Selon un expert du Proche-Orient
Le «système Erdogan» n'implosera pas

Recep Tayyip Erdogan a de bonnes cartes en main pour le second tour des élections en Turquie. S'il les remporte, il sera confronté à de nombreux problèmes. Mais selon l'expert Maurus Reinkowski, il peut les résoudre.
Publié: 28.05.2023 à 11:45 heures
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Dernière mise à jour: 28.05.2023 à 11:53 heures
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Qui sera le prochain président de la Turquie, Recep Tayyip Erdogan (à gauche) ou Kemal Kilicdaroglu? On le saura dimanche lors du second tour.
Photo: Anadolu Agency via Getty Images
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Chiara Schlenz

Les suites politiques controversées du tremblement de terre d'Izmit en 1999 ont marqué le début de l'ascension du chef de l'État turc Recep Tayyip Erdogan. Lorsqu'au début de cette année, un tremblement de terre dévastateur a de nouveau ravagé une grande partie du sud-est de la Turquie, de nombreux observateurs s'attendaient à ce que la carrière d'Erdogan se termine exactement comme elle avait commencé à l'époque - par un tremblement de terre.

Pour l'instant, Erdogan semble bien résister aux changements politiques et tectoniques en Turquie. Le premier tour des élections présidentielles et législatives turques, le 14 mai, l'a placé en tête de la course, ce qui pourrait donc le conduire à sa réélection, selon les sondages.

Même si tout est encore à confirmer, Maurus Reinkowski, expert du Proche-Orient à l'université de Bâle, prévoit que le second tour de dimanche soit également favorable à Erdogan et à son parti AKP. Pour l'expert, il est clair que «ces élections de second tour sont en fait un cadeau pour l'AKP».

Les relations turco-occidentales sous une mauvaise étoile

Car si le parti gagne, ce serait une immense victoire alors que tout était contre lui. «Ce serait un tour de force pour Erdogan et l'AKP, affirme Maurus Reinkowski. Et ils feront ressentir cette attitude de vainqueur à l'Occident.» En effet, le gouvernement turc a senti l'aversion du reste du monde pour son leadership, poursuit le spécialiste.

C'est précisément ce que l'on considère en Turquie comme une trahison, selon lui: on veut alors punir l'Occident pour cela. «Bien que la Turquie et l'Occident soient interdépendants, les relations deviennent de plus en plus volatiles et difficiles.»

L'instinct d'Erdogan consistera probablement à pousser la Turquie plus loin vers le neutralisme, sans pour autant quitter l'OTAN. En outre, Erdogan devrait étendre et renforcer ses relations vers l'Est, mais ne souhaiterait pas pour l'instant une réconciliation avec l'Ouest. Dans l'ensemble, Maurus Reinkowski tire une conclusion sobre: «En politique étrangère, tout restera comme avant, mais sur des bases beaucoup plus fragiles.»

Erdogan face à un casse-tête économique

Il ne faut donc pas s'attendre à une rupture complète des relations: l'Occident reste le plus grand marché d'exportation de la Turquie et la principale source d'investissements directs étrangers. Ce qui pourrait mettre en évidence le côté pragmatique d'Erdogan.

Car l'économie chancelante de la Turquie serait l'un des plus gros problèmes d'Erdogan en cas de réélection. Selon la Banque mondiale, elle a connu une croissance de 5,6% en 2022, contre 11,4% l'année précédente. «L'économie du pays n'a pas été aussi mal en point depuis l'arrivée de l'AKP au pouvoir», estime Maurus Reinkowski.

Les électeurs restent fidèles à leur président

Malgré toutes les catastrophes naturelles, politiques et économiques que le pays a dû subir sous Erdogan, l'électorat reste fidèle à son dirigeant. Car c'est est un combattant électoral charismatique et doué, que les masses adorent lors des meetings. Il se nourrit de guerres culturelles et d'une rhétorique clivante, polarisante et basée sur la peur, qui lui a toujours permis de consolider et de mobiliser sa base électorale.

Selon Maurus Reinkowski, cette loyauté presque inébranlable des Turcs envers l'AKP ne disparaîtra pas facilement après les élections. Même si l'Occident s'y attendait, le «système Erdogan» n'implosera pas.

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