Le couperet semble inévitable: mercredi 1er octobre à 00h01 (6h01 en Suisse), les Etats-Unis pourraient connaître leur 15e shutdown, à savoir une paralysie administrative faute d’autorisation légale de dépenser. Donald Trump a réuni lundi 29 septembre les principaux responsables républicains et démocrates, mais la rencontre n’a guère dissipé les tensions.
«Je pense que nous nous dirigeons vers un shutdown», a reconnu le vice-président J.D. Vance à l’issue de la réunion. Si l’impasse entre les deux camps perdure, la paralysie du gouvernement pourrait être sans précédent: Trump s’est dit prêt à tailler brutalement dans les effectifs des agences dont il juge les programmes secondaires. En attendant, voici un tour d’horizon pour comprendre ce mécanisme qui plonge régulièrement Washington dans la crise.
Qu'est-ce qu'un shutdown?
Le gouvernement fédéral ne peut dépenser que les fonds approuvés par le Congrès au moyen de lois de crédit appelées «appropriations». Celles-ci sont adoptées en général à la fin de l'exercice budgétaire, le 30 septembre.
Mais lorsque ce délai expire et que les crédits n'ont pas été adoptés à temps, les agences fédérales n'ont plus le droit de dépenser de l'argent supplémentaire. Elles sont alors obligées de fermer jusqu'à ce que le Congrès affecte de nouveau fonds.
Pour l'instant, les deux Chambres n'ont adopté aucun des 12 projets de lois de crédits qui compose le budget fédéral. Le prochain shutdown pourrait donc être complet. Il peut arriver que le Congrès alloue le financement annuel de certaines agences, leur permettant de poursuivre leurs activités. Depuis 1980, les Etats-Unis ont été frappés de 14 shutdown.
Pourquoi les Etats-Unis courent vers un shutdown?
Bien que les Républicains disposent de la majorité au Congrès, ils ont besoin de sept voix démocrates au Sénat pour faire adopter les lois de crédit et éviter la fermeture du gouvernement. Or, la minorité exige des contreparties et entend utiliser ce rapport de force pour obtenir des garanties sociales, jugées prioritaires.
Les Démocrates réclament avant tout la prolongation des subventions fédérales à l’assurance maladie instaurées sous Joe Biden, qui rendent la couverture santé plus abordable pour des millions d’Américains. Ces aides expirent à la fin de l’année et, sans prolongation, les primes pourraient flamber dès 2026. Ils exigent également le rétablissement d’une partie du financement de Medicaid, réduit cet été par la réforme fiscale républicaine, afin de protéger les ménages les plus modestes.
Les Républicains ont proposé un projet de financement provisoire de sept semaines, appelé «résolution continue», qui maintiendrait le budget actuel tout en ajoutant des millions de dollars pour renforcer la sécurité fédérale, dans un contexte marqué par le. meurtre de l’influenceur d’extrême droite Charlie Kirk. Mais le texte a été rejeté par les Démocrates au Sénat.
Combien de temps dure un shutdown?
Il est impossible de connaître à l'avance combien de temps un blocage durera. Il peut aller de quelques heures à plusieurs jours. Et Donald Trump en sait quelque chose, lors de son premier mandat en 2018, il a essuyé un shutdown de 34 jours, le plus long de l'histoire américaine.
Et selon les premières indications, le blocage qui se profile pourrait aussi durer un certain temps. Les Démocrates sont catégoriques, il n'y aura pas d'accord tant que les Républicains ne négocient pas avec eux l'annulation des coupes budgétaires dans la santé.
Combien coûte un shutdown?
Le coût d’un shutdown varie selon sa durée et son ampleur, mais ses répercussions économiques sont bien réelles. Les dépenses fédérales sont différées, des paiements sont suspendus et de nombreux fonctionnaires, privés de salaire, réduisent leurs achats, ce qui freine la consommation.
Lors du dernier blocage en 2018, qui avait duré 34 jours, le Congressional Budget Office avait évalué son coût à environ 11 milliards de dollars, dont 3 milliards de pertes de PIB considérées comme irrécupérables.
Que se passe-t-il si le shutdown persiste?
Si aucun compromis n’était trouvé après une longue période, les conséquences deviendraient bien plus graves qu’un simple blocage temporaire. Les programmes sociaux comme l’aide alimentaire ou certaines prestations de santé risqueraient d’être interrompus faute de financement, mettant en difficulté des millions d’Américains.
Des agences entières verraient leurs missions paralysées, accumulant retards et pertes de compétences. Les contractants privés travaillant pour l’Etat ne seraient plus payés, ce qui provoquerait des faillites en chaîne dans certains secteurs.
Sur le plan économique, une paralysie prolongée pourrait peser lourdement sur la croissance, avec des milliards de dollars de PIB perdus de manière irréversible. Enfin, un tel scénario minerait durablement la crédibilité des institutions américaines, à l’intérieur comme à l’international.
Que deviennent les fonctionnaires?
Lors d’un shutdown, les fonctionnaires fédéraux sont les plus exposés. Une partie d’entre eux est mise au chômage partiel, tandis que d’autres, considérés comme essentiels, doivent continuer à travailler sans être payés immédiatement. En mars dernier, lors d’une crise évitée de justesse, plus de 1,4 million d’agents avaient été jugés indispensables, contre près de 900’000 menacés de mise à l’arrêt.
L’Office of Management and Budget (OMB) a déjà demandé aux agences de se préparer à licencier temporairement les employés non essentiels, ce qui réduirait très vite la capacité de l’administration fédérale. Une fois le shutdown terminé, les effectifs seraient réévalués, avec pour objectif de ne maintenir que le nombre minimum de salariés nécessaires pour remplir les missions statutaires de l’Etat.