Sa taxe débattue à l'assemblée
Les ultra-riches français de retour en Suisse? Merci Zucman!

L'économiste français est devenu le symbole du fardeau fiscal tricolore pour les riches contribuables. La taxe sur les plus gros patrimoines qu'il propose est débattue ce mercredi 29 octobre à l'Assemblée nationale.
Publié: 29.10.2025 à 11:03 heures
Partager
Écouter
1/4
La justice fiscale est le mot d'ordre du Parti socialiste, dont le soutien est indispensable à l'actuel gouvernement français.
Photo: IMAGO/NurPhoto
Blick_Richard_Werly.png
Richard WerlyJournaliste Blick

Ils sont souvent multimilliardaires. En France, on les surnomme les «ultra-riches». Les noms le plus souvent cités? Vincent Bolloré (magnat de la finance et des médias), Bernard Arnault ou François Pinault (magnats du luxe et des médias), Martin Bouygues (magnat du bâtiment et des médias), Xavier Niel (magnat des télécoms et des médias).

Ils sont à la fois les capitalistes les plus en vue de la République, et les plus cloués au pilori. Les Français ne les aiment pas. Et un économiste, Gabriel Zucman, veut les faire contribuer encore plus au budget national, via sa proposition de taxe sur les plus gros patrimoines débattue ce mercredi 29 octobre à l’Assemblée nationale.

Zucman, l’économiste qui fâche

Pourquoi citer ces quelques milliardaires, sur un total d’environ 2000 «ultrariches» au patrimoine supérieur à 100 millions d’euros, que Gabriel Zucman, 39 ans, économiste formé aux Etats-Unis et proche de Thomas Piketty, veut surtaxer? Parce que dans l’opinion française, la question de la justice fiscale est revenue sur le devant de la scène d’une façon presque caricaturale.

Contenu tiers
Pour afficher les contenus de prestataires tiers (Twitter, Instagram), vous devez autoriser tous les cookies et le partage de données avec ces prestataires externes.

Le pays, on le dit souvent, est le champion de la fiscalité parmi les pays riches de l’OCDE, avec des prélèvements obligatoires qui représentent environ 46% de son produit intérieur brut. 10% des contribuables français y paient 75% de l’impôt sur le revenu, dont environ la moitié de la population est exonérée. Sauf que la place des milliardaires cités dans le débat public, et dans l’économie, y est bien supérieure que dans d’autres pays européens.

Passion égalitaire

La France est, pour le nombre de milliardaires, au 4e rang européen derrière l’Allemagne, le Royaume-Uni et l’Italie. Mais le fait que ceux-ci occupent, dans une République toujours travaillée par ses passions révolutionnaires et égalitaires, une place prééminente contribue à l’intensité du débat sur la taxe Zucman. Une taxe qui, dans sa proposition originale, suggère de prélever 2% des patrimoines supérieurs à 100 millions d’euros.

L’économiste, spécialiste reconnu des inégalités, proposait à l’origine une taxe plancher mondiale de 2% sur le patrimoine des milliardaires, conjuguée avec une taxe sur les multinationales. Selon ses calculs, celle-ci pourrait générer 200 à 250 milliards de revenus fiscaux par an. Pour la France, la taxe Zucman rapporterait selon son auteur autour de 15 milliards d’euros. Un chiffre contesté par d’autres économistes, comme le Prix Nobel 2025 Philippe Aghion, spécialiste de l’innovation, pour lequel ce chiffre pourrait tomber à quelques milliards.

Une taxe Zucman «light»

La taxe Zucman, dans cette version originale, n’est de toute façon plus de mise. Tout en la soutenant, le Parti socialiste, qui a fait de la justice fiscale une exigence pour ne pas voter une motion de censure et faire tomber l’actuel gouvernement de Sébastien Lecornu (centre droit), avance une autre proposition. Il s’agit d’une version édulcorée de la taxe Zucman, qui instituerait un impôt minimum de 3% sur les hauts patrimoines, à partir de 10 millions d’euros, en excluant les entreprises innovantes et familiales. Ce que l’économiste ne juge ni performant, ni tenable.

Cela reviendrait, selon lui à prendre le risque de répéter les erreurs commises en 1981, lorsque le pouvoir socialiste de l’époque avait créé un impôt sur les grandes fortunes, l’ancêtre de l’ISF. Il y avait eu une levée de boucliers des milliardaires de l’époque qui demandaient à en être exonérés et le pouvoir en place avait fait voter une exonération pour les soi-disant biens professionnels, c’est-à-dire les grosses détentions actionnariales. «Les milliardaires ne payaient pas et n’ont jamais payé l’ISF», a-t-il argumenté sur France Inter.

L’exemple suisse de 1981

La Suisse se souvient bien de l’exemple de 1981, année de l’élection à la présidence de la République du socialiste François Mitterrand, avec un programme d’union de la gauche et des ministres communistes au gouvernement. De très nombreux entrepreneurs et détenteurs de gros patrimoines avaient alors franchi la frontière, soit pour placer leurs avoirs dans les banques helvétiques alors protégées par le secret bancaire (abandonné en 2009, disparu depuis 2017 au profit de l’échange automatique d’informations), soit pour s’installer en Suisse et y négocier un forfait fiscal dans leur canton d’arrivée.

La même alerte avait résonné, mais peu suivie, en 2012, lors de l’arrivée au pouvoir du socialiste François Hollande, qui promettait de taxer les plus hauts revenus à 75%. Une disposition ensuite abrogée par le Conseil constitutionnel.

Un nouvel exode fiscal?

Et maintenant: Gabriel Zucman et sa taxe vont-ils provoquer un nouvel exode? Tout va d’abord dépendre de ce qui en reste dans le projet de budget actuellement débattu à l’Assemblée nationale. L’important, au-delà des amendements votés, sera la version finale du budget fin décembre, dans lequel la droite a promis de refuser de nouveaux impôts. 

Beaucoup d’experts estiment aussi que, comme sous la présidence Hollande, le Conseil constitutionnel pourrait juger le futur impôt «confiscatoire», et le supprimer. Les banquiers suisses et les avocats, eux, multiplient ces jours-ci les consultations..

Partager
Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la
Articles les plus lus
    Articles les plus lus