Bon ou mauvais budget de la Sécu? Quelle que soit l’issue du côté des députés à l’Assemblée nationale ce mardi 9 décembre, la réponse est unanime chez les experts: le projet de loi de financement 2026 de la Sécurité sociale ne répond pas aux exigences du moment. Le «trou» de la Sécu devrait atteindre, si ce budget est adopté, plus de 20 milliards d’euros l’année prochaine. La suspension de la réforme des retraites de 2023, à elle seule, coûtera trois milliards jusqu’à la présidentielle de 2027.
Moralité: la survie politique du Premier ministre Sébastien Lecornu va, dans tous les cas de figure, coûter cher à la France. Pile au moment où une étude de l’institut Terra Nova chiffre autour de trois ou quatre mille euros par an l’effort à consentir par les ménages français pour rétablir l’équilibre des finances publiques du pays!
Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) est l’un des deux budgets que l’Assemblée nationale doit adopter chaque année en France. Le second est le projet de loi de finances de l’Etat, qui compile les dépenses et les recettes des administrations et des collectivités locales.
Si le PLFSS n’était pas adopté ce mardi 9 décembre par une majorité de députés, malgré le soutien du Parti socialiste (PS), l’échec serait donc total pour le Premier ministre Sébastien Lecornu, qui a fait au PS deux concessions de taille: la suspension de la réforme des retraites de 2023, qui repoussait l’âge de départ à 64 ans (il sera gelé à 62 ans et neuf mois), et le non-recours au vote bloqué prévu par l’article 49.3 de la Constitution. Emmanuel Macron se retrouverait au bord du précipice politique.
Comment réconcilier deux visions de la France et de son économie? Dans un pays aussi fracturé, où la droite nationale populiste et la gauche radicale représentent, agrégées, environ 50% des électeurs, le débat de fond est presque devenu impossible. Le budget de la Sécurité sociale soumis au vote des députés ce mardi 9 décembre est donc le résultat de compromis faits par le camp présidentiel macroniste aux socialistes, pour obtenir leur soutien.
C’est ce qui fait enrager l’ancien Premier ministre Edouard Philippe, candidat déclaré à la présidentielle de 2027, qui se voit déjà en successeur de Macron. Problème: un vote favorable du budget ne réglera rien. La France est surendettée. Son déficit public va atteindre 5,3% en 2025 (0,1% de mieux que prévu en raison d’une croissance légèrement supérieure aux pronostics). Le calme politique, par ailleurs, ne reviendra pas vraiment, car il faut encore voter le budget de l’Etat pour 2026.
C’est la question que personne ne veut poser, sauf la Cour des comptes, qui a alerté à plusieurs reprises sur la détérioration durable des finances de la Sécurité sociale, cet acquis considéré comme primordial par les Français. Logique: ce système social garantit une assurance maladie très généreuse comparée aux autres pays européens, et un système de retraites par répartition lui aussi très favorable, puisque l’âge de départ sera gelé à 62 ans et neuf mois si le budget est adopté.
En novembre dernier, les magistrats de la Cour des comptes ont tranché: «Si, d’ici à 2029, la trajectoire financière de la Sécurité sociale ne se redresse pas et si l’accumulation de déficits conduit à la reconstitution d’une nouvelle dette sociale de plus de 100 milliards d’euros, un risque sérieux de liquidité se présentera dans les années qui viennent. Une telle situation n’est pas soutenable dans la durée.»
Sébastien Lecornu risque de se retrouver propulsé au rang de héros politique s’il parvient ce mardi 9 décembre à faire voter le projet de budget de la Sécurité sociale pour 2026. Mais la réalité est que cette réussite est basée sur les décombres de la plus emblématique des réformes voulue par Emmanuel Macron: celle du système de retraite, promulguée en avril 2023.
L’âge légal de départ à la retraite, reporté à 64 ans, reviendra à 62 ans et neuf mois, soit au minimum trois ans plus tôt que dans tous les pays européens. Tenable? Non. Politiquement acceptable? Même pas. Une partie du camp présidentiel ne digère pas ce compromis fait aux socialistes.
Emmanuel Macron restera comme le président de la République qui a creusé encore plus le gouffre de la dette, en ajoutant près de mille milliards d’euros au fardeau financier de la France. Cela peut-il faire oublier ses efforts couronnés de succès pour vanter l’attractivité économique du pays? Sans doute pas.
Mais cette dette devra être remboursée et le pays doit chaque année consacrer entre 50 et 60 milliards d’euros aux intérêts, dont profitent les investisseurs étrangers, détenteurs de 55% des obligations souveraines tricolores. Le débat sur le budget de l’Etat, qui cadre les moyens des administrations, s’annonce donc encore plus compliqué. Les partenaires de la France ne voient qu’un mot s’afficher sur les compteurs: dépenses publiques.