En début d'année, le président chinois, Xi Jinping, qualifiait la relation de son pays avec la Russie de Vladimir Poutine comme une «amitié sans frontières».
Près de six mois après le début de la guerre en Ukraine, Moscou donne de plus en plus l'impression de s'appuyer sur la République populaire de Chine. L'économie du pays s'affaiblit et l'industrie de l'armement souffre de la guerre à tel point que le Kremlin ne parvient même plus à livrer des chars à son allié biélorusse. Outre la Syrie, la Corée du Nord et l'Iran, Vladimir Poutine sollicitera-t-il donc une aide plus conséquente de la Chine?
Selon Brian Carlson, directeur de l'équipe de sécurité mondiale du groupe de réflexion du Center for Security Studies (CSS), cela est tout à fait probable. «Si les armes modernes livrées par les Occidentaux changent la donne sur le front, il y aura des membres du gouvernement russe qui demanderont de l'aide à la Chine», assure-t-il. Mais un rapprochement signifierait aussi une dépendance accrue à l'égard de la puissance asiatique et pourrait se révéler fatal pour la Russie.
Une Russie affaiblie est un avantage pour la Chine
«L'affaiblissement de la Russie pourrait permettre à la Chine d'étendre son influence sur l'Eurasie. Si le Kremlin lui demande une plus grande aide militaire, il pourrait devenir plus dépendant, ce qui offrirait à la Chine de nombreuses opportunités», estime Brian Carlson. Certes, Xi Jinping a aussi besoin d'une certaine force de la Russie pour que celle-ci reste un partenaire précieux. «Mais l'affaiblissement de la Russie - tant qu'il reste relatif - peut clairement être un avantage pour la puissance asiatique».
Dans les hautes sphères du pouvoir russe, cette problématique est bien connue. «La Russie a toujours craint qu'en se rapprochant de la Chine, elle devienne soudain le petit frère, le partenaire junior ou carrément un vassal», assure Brian Carlson.
L'expert continue: «Si la Russie devient de plus en plus dépendante de la Chine, cette dernière aura assez d'influence pour inciter le Kremlin à la soutenir dans un conflit armé en Asie.» Pékin pourrait donc quasiment forcer la Russie à apporter son soutien militaire en cas de conflit armé, que ce soit dans la péninsule coréenne, au Japon ou à Taïwan par exemple.
Si le Kremlin subissait toutefois une défaite en Ukraine, la lune de miel serait certainement terminée. «La Russie ne serait alors plus un partenaire de valeur pour la Chine», confirme Brian Carlson
Vladimir Poutine ne pense qu'à rester au pouvoir
Une question demeure: comment la Russie a-t-elle pu en arriver à cette dangereuse proximité avec la Chine? Brian Carlson en est convaincu: le seul responsable est Vladimir Poutine. Au fil des années, le chef du Kremlin s'est de plus en plus tourné vers Pékin et s'est éloigné de l'Occident. Tout cela contre l'intérêt du peuple russe, dont il a pourtant la responsabilité.
Sa politique de rapprochement avec la Chine n'est pas dans l'intérêt à long terme de son pays: «Il n'est intéressé que par son succès personnel. Il a presque 70 ans, n'est apparemment pas en bonne santé et ne souhaite que passer le reste de son temps au pouvoir.»
L'expert en est certain: «Avec sa manière de procéder, la Russie ne fait que de rendre la Chine plus forte en ce moment.» Une rupture entre les deux géants est-elle toutefois envisageable? «A long terme, c'est possible. Mais pas tant que Poutine sera là.» Il faudrait un grand changement de mentalité au sein de la direction russe, car c'est bien connu, la petite bête ne mangera jamais la grosse.
(Adaptation par Thibault Gilgen)