Taïwan, Russie, Union européenne, États-Unis, Inde, Indonésie, Mexique… Accrochez-vous car les urnes mondiales vont tanguer en cette année 2024. Et si le résultat ne fait guère de doutes du côté de Moscou, où Vladimir Poutine règne sans partage, des séismes pourraient bien sortir des isoloirs européens en juin, puis des machines de vote électroniques américaines le 5 novembre.
Si vous pensiez que les élections suisses du 22 octobre ont aplani pour de bon notre paysage politique, vous vous trompez. Ceux qui vont voter dans le reste du monde auront peut-être un impact bien plus important sur nos vies quotidiennes. La preuve…
Taïwan: le détroit de tous les dangers
C’est le 13 janvier que les 19 millions d’électeurs Taïwanais se rendent aux urnes pour désigner le successeur à l’actuelle présidente Tsai Ing-wen, avec laquelle Pékin refuse de discuter depuis sa réélection en janvier 2020 pour un second mandat. Le favori? Son actuel vice-président, Lai Ching-te, membre du parti démocrate au pouvoir, opposé au candidat du Kuomintang, le parti historique du défunt dictateur Tchang Kaï-chek, qui avait fui la Chine en 1949 pour échapper à la révolution communiste menée par Mao Tse-toung.
Une seule question se pose, pour le monde entier: la Chine de Xi Jinping, engagée dans une dérive nationaliste, va-t-elle accepter encore longtemps le défi démocratique posé par l’île qu’elle revendique? Le scénario le plus souvent évoqué, ces temps-ci, n’est pas celui d’un futur assaut militaire chinois sur Taïwan, mais celui d’un encerclement et d’un blocus naval. A quand, les premières tensions sérieuses dans le détroit qui pourrait replonger l’Asie (et le monde) dans la guerre?
Impact pour la Suisse: avant tout économique.
Russie: Poutine déjà réélu
Du 15 au 17 mars 2024, les électeurs russes voteront pour leur nouveau président de la République. Écrire que Vladimir Poutine est déjà réélu nous vaudra bien sûr les critiques de tous ceux qui préconisent un apaisement envers Moscou et refusent de voir le dictateur dans l’homme fort de Moscou.
C’est bien pourtant ce qui va se passer, sauf énorme surprise. Le 8 décembre, l’actuel Chef de l’État russe a annoncé en catimini, lors d’une réception d’officiels, qu’il se représenterait «car il n’y a pas d’autre choix». Une phrase en forme de slogan électoral, avec en arrière-plan la prolongation de la guerre en Ukraine où Volodymyr Zelensky, lui, a obtenu de reporter la présidentielle initialement prévue aussi en mars. Si les Ukrainiens ne votent pas et que la loi martiale perdure, le président ukrainien sera à son tour accusé de dérive autoritaire.
Impact pour la Suisse: pas de levée en vue des sanctions contre Moscou.
Union européenne: les urnes de la colère
Les élections européennes auront lieu du 6 au 9 juin 2024 dans les 27 pays membres de l’Union. Il s’agit d’élire les 720 députés européens qui siégeront pour cinq ans au parlement de Strasbourg (dont les commissions se réunissent à Bruxelles). Élections sans enjeux, car elles ne décideront pas d’un gouvernement?
Faux. La vague nationale populiste pronostiquée par les sondages pourrait profondément changer la donne. Le choix des dirigeants européens (Commission, Conseil, Banque centrale européenne) revient aux Chefs d’État ou de gouvernement des Etats membres. Mais il leur faudra tenir compte du résultat électoral. Et il faudra, ensuite, qu’une majorité se dégage au parlement européen, indispensable pour voter la majorité des décisions prises à Bruxelles.
Impact pour la Suisse: les Bilatérales III en dépendent.
Inde: Modi contre la démocratie
Rendez-vous en avril ou mai 2024 pour les 814 millions d’électeurs indiens. Vous avez bien lu: le pays aujourd’hui le plus peuplé au monde, devant la Chine, compte prés d’un milliard de votants, soit le double du nombre d’électeurs dans l’Union européenne.
Une seule question se pose: l’actuel Premier ministre nationaliste hindou, Narendra Modi, va-t-il sortir vainqueur de ce nouveau duel entre son parti, le BJP, et l’historique parti du Congrès de la famille Gandhi-Nehru? On dit souvent que l’Inde est la plus grande démocratie du monde. Va-t-elle le rester ou évoluer vers un régime de plus en plus autoritaire?
Impact pour la Suisse: peu d’impact direct.
États-Unis: Trump-Biden, le duel
Ce duel-là est annoncé. Chacun connaît les protagonistes et leurs armes. L’ancien président républicain est déjà parti à l’assaut de la Maison-Blanche. Mais pourra-t-il assiéger le président sortant, puisque certains États, comme le Colorado et le Maine (jusque-là) estiment que sa responsabilité dans l’assaut contre le Congrès le 6 janvier 2020 le disqualifie comme candidat?
Pas besoin de décrire les conséquences internationales possibles d’une victoire de Trump, pressé de mettre les Européens sous pression. Pas besoin non plus de dire combien une nouvelle présidence Biden serait inquiétante, vu l’âge du président sortant. Pour l'heure, l'hypothèse d'une autre candidature démocrate, comme celle de la vice-présidente Kamala Harris ou du gouverneur de Californie Gavin Newsom, semble exclue. L'évidence s'imposera au fil des mois en 2024: impossible d’ignorer ce que décideront les 248 millions d’électeurs américains!
Impact pour la Suisse: Le franc, valeur refuge, en fera les frais.
Et l’on votera aussi en 2024 en Indonésie (14 février 2024), premier pays musulman du monde où l'actuel ministre de la défense Prabowo est bien parti pour succéder démocratiquement au président sortant Joko Widodo, au Mexique (juin 2024), où le poids des cartels de la drogue est toujours plus important (le pays pourrait pour la première fois élire une présidente, l’ex-maire de Mexico Claudia Sheinbaum), et au Venezuela (second semestre 2024), où le très contesté président Maduro est redevenu en position de force après l’échec de la tentative des Occidentaux de le marginaliser.
Mais ce n’est pas tout: des législatives auront lieu en Iran le 1er mars, dans un contexte de répression toujours plus forte contre les femmes en lutte pour leurs droits et le début de l’année verra les électeurs se rendre aux urnes au Sénégal le 25 février 2024 pour désigner le successeur de Macky Sall. L'opposant Ousmane Sonko, actuellement emprisonné, a été investi par son camp politique, en l'attente d'une décision de justice.