Budget français
La seule option d'Emmanuel Macron: dépenser toujours plus

C'est écrit et c'est assumé: pour éviter une nouvelle chute du gouvernement, le nouveau Premier ministre Sébastien Lecornu devra ouvrir le robinet budgétaire. Les socialistes l'exigent. Déficit et dette sont au programme.
Publié: 12:40 heures
|
Dernière mise à jour: 13:59 heures
Partager
Écouter
1/5
Emmanuel Macron a obtenu une parenthèse de stabilité gouvernementale, mais à quel prix?
Photo: AP
Blick_Richard_Werly.png
Richard WerlyJournaliste Blick

Dépenser plus pour présider encore la France. Ce slogan n’est pas celui d’Emmanuel Macron, le chef de l’Etat qui promettait, en 2017, de «transformer» son pays. Et pourtant: un jour après le discours de politique générale de son nouveau Premier ministre devant les députés, la réalité s’impose. C’est aux finances publiques de la France, avec ses conséquences inévitables sur la zone euro, que le président de la République réélu en 2022 va faire peser le fardeau de sa dernière année et demie de mandat. Lequel s’achèvera en mai 2027.

Dépenser plus alors que la France doit déjà, chaque année, débourser entre 50 et 70 milliards d’euros pour rembourser la charge de sa dette record de 3345 milliards d’euros, soit 117% du PIB. Dépenser plus puisque la réforme des retraites adoptée et promulguée au printemps 2023 vient d’être suspendue jusqu’à la prochaine présidentielle, avec un coût estimé entre deux (selon le gouvernement) et quatre milliards d’euros (selon les experts). Dépenser plus, enfin, car le Parti socialiste, dont dépend la survie politique du Premier ministre Sébastien Lecornu, exige d’autres concessions sociales. Un ministre du «pouvoir d’achat» (chargé aussi des entreprises), Serge Papin, vient d’ailleurs d’être nommé. Il dirigeait auparavant une chaîne de supermarchés.

Pas de croissance économique

Dépenser plus, la marque de la présidence Macron? Malheureusement pour le pays dont la croissance économique ne dépassera pas 1% en 2025, et où plus de 60 000 faillites d’entreprises ont été enregistrées depuis un an (un autre record), la réponse est oui. Le prix de l’attractivité économique de la France, vrai succès du président élu pour la première fois en 2017, a été payé chèrement. Oui, les impôts ont baissé en France sous son mandat, même si les prélèvements obligatoires représentent 43% du Produit intérieur brut, chiffre le plus élevé de la zone euro après la Finlande. Oui les deux tiers de l’allègement de la fiscalité (62 milliards d’euros entre 2017 et 2023) depuis huit ans ont soutenu la demande et le pouvoir d’achat des classes moyennes et populaires. Mais ces baisses d’impôts n’ont pas été financées. La politique de l’offre n’a pas accouché du «ruissellement» promis: à savoir une croissance tirée de l’avant par les investissements étrangers. Tandis que le déficit de la sécurité sociale, ce pilier de l'Etat providence français a explosé: 23 milliards d'euros annonçés en 20245 après 15 milliards en 2024. 

D'autres chiffres sont connus et inquiétants. Un rapport du Sénat vient de mettre en cause les 211 milliards d’euros d’aides aux entreprises. Le chiffre de mille milliards d’euros de dette supplémentaire sous Macron n’est pas contesté. Les aides publiques durant la pandémie de Covid ont atteint entre 270 et 300 milliards d’euros sur un an, entre mars 2020 et juillet 2021! Les concessions sociales faites pour calmer la révolte des «gilets jaunes» durant l’hiver 2018-2019 se sont élevées à 17 milliards d’euros. Emmanuel Macron aura été à la fois le président de l’éloge de la compétitivité française et du laxisme budgétaire.

Un débat budgétaire plombé

Quid de la situation aujourd’hui, à la veille du débat budgétaire? Elle ne peut qu’inquiéter. Le déficit public envisagé est déjà de 5% au lieu de 4,6%. Une surtaxe sur les 400 plus grandes entreprises du pays est annoncée. 23 «niches fiscales» qui permettaient aux contribuables de diminuer leurs factures devraient être supprimées. Mais d’autres éléments sont pointés par les experts: pas de baisse sérieuse des effectifs des fonctions publiques or c’est la principale dépense (en dehors du service de la dette), une cible d’inflation trop basse par rapport à la réalité donc les dépenses vont dériver en même temps que le coût de la vie, un coût du gel de la réforme des retraites qui pourrait augmenter. Conclusion d’un ancien magistrat de la Cour des comptes: «Une fois de plus le bouclage va se faire en réalité par l’augmentation des impôts et de la dette. Il n’y a aucune économie prévue, et certaines propositions comme la diminution de franchise pour certains médicaments disparaîtront dans le débat budgétaire».

Rendez-vous dans 70 jours, à l’issue de ce débat pour lequel Sébastien Lecornu a promis de ne pas utiliser la procédure de vote bloqué de l’article 49.3. Conséquence: les socialistes, qui ont logiquement besoin de prouver qu’ils ont infléchi la trajectoire, vont peser de tout leur poids. A eux, paradoxalement, de montrer qu’ils sont conscience des contraintes financières du pays.

Partager
Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la
Articles les plus lus
    Articles les plus lus