Vocabulaire «offensant»
Le mot «gros» banni des rééditions de l'auteur pour enfants Roald Dahl

Peut-on encore utiliser le mot «gros» dans des livres pour enfants? La question échauffe au Royaume-Uni. Les nouvelles éditions des livres de l'auteur Roald Dahl vont être modifiées pour supprimer le vocabulaire potentiellement offensant. Les réactions sont mitigées.
Publié: 20.02.2023 à 15:03 heures
Le lissage de l'œuvre originale de l'auteur pour enfants Roald Dahl suscite indignation et consternation.
Photo: Andrew Burton

Les nouvelles éditions des livres de l'auteur britannique pour enfants Roald Dahl vont être modifiées pour supprimer le vocabulaire risquant d'être considéré comme offensant. Ce lissage de l'œuvre originale suscite indignation et consternation.

Les références au poids, à la santé mentale, à la violence ou aux questions raciales ou de genre ont été expurgées et réécrites, selon le quotidien conservateur Daily Telegraph. Ainsi, le terme «gros» n'est plus employé pour décrire Augustus Gloop de «Charlie et la Chocolaterie». Les «hommes-nuages» de «James et la Pêche géante» deviennent le «peuple nuage».

Une «censure absurde»

Tous les changements sont «réduits et soigneusement réfléchis», a assuré un porte-parole de la Roald Dahl Story company. «Roald Dahl n'était pas un ange», a réagi sur Twitter l'écrivain britannique Salman Rushdie, icône de la liberté d'expression victime d'une violente agression il y a six mois, «mais c'est de la censure absurde».

Suzanne Nossel, la patronne de PEN America, organisation rassemblant 7000 écrivains pour la liberté d'expression, a jugé que «l'édition sélective pour faire que les mots de la littérature se conforment à des sensibilités particulières pourrait représenter une arme nouvelle dangereuse». Le passage en revue a été lancé en 2020 avant le rachat en 2021 par Netflix du catalogue de l'auteur pour enfants.

La rédactrice en chef adjointe du journal conservateur Sunday Times, Laura Hackett, a déclaré qu'elle garderait ses éditions originales de Roald Dahl, afin que ses enfants puissent «les apprécier dans toute leur gloire méchante et colorée». Le Premier ministre britannique, Rishi Sunak, estime que les mots doivent être «préservés» plutôt que «retouchés», a indiqué son porte-parole lundi lors d'un point-presse régulier.

«Si Dahl nous offense, ne le réimprimons pas», a quant à lui estimé l'écrivain Philip Pullman lundi sur la BBC. Et de souligner que des millions de ses livres originaux resteraient en circulation pendant de nombreuses années, quels que soient les changements effectués dans de nouvelles éditions.

«Lors de nouveaux tirages de livres écrits il y a des années, il n'est pas inhabituel de passer en revue le langage utilisé et de mettre à jour d'autres éléments comme la couverture et la mise en page», a affirmé le porte-parole de la Roald Dahl Company. Et de relever la volonté de conserver histoire, personnages, et «l'irrévérence et l'esprit affûté du texte original».

Décédé en 1990

La Roald Dahl company a par ailleurs indiqué avoir travaillé avec Inclusive Minds, un collectif pour l'inclusion et l'accessibilité de la littérature pour enfants.

L'auteur, incontournable dans les bibliothèques de nombreux enfants, est décédé en 1990 à l'âge de 74 ans. Fin 2020, sa famille avait présenté des excuses pour les propos antisémites tenus par l'auteur il y a 40 ans.

Le créateur de «Matilda» ou «Le Bon Gros Géant» avait notamment fait des déclarations ouvertement antisémites dans une interview au magazine britannique New Statesman en 1983. Il avait légitimé l'antisémitisme, semblant trouver des justifications aux crimes d'Hitler.

(ATS)

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