Ce qui se passe dans les prisons russes dépasse l'entendement. La journaliste Victoria Rochtchina en est un exemple bouleversant. En août 2023, la jeune femme, alors âgée de 26 ans, a disparu alors qu'elle réalisait une enquête dans la région ukrainienne de Zaporijia, occupée par la Russie. On apprendra plus tard qu'elle avait été détenue dans la prison de Taganrog, où elle avait subi des tortures abominables.
En février 2025, les autorités russes ont remis à l’Ukraine un corps présenté comme celui d'un homme et dépourvu de globes oculaires, de cerveau et de certaines parties du larynx. Les enquêteurs ukrainiens ont finalement identifié la journaliste. Ils ont également relevé des traces de décharges électriques, des hématomes, une blessure au cou ainsi qu’une côte cassée.
Malheureusement, Victoria Rochtchyna est loin d'être la seule victime de la machine répressive et sanglante de Vladimir Poutine. Selon des estimations, la Russie aurait enlevé et emprisonné jusqu'à 15'000 civils ukrainiens au total. L’ONU évoque une véritable «machine à torturer», faite de décharges électriques, d'asphyxies, de brûlures, de mutilations et de violences sexuelles.
La machine à torturer russe
Vendredi, le documentaire «Prisoners», qui donne la parole aux victimes de la torture, sera projeté à Berne. Des proches de détenus, qui apparaissent dans le film, ont accepté de se confier à Blick. Leur récit est glaçant.
Tatiana Pachkova et Oleg Plachkov: Destins brisés
Oleg Plachkov et Tatiana Plachkova étaient optimistes. Gérants d'un restaurant de Melitopol, les deux compagnons étaient persuadés que l'occupation de la ville par les Russes ne durerait pas. Mais le 25 septembre 2023, des agents des services secrets russes (FSB) ont fait irruption chez eux et les ont arrêtés pour «espionnage». Leur fille, Lioudmila Melnikova, aujourd'hui réfugiée en Bulgarie, confie à Blick: «Nous avons tout essayé pour les retrouver, sans succès.»
En février 2024, elle apprend finalement que sa mère a été admise à l'hôpital de Melitopol dans un état critique. Tatiana Plachkova est plongée dans le coma. Et pour cause: elle vient d'endurer un calvaire atroce. «Des témoins m'ont raconté que ma mère a été torturée sans interrropution (...) et qu'elle a ensuite été emmenée inconsciente à l'hôpital.»
Pendant des semaines, Tatiana Plachko n'aurait reçu aucune aide médicale. Le 23 mai 2024, elle meurt des suites de ses blessures à seulement 54 ans. Le père, lui, reste introuvable aujourd'hui. «Je vis dans l'espoir que mon père est vivant et qu'il reviendra un jour à la maison», confie Lioudmila Melnikova
Ivan Kozlov: Sans argent, pas de nourriture
La famille d'Ivan Kozlov, 36 ans, a été décimée par la guerre. Son père est mort d’un AVC en détention, son frère a été tué au front et sa belle-mère a perdu la vie lors de la destruction d'un barrage. Finalement, Ivan a lui-même été enlevé deux mois après l’invasion de sa ville natale de Kherson. Il a ensuite été transféré de force en Crimée, où il a été torturé avant d’être condamné à onze ans de camp de travail pour «espionnage».
Depuis, son quotidien dans la colonie pénale n°10 de Saratov relève du cauchemar. Il travaille 15 heures par jour, sans être payé. Son épouse, Maria Kozlova, 35 ans, qui aujourd'hui en Tchéquie avec leurs deux enfants de 4 et 7 ans, témoigne pour Blick: «Mon mari et les autres prisonniers ukrainiens ne mangent que si leurs familles leur envoient de l’argent.» Récemment, Ivan a passé deux mois à l’isolement, sans contact humain, sans promenade et sans effets personnels. «Vivre dans une colonie russe, c’est se battre chaque jour pour sa survie», résume Maria Koslova.
Damian Omelianenko: Une bataille pour la vie
Depuis bientôt trois ans, Damian Omelianenko, 23 ans, croupit dans une prison russe où il est régulièrement torturé. Sa mère, Tetiana Omelianenko tient dans ses mains des photos du procès de son fils que des journalistes lui ont rapportés. Elles montrent un homme malade et amaigri. «En Russie, il a subi les tortures les plus brutales qui soit, comme des coups, des pressions psychologiques, un isolement complet du monde extérieur et six mois et demi d'isolement», raconte-t-elle.
Aujourd'hui, Damian a perdu 30 kilos et il souffre – entre autres – de problèmes dentaires terriblement douloureux. Il est incarcéré à Taganrog, là même où la journaliste Victoria Rochtchina a été torturée.
Damian a été arrêté le 16 novembre 2022 par le FSB à Berdjansk. Il est accusé «d'espionnage» et de «terrorisme». Sa mère s'est déjà adressée à différents services pour tenter de le faire sortir de prison. En vain. «Dans un pays où le droit ne s'applique pas, les avocats sont impuissants», regrette-t-elle auprès de Blick.