La brouille entre le magnat de la technologie Elon Musk et le président américain Donald Trump a dégénéré jeudi 5 juin en une véritable vendetta en ligne. Sur leurs réseaux sociaux respectifs, X et Truth Social, les deux milliardaires se sont échangés des invectives. La dispute a – semble-t-il – tellement intéressé les internautes que les serveurs de Truth Social ont surchauffé, rendant les publications de Donald Trump inaccessible par moments.
Sur X aussi, ce règlement de compte en public a déchainé les passions. Si certains se sont amusés de voir les deux anciens alliés se déchirer ainsi sur la place publique, d'autres s'en sont beaucoup moins réjouis, notamment parmi les proches du milliardaire sud-africain. «Les amis et collaborateurs d'Elon Musk sont abasourdis», écrit le «New York Times».
L'appel de Kanye West
«Certains racontent qu'ils sont assis devant leur ordinateur et qu'ils regardent leur ami se battre avec le président Trump sans savoir quel est exactement son plan.» Rares sont ceux qui s'attendent à ce que cela dure éternellement. «Mais ils sont tristes d'en arriver là», poursuit le quotidien new-yorkais.
Sur X, le rappeur américain Kanye West, proche des deux hommes, s'est mué en porte-parole des déçus de cette rupture. «Frères, s'il vous plaît, non, nous vous aimons tous les deux tellement.»
L'appel de l'artiste controversé a été lancé peu après la publication par Elon Musk d'un sondage dans lequel il demandait: «Est-il temps de créer un nouveau parti politique en Amérique qui représente réellement les 80% du milieu?» Une question à laquelle une forte majorité des followers de l'homme le plus riche du monde a répondu «oui».
Elle semble loin la «bromance»
Tout a pourtant bien commencé entre Donald Trump et Elon Musk, lequel a rejoint la campagne du candidat républicain en juillet 2024. Ce dernier venait alors tout juste d'échapper à une tentative d'assassinat en Pennsylvanie.
Un épisode qui lui a valu de nombreux soutiens. Le patron Meta Mark Zuckerberg avait notamment qualifié de «badass» la réaction de Donald Trump, qui avait le levé le poing en l'air en criant «battez-vous» alors que son oreille saignait allègrement. Elon Musk a lui carrément réagi en apportant un soutien politique à Donald Trump.
Celui qui déclarait jadis vouloir uniquement construire «des voitures, des fusées et des technologies appréciées du public», a donc fini par prendre parti pour le candidat républicain. «Je n'avais pas d'autres choix», affirmait-il alors.
«Sans moi, il aurait perdu l'élection»
Pendant la campagne électorale, le milliardaire d'origine sud-africaine a tout donné pour Donald Trump, qui l'a récompensé après sa victoire en le nommant à la tête du «Département pour l'efficacité gouvernementale» (Doge). La mission de cet office créé de toute pièce? Trouver le meilleur moyen de réduire au maximum les dépenses de l'Etat fédéral.
Par ses méthodes jugées brutales, Elon Musk s'est alors mis a dos beaucoup de monde. Les actions de Tesla ont commencé à plonger. Pas de quoi perturber le milliardaire qui a poursuivi sa route, «au prix de grands coûts et risques personnels», comme il l'a écrit mercredi sur X, qualifiant au passage le président «d'ingrat». «Sans moi, Trump aurait perdu l'élection», s'est insurgé l'homme le plus riche du monde.
En fait, la dispute entre Donald Trump et Elon Musk a commencé il y a bien plus d'une semaine. Le magnat de la tech aurait déjà exprimé de sérieux doutes en avril dernier, lorsque Donald Trump avait décrété des droits de douane contre la quasi-totalité des pays du monde. Il faudra toutefois attendre le méga-projet budgétaire – la «grande et belle loi», comme l'appelle Trump – pour sonner définitivement le glas de cette «bromance».
Musk veut destituer Trump
Elon Musk estime que toute l'action du Doge serait balayée d'un revers de main par ce texte, qui prévoit une hausse du déficit et une augmentation du plafond de la dette. Mardi sur X, il a ainsi exprimé sa colère à l'égard du projet de loi, le qualifiant «d'abomination». Le début d'une longue série de posts incendiaire qui s'est soldée jeudi par une nouvelle bombe: «Donald Trump se trouve dans le dossier Epstein. C'est la vraie raison pour laquelle ils n'ont pas été publiés.»
Cette attaque, impossible à vérifier, est précédée d'un autre post dans lequel Elon Musk répond par l'affirmative à un internaute qui lui demande s'il souhaite que Trump soit destitué au profit de l'actuel vice-président JD Vance. «Marquez ce post pour l'avenir. La vérité sera révélée.» Dans une autre publication, il a martelé: « Les droits de douane de Trump vont déclencher une récession au second semestre.»
«J'ai demandé à Elon de partir»
Face à ce flot d'attaques, Donald Trump a – une fois n'est pas coutume – tenté de contenir ses émotions. «Cela ne me dérange pas qu'Elon se retourne contre moi», a-t-il écrit jeudi sur Truth Social. «Mais il aurait dû le faire il y a des mois.» Avant d'y aller de sa pique: «Elon était 'usé'. Je lui ai demandé de partir.» Dans un autre post, le président a assuré qu'Elon Musk «est devenu complètement fou» a cause d'une décision trop défavorable aux voitures électriques.
Il a enfin fait miroiter l'annulation de nombreux contrats gouvernementaux, notamment avec la société SpaceX détenue par le milliardaire. Elon Musk a réagi à cette menace en annonçant – avant de finalement se rétracter – qu'il allait fermer la capsule spatiale Dragon, cruciale pour l'industrie spatiale américaine.
Cette ultime passe d'arme révèle les liens de dépendance entre l'Etat fédéral américain et les acteurs privés. La dispute qui fait rage entre Elon Musk et Donald Trump pourrait ainsi avoir à terme de nombreuses conséquences politiques.