Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a estimé que «le monde entier», dont l'Ukraine, voulaient que la Russie participe à un prochain sommet de la paix cette année. Il s'exprimait dans un entretien accordé à plusieurs médias français, dont l'AFP. «La majorité du monde dit aujourd'hui que la Russie doit être représentée au second sommet, autrement, nous n'arriverons pas à des résultats importants. Comme le monde entier les veut à la table, nous ne pouvons être contre», a-t-il dit dans cet entretien réalisé mardi à Rivné, dans l'ouest de l'Ukraine.
L'Ukraine avait organisé au Bürgenstock (NW) mi-juin un sommet pour la paix avec une centaine de pays, essentiellement des alliés. La Russie en avait été exclue. La Chine, poids lourd diplomatique et proche de Moscou, avait dès lors refusé d'y participer. Désormais, l'Ukraine élaborera d'ici novembre un plan qui doit servir de base à un futur sommet auquel le Kremlin sera convié.
Mais le président Vladimir Poutine a lui fixé comme condition à des pourparlers que Kiev lui abandonne les territoires que l'armée russe occupe et renonce à rejoindre l'Otan, autant de revendications inacceptables pour les Ukrainiens et les Occidentaux. Le Kremlin a également moqué le premier sommet. L'Ukraine insiste pour sa part sur le respect de son intégrité territoriale, alors que Moscou revendique l'annexion de quatre régions depuis 2022 en plus de la Crimée en 2014.
Moscou attend plus de précisions
Dans le cadre du premier sommet sur la paix, Kiev avait insisté également sur trois points: la libre navigation en mer Noire, cruciale pour son économie et la sécurité alimentaire mondiale; la remise à l'Ukraine des prisonniers et civils détenus ou déportés en Russie; la fin des frappes contre son infrastructure énergétique civile.
«Nous allons préparer un plan basé sur la formule de paix qui a été présentée publiquement lors du premier sommet, je veux fixer une date à nos diplomates et je veux que nos partenaires internationaux fassent de même, pour qu'en novembre nous ayons un document qui contiendra tout: l'intégrité territoriale, la souveraineté, etc.», a expliqué le dirigeant ukrainien.
Moscou a dit attendre plus de précisions quant à ce sommet pour se prononcer sur une éventuelle participation, tout en affirmant que le pouvoir en place à Kiev n'était pas un interlocuteur légitime. M. Zelensky a aussi appelé la Chine à faire pression sur son allié russe pour mettre fin à la guerre qui déchire son pays depuis deux ans et demi, ce que Pékin, en tout cas publiquement, n'a pas fait jusqu'ici. «Si la Chine le veut, elle peut forcer la Russie à arrêter cette guerre. La Chine appartient au monde et est un Etat influent», dit-il. «Je ne veux pas d'elle comme d'un médiateur, je veux qu'elle fasse pression sur la Russie», a martelé le président ukrainien.
La Chine responsable?
Selon les Occidentaux, Pékin, en soutenant la Russie économiquement, a permis à la machine industrielle russe de faire sa mue vers une économie de guerre, en lui fournissant les composants dont manquait Moscou pour ses usines d'armements. Les autorités chinoises n'ont en outre jamais condamné l'invasion russe, mais elles ont proclamé leur soutien à l'intégrité territoriale de tous les pays du monde, ce qui inclut donc l'Ukraine.
M. Zelensky a aussi critiqué une fois encore ses alliés occidentaux, leur reprochant de lui interdire d'utiliser librement les armements livrés pour frapper des cibles militaires en territoire russe, d'où l'armée de Moscou peut donc opérer impunément pour bombarder l'Ukraine. «C'est un défi de taille, le fait qu'on ne puisse pas utiliser les armes (occidentales) comme on en a besoin pour stopper l'ennemi», a-t-il déclaré.
M. Zelensky explique «travailler très dur» pour convaincre ses alliés de le laisser utiliser ces armes comme l'armée ukrainienne l'entend. «Malheureusement, nos partenaires ont encore peur de ça», a-t-il regretté, les Occidentaux disant avoir peur de provoquer une escalade. Le président ukrainien a néanmoins exclu de passer outre le veto des Occidentaux, pour ne pas mettre en danger l'aide future. «Si on utilise les armes de nos partenaires (sans leur accord), alors ils pourront dire 'nous ne vous donnerons plus rien', c'est un risque», a-t-il expliqué. Mais il s'est également désolé du fait que l'aide fournie est insuffisante.
«Croyez-vous possible d'arrêter (les Russes) si seulement trois (brigades ukrainiennes) sur 14 sont équipées?», a lâché M. Zelensky, en estimant que ce manque d'équipements avait permis à l'armée russe de grignoter des centaines de km2 de territoire ukrainien depuis le début de l'année.
Les élections américaines, un risque
Interrogé sur la présidentielle américaine de novembre et des conséquences pour l'aide à l'Ukraine, M. Zelensky a reconnu l'existence d'un «risque» pour son pays. «Nous ne pouvons influencer aucune élection, mais, bien sûr, les Etats-Unis sont un défi aujourd'hui. Et il y a des risques que personne d'entre nous ne peut prédire», a-t-il dit.
Allié vital de l'Ukraine, les Etats-Unis ont fourni des dizaines de milliards de dollars d'aide à Kiev pour faire face à l'invasion russe sous l'impulsion du président Joe Biden, un démocrate, une politique que sa vice-présidente, Kamala Harris, devrait poursuivre si elle était élue. Si le camp républicain a longtemps fermement soutenu Kiev, un groupe parmi eux, des partisans convaincus de Donald Trump, a bloqué pendant des mois l'aide à l'Ukraine entre fin 2023 et début 2024.
A Kiev et en Europe, nombreux sont donc ceux à craindre que cette assistance essentielle puisse être remise en cause, en cas de victoire de M. Trump. Ce dernier a, à plusieurs reprises, affirmé, sans plus de précisions, qu'il forcera les deux camps à une solution négociée. Il a aussi choisi comme vice-président J.D. Vance, un farouche opposant au soutien à Kiev.
«En tant que président de l'Ukraine je dois avoir un dialogue entre mon équipe et celle de (Joe) Biden, de Trump et maintenant de Harris. Nous devons avoir ces contacts pour discuter de quoi le futur pourrait être fait, si tel ou tel camp gagne l'élection», a résumé le président ukrainien, tout en se disant certain qu'une «majorité» soutiendra l'Ukraine quoi qu'il arrive.