Une énorme aubaine
Les talibans récupèrent les armes américaines

En Afghanistan, alors que la progression des talibans semble inarrêtable et que Kaboul se retrouve lentement encerclée, une conséquence secondaire renforce les troupes islamiques: l'armement américain abandonné par l'armée afghane battant en retraite.
Publié: 14.08.2021 à 10:53 heures
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Les talibans ont mis la main sur des armes légères américaines, abandonnées par l'armée afghane.
Photo: keystone-sda.ch
ATS

Alors que les talibans progressent sans encombre en Afghanistan, après le départ des troupes occidentales, l'armement laissé par ceux-ci est récupéré. Les États-Unis ont dépensé en 20 ans des centaines de milliards de dollars pour former et équiper l'armée afghane. Mais cela n'a pas empêché celle-ci de se désagréger devant l'offensive des talibans qui amassent un redoutable arsenal dérobé à l'ennemi.

«Nous avons fourni à nos partenaires afghans tous les outils, laissez-moi insister là-dessus, tous les outils», avait déclaré en juillet le président américain, Joe Biden, en défendant sa décision de retirer les dernières troupes américaines du pays et de laisser les Afghans se battre pour leur avenir.

L'armée afghane montre peu de résistance

Mais les membres des forces de sécurité afghanes n'ont pas montré une grande envie de combattre. Par milliers, ils ont déposé les armes, parfois sans avoir opposé la moindre résistance. Les talibans, eux, se sont empressés de mettre la main sur ces «outils».

Les sites internet pro-talibans abondent de vidéos de combattants talibans saisissant une cargaison d'armes, pour la plupart fournies par les puissances occidentales. D'autres images de soldats se rendant aux talibans dans la ville de Kunduz, dans le nord-est du pays, montrent des véhicules blindés équipés de lance-roquettes aux mains des insurgés.

Dans la ville de Farah, à l'ouest du pays, des combattants patrouillent les rues dans un véhicule siglé d'un aigle piquant sur un serpent, l'insigne officiel des services de renseignement afghans.

Même si les troupes américaines ont emmené avec elles en se retirant l'équipement dit «sophistiqué», les talibans ont récupéré «des véhicules, des armes légères et des munitions», explique à l'AFP Justine Fleischner, de l'ONG Conflict Armament Research (CAR).

Une énorme aubaine

Pour les experts, ce butin inespéré a largement aidé les talibans, qui peuvent aussi compter sur leurs propres sources d'approvisionnement en armes. Le Pakistan, notamment, a été accusé de financer et armer les talibans, ce qu'il a toujours démenti.

Cet armement ne va pas seulement aider les talibans à fondre sur Kaboul, mais à «renforcer leur autorité» dans les villes dont ils se sont emparés, estime Raffaello Pantucci, expert à la S. Rajaratnam School of International Studies de Singapour.

Les troupes américaines étant désormais quasiment toutes parties, les talibans se retrouvent les mains remplies de matériel américain, sans avoir eu à dépenser un centime pour l'acquérir. «Cela va indéniablement être une énorme aubaine pour eux», ajoute Raffaello Pantucci.

Le scénario le plus pessimiste

A quelques semaines du 20e anniversaire des attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis, cet arsenal est fièrement exhibé par les talibans, qui continuent, selon l'ONU, à entretenir des liens étroits avec Al-Qaïda, le groupe responsable de ces attaques.

Les Américains étaient préparés à ce que certaines armes soient saisies par les talibans, mais la chute rapide des villes était le scénario le plus pessimiste pour eux, explique à l'AFP Jason Amerine, un ancien membre des forces spéciales américaines qui avait pris part à l'invasion de 2001 pour chasser les talibans du pouvoir.

«Les États-Unis ont équipé l'ANA (l'armée nationale afghane) en présumant que des armes et du matériel pourraient tomber aux mains des talibans», dit-il. «La crise actuelle était le scénario du pire, quand les décisions de dotation ont été prises.»

Les armes légères plus utiles

A Kunduz, un taliban assis sur une moto rouge est filmé au moment où il regarde, extatique, un hélicoptère militaire posé sur le tarmac proche. La même jubilation est perceptible dans tous les territoires conquis par les insurgés.

«Ce sera à des fins de propagande uniquement», déclare à l'AFP Aki Peritz, un ancien analyste en contre-terrorisme de la CIA. En effet, s'ils continueront à montrer ces images pour galvaniser leurs troupes, les talibans ne pourront utiliser cet hélicoptère sans pilote.

Les armes légères seront bien plus utiles, comme les véhicules qui faciliteront les déplacements sur ce terrain accidenté. Cet équipement, associé au moral déclinant de l'armée afghane, renforcera la menace posée par les talibans.

L'armée afghane au bord de l'effondrement

Pourtant, l'administration Biden a indiqué qu'elle continuerait à équiper l'armée afghane, au bord de l'effondrement.

L'histoire se répète pour les États-Unis. Après leur retrait d'Irak, le groupe État islamique (EI) avait pris le contrôle de la ville de Mossoul à la mi-2014, en saisissant des armes et des humvees américains. L'EI s'en était ensuite servi pour proclamer son califat en Irak et en Syrie.

Comme les combattants de l'EI à Mossoul, des recrues talibanes posent pour des photos, sourire aux lèvres, avec des munitions prises à l'ennemi, dans les villes nouvellement conquises, partout en Afghanistan. «Cette retraite tourne à la débâcle», constate Aki Peritz.

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