornu est (déjà) un survivant. Le nouveau Premier ministre français, renommé par Emmanuel Macron moins d’une semaine après avoir démissionné avec fracas lundi 6 octobre, a échappé à la censure.
Deux motions de censure avaient été déposées ce jeudi 16 octobre contre son gouvernement. Il fallait, pour les adopter, au moins 289 députés sur 577. Double échec. Les deux principales forces d’opposition, le Rassemblement national (RN, droite nationale populiste) et La France Insoumise (LFI, gauche radicale) ont échoué presque sur le fil, en réunissant 271 députés. Il ne leur a manqué que 18 voix pour contraindre Lecornu II à la démission.
Budget pour 2026
Et maintenant? Tout se résume à un seul mot: le budget pour 2026. En France, deux projets de loi se cachent derrière ce terme: le projet de loi de finances pour les dépenses de l’Etat, et le projet de loi de finances pour la Sécurité sociale. Tous les deux réunis proposent, d’après le texte gouvernemental déposé au Parlement cette semaine, 30 milliards d’euros d’économies budgétaires par rapport à 2025, soit 14 milliards de moins que l’ébauche de François Bayrou, le Premier ministre forcé de démissionner le 8 septembre par un vote de défiance.
30 milliards, alors que la charge annuelle des intérêts de la dette se situe entre 50 et 60 milliards d’euros. C’est dire que le compte n’y est pas. Ce que Sébastien Lecornu a d’ailleurs reconnu par avance en repoussant à 5% le déficit estimé pour 2026, record annoncé au sein de la zone euro.
Or ce budget, pour l’heure, demeure une illusion. Oui, le gouvernement Lecornu reste en place. Oui, les oppositions ont échoué à le faire tomber. Oui, Emmanuel Macron n’aura pas besoin de dissoudre maintenant l’Assemblée nationale une seconde fois, après sa dissolution hasardeuse de juin 2024. Oui, les partis allant de la droite traditionnelle aux socialistes ont accepté de travailler ensemble. Et après? Le flou total.
L’étau du PS
Les socialistes, rappelons-le, sont en position de force. Avec leurs 69 députés, ils tiennent la clef de la survie du gouvernement. Le prix de cette survie? La suspension totale de la réforme des retraites de 2023 (annoncée ce mardi), des mesures de pouvoir d’achat, et une imposition des plus riches. Trois sujets qui risquent de transformer la discussion budgétaire en guerre de tranchées avec la droite.
L’autre illusion est celle de la faisabilité institutionnelle de ce budget. Le Premier ministre français a choisi de renoncer à un outil jusque-là indispensable: le recours à l’article 49.3 de la constitution qui permet un vote bloqué. En clair: le moyen d’en finir avec les débats interminables et les dérives budgétaires. Quel budget sera donc celui de la France à l’issue des 70 jours de discussion? Le sérieux sera-t-il au rendez-vous? Le PS va-t-il tente d’obtenir encore plus? Que va répondre le gouvernement à la Commission européenne qui, déjà, alerte sur la nécessité de compenser le coût d’un abandon de la réforme des retraites de 2023?
Ornière financière
La France reste dans une ornière financière. Le 24 octobre, l’agence de notation Moody’s le rappellera sans doute. Cette nouvelle note tombée pile le jour du Conseil européen à Bruxelles où Emmanuel Macron devra résume la crise politique française à ses partenaires. Il y a bien de la lumière dans le tunnel.
Mais elle est bien trop faible et hésitante pour prédire qu’elle éclairera le chemin jusqu’à la fin du second mandat de Macron, en mai 2027. Rendez-vous à l’issue du débat budgétaire le 31 décembre puis pour les municipales de mars 2026. Lecornu II ou le règne du court terme…