Pusher Street, c'est fini!
Au Danemark, les étals de cannabis ont disparu de l'enclave libertaire de Christiania

Pusher Street ferme ses portes! Les habitants de l'enclave Christiania ont démoli l'artère principale de ce quartier de Copenhague où le cannabis était en vente libre. La fin d'une ère pour certains mais une libération pour d'autres.
Publié: 06.04.2024 à 21:48 heures
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Des habitants du quartier de Christiania dépavent Pusher Street, l'artère principale de cet ancien paradis hippie niché au cœur de Copenhague, où le cannabis était en vente libre, le 6 mars 2024
Photo: IDA MARIE ODGAARD

Pusher Street, c'est fini: au Danemark, les habitants de Christiania ont démoli samedi l'artère principale de cet ancien paradis hippie niché au cœur de Copenhague, où le cannabis était en vente libre.

Au signal «nous fermons Pusher Street et ouvrons Christiania», les habitants, appelés Christianites, et leurs invités, dont la maire de Copenhague et le ministre de la Justice, ont déchaussé les pavés sous le soleil de printemps.

«Creuser la rue et en faire un chantier de construction va inévitablement rendre la vente très difficile. Mais ce n'est que le début», a déclaré Sophie Haestorp Andersen, maire de Copenhague. La police, de son côté, a enlevé tous les points de vente de cannabis qui étaient installés dans la rue.

En début d'après-midi, chacun pouvait repartir un morceau de pierre à la main. «Je suis venu pour un pavé. C'est un souvenir de Christiania, de ce que ça a été et de ce que ce n'est plus», a expliqué à l'AFP Adam Hovgaard, un Copenhaguois de 23 ans.

Quatre assassinats en trois ans

Le processus de fermeture de Pusher Street a commencé fin août, après qu'un nouvel accès de violence, un assassinat, avait définitivement brisé l'image d'une communauté un peu déjantée mais paisible.

Cet assassinat, le quatrième en trois ans, avait conduit les Christianites à décider que la vente de drogue devait cesser.

Pusher Street «s'est détérioré en devenant un endroit vraiment pas sympa», les dealers «se battent entre eux, contre les gens, ils sont violents», a déploré Hulda Mader, porte-parole des Christianites.

Auparavant, la police avait plusieurs fois détruit les étals, qui avaient toujours refait surface faute du soutien des résidents.

Engagement des habitants

Désormais, la majorité du petit millier habitants du quartier soutient le changement. «Leur engagement est crucial», a souligné la maire de Copenhague. «C'est la première fois qu'ils s'unissent et prennent position contre la criminalité et l'insécurité galopante dans leur quartier.»

En 1971, des hippies avaient créé la «ville libre de Christiania» dans une ancienne caserne abandonnée pour créer une commune, qui, selon ses statuts, «appartient à tout le monde et à personne» et où chaque décision est, encore aujourd'hui, prise collégialement.

Dans cette enclave de 34 hectares au bord de l'eau, la vente et la consommation de cannabis sont illégales mais tolérées, ce qui a entraîné des trafics de drogue et l'apparition de gangs.

«Il y a cinq, dix ans, les vendeurs étaient avant tout des locaux, mais maintenant, les gangs gèrent ce marché de la drogue», a précisé un porte-parole de la police, Simon Hansen. «Pendant trop longtemps, nous avons accepté que les dealers vendent aux touristes comme aux habitants de Copenhague de l'herbe et des drogues comme des fraises et des petits pois fraîchement cueillis», a regretté la maire.

«Nouveau chapitre»

En 2023, la police, qui ne donne pas de chiffres sur les quantités de drogue saisies, a arrêté quelque 900 personnes en lien avec le trafic de drogue dans le quartier.

Début août, pendant une journée, les Christianites avaient bloqué aux non-résidents l'accès à la ville libre, visitée par plus d'un demi-million de touristes chaque année, «dans l'espoir de libérer Christiania de la tyrannie des gangs».

Avec ce «nouveau chapitre», ils entendent «nettoyer» la rue, «la rendre jolie», a dit Mme Mader, qui vit dans une grande maison qu'elle partage avec son fils et sa famille.

«On va repeindre, reconstruire les bâtiments», a-t-elle précisé. «On veut être associé à l'art, la culture, le théâtre, comme c'était le cas avant. Un endroit vraiment sympa où les gens viennent se détendre.» Car Christiania, c'est aussi un îlot de verdure, où l'on peut entendre piailler les oiseaux le long du chemin des anciens remparts.

Avec la fin espérée du trafic de drogue, la communauté veut miser sur cette image de carte postale et sa vitalité artistique. Les concerts notamment y sont légion.

Elle doit aussi entreprendre de construire des logements pour quelque 300 nouveaux arrivants, un projet dont les modalités ne sont pas encore arrêtées mais avec lequel elle espère attirer des familles avec enfants. Actuellement, 25% de la population de Christiania a plus de 60 ans.

(AFP)

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