Une omoplate de plus d'un mètre à côté d'une ribambelle d'os tout aussi colossaux et encore partiellement enfouis... Bienvenue sur l'un des plus importants gisements de fossiles de dinosaures au monde dans le sud-ouest de la France.
Des premiers ossements d'une nouvelle espèce de ces géants de la préhistoire ont été découverts l'an dernier sur le site d'Angeac-Charente, entre Angoulême et Cognac. Une dizaine de fossiles supplémentaires découverts en juillet, lors de cette 16e campagne de fouilles, permettent progressivement de compléter ce squelette vieux de 140 millions d'années.
Un cousin du diplodocus
Jaunâtres ou brun foncé en fonction de leur profondeur, ces vestiges sont exhumés par des passionnés et des scientifiques à genoux dans l'argile, sous une large tente blanche les protégeant du soleil et de la pluie.
Ce nouveau dinosaure long de 20 mètres, un camarasaurus, sorte de cousin du diplodocus, était «inconnu en Europe occidentale à cette période» jusqu'à l'année dernière, explique Jean-François Tournepiche, paléontologue et ancien conservateur du musée d'Angoulême.
Des informations cruciales
Cette «découverte scientifique énorme», selon le directeur des fouilles Ronan Allain, permet d'interroger le déplacement de la faune, puisque cet herbivore de 30 tonnes était auparavant seulement connu en Amérique du Nord et à une période plus ancienne.
Ce gisement, «le plus fouillé au monde», garde toujours «un effet pochette surprise», sourit ce paléontologue au Muséum d'histoire naturelle de Paris. Cette année, deux fémurs du dinosaure sont apparus dès l'installation de la tente à un endroit inattendu. C'est déjà la découverte en 2010 d'un fémur de 2,02 mètres d'un gigantesque turiasaure, lui aussi de la famille des sauropodes, qui a fait naître la réputation d'Angeac-Charente.
Un fossile bien conservé, mais fragile
Le camarasaurus serait mort naturellement sur place. Une fois décomposé, ses ossements ont été légèrement déplacés par la Charente – le fleuve qui a donné son nom au département et à la commune – il y a quelque 100.000 ans.
Ces os très bien conservés restent extrêmement fragiles. Bénévoles et scientifiques doivent les entourer de cellophane et de papier journal, boucher les cavités avec de l'argile et les enfermer dans des coques de plâtre armé avant de les extraire. Certains blocs peuvent avoisiner les 2 tonnes.
Le résultat d'un an de travail
Les trois semaines de fouilles alimentent ainsi plus d'un an de travail en laboratoire, pour «préparer les os», c'est-à-dire les nettoyer, les consolider et parfois les reconstituer avant de pouvoir les étudier. «C'est un travail long et minutieux souvent sous-estimé sous l'effet Jurassic Park», explique, brosse à dents et ossement en main, Dominique Augier, préparateur de fossiles.
Avant de clore les fouilles, l'équipe d'une quarantaine de personnes est déjà tombée sur un nouvel ossement, probablement du même dinosaure, mais, faute de temps pour l'extraire correctement, ils ont dû le recouvrir. Il attendra l'année prochaine. Car ici, les scientifiques estiment qu'il reste encore au minimum dix ans de fouilles à mener. Et bien d'autres secrets à révéler.