Cessez-le-feu terrestre, guerre totale sur les réseaux sociaux! Depuis l’intensification des combats frontaliers entre le Cambodge et la Thaïlande, les touristes et résidents étrangers basés dans ces deux pays sont les cibles d’une campagne d’infox guerrières sans précédent. La plupart des messages mensongers postés sur les réseaux sociaux font état, ce mardi 29 juillet, de fausses violations du cessez-le-feu accepté la veille par les deux gouvernements lors d’une réunion de leurs premiers ministres en Malaisie.
Les infox guerrières, et la guerre de l’information sur l’internet et les réseaux, battent leur plein depuis 2022 en Ukraine. La Russie de Vladimir Poutine dispose de commandos numériques aguerris dont la mission est de saper le moral des populations européennes, et de contrecarrer les campagnes de soutien à l’Ukraine. On sait aussi que quantité d’officines chinoises, parfois liées aux triades (la mafia), entretiennent dans les régions frontalières au Cambodge, de la Thaïlande, du Laos et de la Birmanie, de véritables usines d’escroqueries en ligne, avec des armadas d’opérateurs aidés par l’intelligence artificielle, qui leur permet «d’accrocher des cibles» dans presque toutes les langues.
Or cette fois, c’est sur une autre terrain que la dissémination de fausses informations prend de l’ampleur, notamment en direction des millions de touristes étrangers qui visitent chaque année la Thaïlande (plus de trente millions) et le Cambodge (environ sept millions). Exemple: l’annonce ce week-end de la mort présumée d’un général thaïlandais, commandant d’une des régions frontalières disputées, présentée comme un article du quotidien anglophone de Bangkok The Nation. Autre exemple: des images générées par l’intelligence artificielle montrant des troupes se ruant vers le front, au milieu d’un exode de civils.
Dans l’autre sens, la machine à infos guerrières fonctionne aussi à plein. Des images circulent montrant l’ancien Premier ministre cambodgien Hun Sen (l’homme fort du pays depuis 40 ans, dont le fils dirige actuellement le gouvernement) en train de déchirer de rage des cartes frontalières, ou d’accuser la France, ancienne puissance coloniale responsable du tracé des frontières entre l’ex-royaume de Siam et l’ex-Indochine. Les annonces sur la mort d’officiers supérieurs cambodgiens pullulent. De faux communiqués accusent aussi l’armée thaïe de préparer des attaques chimiques contre le site historique d’Angkor Vat, à 200 kilomètres au sud des zones disputées. A noter également: de faux actes d’expropriation selon lesquels les autorités thaïlandaises seraient en train de saisir les propriétés de Cambodgiens dans leur pays.
Touristes concernés
Les touristes et les résidents étrangers sont-ils directement concernés? Oui, car le flux de revenus du tourisme est essentiel pour les deux pays. La Thaïlande est, de ce point de vue, plus exposée que son voisin, avec 45 milliards d’euros de revenus touristiques en 2024. Le plus grave, pour les étrangers, dont les Suisses, est de se retrouver pris au piège en consultant des infos visant la famille royale thaïlandaise, ou en transférant des images sur celle-ci, ce qui peut entraîner le dépôt de plaintes pour lèse-majesté.
Depuis plusieurs jours, des rumeurs circulent ainsi que le décès de la reine Mère Sirikit, âgée de 92 ans. Elle serait décédée avant l’anniversaire de l’actuel monarque Rama X, qui a célébré ses 73 ans le 28 juillet après avoir annulé la plupart des cérémonies, en raison du conflit.