La Russie possède un levier de taille dans les négociations avec l'Ukraine: les prisonniers de guerre ukrainiens. En effet, des dizaines de milliers d'entre eux croupissent dans les geôles de Poutine.
Ce week-end, ils ont été un millier à être libérés dans le cadre du plus grand échange de prisonniers depuis le début de la guerre. Les images émotionnelles de ces personnes au crâne rasé – par humiliation, mais aussi par prévention des poux – qui se retrouvent dans les bras de leurs familles après parfois des années de captivité, ont fait le tour du monde.
Un face plus sombre
Mais alors que les deux pays se sont échangés 1000 prisonniers de guerre chacun, Poutine a fait perpétrer au même moment les attaques les plus violentes à ce jour. Plus de 300 drones et 70 missiles ont été envoyés en directions des villes ukrainiennes.
D'un côté, un bon geste d'échange de prisonniers, de l'autre, la terreur brutale des attaques aériennes. Derrière ce double jeu se cache un calcul pervers du Kremlin.
Il est tout à fait logique que l'Ukraine veuille rapatrier ses soldats prisonniers sur son territoire. Environ 9 détenus sur 10 sont torturés dans les prisons de Poutine. Amaigris, les rapatriés livrent des récits abominables. Ils racontent notamment avoir eu de la feuille de chou dans l'eau bouillante pour seul repas de la journée, avec à la clef deux choix: rester affamé ou se brûler la gorge.
La Russie ne veut pas récupérer ses prisonniers
A ce titre, Volodymyr Zelensky ne cesse d'encourager ses soldats sur le front à capturer des Russes vivants, afin de «renflouer» son «fonds d'échange», comme il aime à le dire. Depuis un certain temps, le président ukrainien propose donc à Moscou de multiplier les échanges de prisonniers. Ce que Moscou refuse catégoriquement.
En effet, la Russie n'a aucun intérêt réel à rapatrier «ses» prisonniers de guerre. C'est ce qu'expliquaient des représentants des services secrets à «Blick» en novembre 2023, lors d'une visite de ce qui était alors le seul camp ukrainien pour prisonniers de guerre, dans un endroit tenu secret et situé à l'ouest du pays. Ce désintérêt russe s'explique principalement par deux raisons.
Des soldats indésirables
Premièrement, de nombreux détenus seraient des criminels qui ne seraient partis au front que parce qu'ils se seraient vus promettre une remise de peine. Or personne en Russie ne souhaite qu'ils se promènent à nouveau librement dans les rues.
Deuxièmement, les soldats russes capturés se rendraient vite compte du caractère infondé des histoires d'horreur sur le régime nazi en Ukraine. Lors de la visite de Blick en novembre dernier, un prisonnier de guerre russe avait déclaré: «Je suis venu pour tuer des nazis. Mais je n'en ai pas trouvé. Ils nous traitent bien.»
Trump s'est fait avoir
Vladimir Poutine a tout de même donné son aval à l'échange record du week-end. Ce faisant, il sait qu'il peut ainsi donner l'impression à Trump qu'il est prêt à négocier et qu'il n'a pas totalement abandonné le terrain de la diplomatie, tout en poursuivant sa guerre d'agression avec brutalité.
Cette manœuvre de diversion semble avoir fonctionné dans un premier temps. En effet, Trump a félicité «les deux parties» dès vendredi pour l'accord avant même que celui-ci ne soit effectif. «Cela pourrait-il mener à quelque chose de grand?», s'était alors demandé Trump sur son réseau Truth Social.
Du renfort au front
Une question à laquelle poutine a répondu dans la nuit de samedi à dimanche en lançant l'une des attaques les plus violentes depuis le début de la guerre, preuve que Moscou est toujours aussi éloigné de la volonté d'un cessez-le-feu.
Visiblement fâché, Trump a réagi dimanche soir à ce bain de sang en affirmant sur sa plateforme Truth Social que Poutine était «devenu complètement fou» et que toute tentative de conquérir tout le territoire ukrainien mènerait à la «chute» de la Russie.
En revanche, grâce à l'échange de prisonniers, la Russie compte désormais dans ses rangs un millier de soldats de plus, qui seront renvoyés au front par la voie la plus rapide. C'est en tout cas ce qu'assurent les déserteurs et les soldats russes faits prisonniers en Ukraine.