Danger caché pour Zelensky
Le danger caché de la nouvelle proposition sur l'Ukraine

L'Europe ne peut guère promettre mieux à l'Ukraine à l’heure actuelle que des garanties de sécurité comparables à celles de l'OTAN. Mais même si toutes les questions ouvertes étaient réglées et si Moscou donnait son feu vert, l’accord resterait très risqué pour Kiev.
Il y a quelques jours à peine, Zelensky s'est aventuré lui-même sur le front de Koupiansk pour prouver que la ville n'avait pas été prise par les Russes (comme le prétend Poutine).
Photo: AFP
RMS_Portrait_AUTOR_823.JPG
Samuel Schumacher

Kiev pourrait recevoir, avant Noël, une offre qu'elle attend depuis des mois. Un «cadeau» diplomatique soigneusement emballé par les Etats-Unis, avec une carte de vœux cosignée par les principaux dirigeants européens. Seule manque encore la signature russe. Mais si elle venait à s’ajouter, l’accord élaboré en début de semaine à Berlin entre Américains, Ukrainiens et Européens deviendrait soudain explosif sur le plan politique.

Le cœur du deal est clair: si l’Ukraine donne son feu vert avant Noël, elle se verrait accorder des garanties de sécurité «similaires à l’article 5 de l’OTAN». Autrement dit, toute attaque contre l'Ukraine serait considérée comme une attaque contre l’ensemble des Etats signataires – avec des conséquences à la clé. Un changement radical pour un pays en guerre depuis bientôt trois ans.

1

Ce que promettent concrètement les garanties

Dans les faits, les poids lourds européens – Allemagne, France, Grande-Bretagne, Italie notamment – assurent à Kiev qu'ils soutiendront l'Ukraine avec une force internationale spéciale pour la surveillance de son espace aérien et la sécurisation de ses ports maritimes, y compris sur le sol ukrainien. Les Etats-Unis, de leur côté, superviseraient le respect d’un éventuel cessez-le-feu avec la Russie.

Et si Moscou attaquait à nouveau? Les partenaires de Kiev interviendraient alors économiquement, diplomatiquement et militairement. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky s’est montré prudemment confiant: «Les détails sont très bons, même s’il ne s’agit encore que d’un premier projet.»

2

Garanties «similaires à l'article 5 de l'OTAN» – qu'est-ce que cela signifie?

Le chancelier allemand Friedrich Merz a comparé ces engagements à l’article 5 de l'OTAN. Cet article stipule qu'une attaque contre un pays de l'OTAN est considérée comme une attaque contre tous les pays de l'OTAN. En cas d'urgence, chaque pays de l'OTAN devrait envisager les mesures qu'il «juge nécessaires pour préserver la sécurité de la zone de l'Atlantique Nord».

Les experts doutent que l'article 5 conduise dans tous les cas à une réponse militaire de l'ensemble de l'OTAN. Marcus Keupp, économiste militaire à l'Académie militaire de l'EPFZ, a récemment déclaré à Blick: «Ne croyez pas que cet article 5 signifie que l'ensemble de l'OTAN va immédiatement riposter si un pays membre est attaqué.» Selon lui, l'article stipule simplement que chaque pays membre a le droit de soutenir l'Etat attaqué. «La forme concrète de ce soutien n'est pas mentionnée dans l'article.»

3

Pourquoi ne pas proposer à l'Ukraine d'adhérer à l'OTAN?

L'Ukraine veut entrer dans l'OTAN. La Russie veut l'en empêcher à tout prix. Mais si l'on refuse à l'Ukraine l'adhésion à l'Alliance, ce n'est pas par compassion pour les Russes. Le processus d'adhésion à l'OTAN serait tout simplement trop compliqué (tous les pays membres devraient donner leur accord) pour pouvoir être mené à bien dans un délai raisonnable.

En outre, l'Ukraine devrait procéder à de nombreuses modifications de ses systèmes d'armes et de sa structure de commandement pour être admise au sein de l'organisation. En cas d'urgence, elle devrait théoriquement se porter au secours d'autres pays de l'OTAN. Ces deux éléments ne sont pas réalisables dans un avenir prévisible.

4

Ce qui pourrait empêcher l'Ukraine de signer

A côté des questions toujours non résolues concernant d'éventuelles cessions de territoires aux Russes, un autre frein pèse lourd dans l’esprit des Ukrainiens: le mémorandum de Budapest de 1994. A l'époque, l'Ukraine avait cédé son arsenal nucléaire à la Russie en échange de garanties de sécurité de la part des Américains, des Britanniques… et des Russes. Ceux-ci s'engageaient à reconnaître la souveraineté de l'Ukraine, à ne pas utiliser la force contre le pays et à venir immédiatement à son secours si jamais Kiev venait à être attaquée. Le monde a vu ce que valaient ces garanties de sécurité le 24 février 2022.

5

Comment la Russie pourrait-elle profiter de ce plan?

Moscou reste discret sur cette proposition. Vladimir Poutine sait à quel point les sociétés occidentales sont profondément divisées sur la guerre et encore plus sur l'idée d'envoyer leurs propres fils et filles en Ukraine, pour garantir une paix instable. En lançant une provocation militaire après un accord de paix, il pourrait tester la volonté de défense de la «coalition des volontaires» et affaiblir encore la cohésion intra-européenne.

Les dirigeants seraient-ils vraiment prêts à risquer une grande guerre avec la Russie, puissance nucléaire, pour une nouvelle avancée dans le Donbass? Des manifestations de masse contre une telle intervention militaire seraient inévitables. La violence pourrait à nouveau s'intensifier. C'est précisément là que réside le danger caché des garanties de sécurité promises.

Conclusion: sans la résolution des difficiles questions territoriales, la discussion sur les garanties de sécurité reste purement théorique. En diplomatie, rien ne vaut tant que tout ne vaut pas. Les Etats-Unis ont beau pousser jusqu'à Noël comme date butoir, les Européens ont beau s'efforcer et les Ukrainiens être ouverts aux négociations: tant que Moscou ne sera pas d'accord, même ces démarches prometteuses ne mèneront nulle part.

Articles les plus lus