Un commentaire de Richard Werly
La tech américaine, ce prédateur qui profite de Trump

La décision de l'administration Trump d'interdire l'accès aux Etats-Unis à l'ancien Commissaire européen Thierry Breton démontre l'alliance de deux prédateurs: Donald Trump et son mouvement MAGA, et les géants de la Tech, estime notre journaliste Richard Werly.
A travers cette mesure contre Thierry Breton, se dessine le portrait de l’année qui nous attend en 2026, estime notre journaliste.
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Richard WerlyJournaliste Blick

C’est une guerre. Elle n’est pas militaire, mais technologique et numérique. Elle ne vise pas à nous conquérir, mais à nous asservir. Elle n’a pas pour but de nous piller, mais de continuer à le faire. Cette guerre est celle que mènent les géants de la tech américaine derrière le bulldozer Trump. Son dernier acte est, ce 24 décembre, la décision des Etats-Unis de priver désormais de visa d’entrée sur leur territoire l’ancien commissaire européen au Marché intérieur, Thierry Breton.

Ce dernier, très présent dans les médias, a d’abord été «tué» politiquement par Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, qui s’est opposée à ce qu’il effectue un second mandat dans son «collège». Une exigence avalisée par Emmanuel Macron, qui a in extremis retiré la candidature de ce chef d’entreprise et ancien ministre des Finances, dont la stature insupportait la patronne allemande de l’exécutif bruxellois. Trahison de la part du président français? Non, lâchage en bonne et due forme, en rase campagne. Il faut le redire : les adversaires de l’Union européenne peuvent toujours s’appuyer sur les errements politiques des dirigeants de l’UE, y compris du plus fédéraliste d’entre eux: Macron lui-même.

Influence médiatique

La deuxième mort politique que vient d’infliger l’administration Trump à Thierry Breton, pile la veille de Noël, est encore plus emblématique. L’ex-commissaire n’a plus aucun pouvoir. Sa seule influence est celle qu’il acquiert par ses interventions médiatiques. Seulement voilà: Breton est crédible. Il connaît ses dossiers. Il a mis sur pied le DSA, ce Digital Services Act qui protège (mal) les données des 450 millions de clients européens face aux géants numériques américains. Breton est aussi un chouchou du Forum économique mondial de Davos, où le président des Etats-Unis se rendra en janvier. Il a l’oreille des élites économiques européennes. Bref, il est un danger. Un résistant. Un obstacle à la domination technologique et numérique «Made in USA», dont la Suisse est tout autant victime consentante que ses voisins.

McCarthy, le retour

Cette privation de visa est anecdotique. Elle démontre, comme l’a aussitôt écrit Thierry Breton, que le maccarthysme des années 1950, qui traquait les soi-disant communistes à Hollywood, est de retour aux Etats-Unis. Mais cette fois, l’enjeu est bien plus grave pour nous, Européens. Pourquoi? Parce que nos vies quotidiennes sont impactées. Les géants de la tech américaine et leurs algorithmes nous colonisent. Nous dépendons d’eux pour presque tout. Et nous n’avons pas d’alternative. En résumé: les intellectuels pourchassés des années 1950 pouvaient franchir l’Atlantique et trouver refuge en Europe. Aujourd’hui, les réfugiés numériques sont presque sans issue, sauf à se déconnecter.

Il faut saluer l’Amérique de Trump pour sa franchise. Elle ne cache rien. Elle est brutale. Elle défend ses intérêts à coups de massue. Voilà donc, à travers cette mesure contre Thierry Breton, le portrait de l’année qui nous attend en 2026. Deux prédateurs sont alliés: la Silicon Valley et Trump. A votre avis, lequel est le plus dangereux?

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