Privée et militarisée
La méthode Trump à Gaza, un laboratoire de l'aide internationale du futur?

La distribution d'aide à Gaza par une fondation privée soutenue par Trump et Israël provoque la controverse. Les organisations humanitaires dénoncent une approche militarisée et un non-respect des principes d'impartialité, de neutralité et d'indépendance. Explications.
Publié: 31.05.2025 à 09:02 heures
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Dernière mise à jour: 31.05.2025 à 10:33 heures
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A Gaza, la distribution d'aide humanitaire est chaotique et tragédique.
Photo: Anadolu via Getty Images
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AFP Agence France-Presse

Donald Trump s'applique depuis son retour à réduire et réorienter l'aide américaine dans le monde. Et pour Gaza, Washington soutient avec son allié israélien une initiative largement décriée par les organisations humanitaires qui mettent en garde contre ce modèle jugé «indigne» et «dangereux».

Gérée par des agents de sécurité américains sous contrat, avec des troupes israéliennes à proximité, la Fondation humanitaire pour Gaza (GHF) a distribué de la nourriture dans plusieurs centres situés dans le territoire palestinien ravagé par 20 mois de guerre.

Chaos et tragédie

Officiellement privée et dotée d'un financement opaque, la GHF a commencé à livrer de la nourriture lundi, après qu'Israël eut interrompu l'approvisionnement de la bande de Gaza pendant plus de deux mois, faisant craindre une famine massive.

Mais l'ONU et des ONG refusent de travailler avec cette organisation créée de toutes pièces, estimant que son plan de fonctionnement n'est pas conforme aux «principes de base» de l'aide humanitaire «d'impartialité, de neutralité et d'indépendance».

«Ce que nous voyons est chaotique, tragique. On voit des centaines de milliers de personnes qui se démènent dans des conditions particulièrement indignes et dangereuses pour accéder à un tout petit peu d'aide», constate Ciarán Donnelly, chargé des situations de crise au sein de l'ONG International Rescue Committee (IRC).

De l'aide bloquée par Israël

Alors qu'un nouveau cessez-le-feu est en négociation, il appelle à travailler avec les écoles ou les dispensaires pour distribuer l'aide là où les gens en ont besoin, et pas dans des centres militarisés.

«Si l'on veut vraiment distribuer l'aide de manière transparente, responsable et efficace, il faut utiliser l'expertise et l'infrastructure des organisations humanitaires qui le font depuis des décennies», estime-t-il. Selon lui, IRC dispose de 27 tonnes d'aide dont l'entrée à Gaza est empêchée par Israël, les organisations humanitaires affirmant depuis des mois que d'énormes quantités sont bloquées.

Des balles tirées durant les distributions

«Pourquoi voudrions-nous laisser l'armée israélienne décider comment, où et à qui nous donnons notre aide dans le cadre de sa stratégie militaire visant à déplacer les gens dans Gaza?», abonde le secrétaire général du Conseil norvégien pour les réfugiés (NRC) Jan Egeland. «C'est une violation de tout ce que nous défendons. C'est la ligne la plus rouge que nous ne pouvons pas franchir», ajoute cet ancien chef des opérations humanitaires des Nations unies.

Les premières distributions de nourriture de la GHF ont été très compliquées, des milliers de personnes affamées se ruant sur les centres de distribution, provoquant des scènes de chaos au cours desquelles des dizaines de personnes ont été blessées.

L'armée israélienne nie avoir tiré et la GHF affirme qu'il n'y a pas eu de blessés. L'organisation affirme avoir distribué 2,1 millions de repas depuis lundi. Membre de l'Institut juif pour la sécurité nationale des Etats-Unis, John Hannah estime que l'ONU devrait prendre davantage conscience de la nécessité d'une nouvelle approche pour apporter l'aide, accusant le Hamas d'avoir bâti un «royaume de la terreur» à Gaza.

La vision de Trump

«Je crains que les gens ne soient sur le point de laisser le mieux être l'ennemi du bien», fait valoir cet ancien haut responsable américain, appelant plutôt à réfléchir à la manière d'«améliorer» la méthode de la GHF. «Nous aurions été heureux qu'il y ait des volontaires issus de forces nationales compétentes et dignes de confiance, mais, regrette-t-il, personne ne s'est porté volontaire.»

Et pour lui, mieux vaut coordonner l'aide avec Israël qu'avec le Hamas: «Toute intervention humanitaire dans une zone de guerre doit inévitablement faire des compromis avec une autorité dirigeante qui porte les armes.» Une étude menée l'année dernière par John Hannah avait déconseillé à Israël de jouer un rôle majeur dans l'aide humanitaire à Gaza, suggérant une implication des Etats arabes pour plus de légitimité.

Mais, alors que Gaza continue d'être assiégée et pilonnée sans relâche par Israël, les partenaires arabes des Etats-Unis, à l'instar d'une grande partie de la communauté internationale, ont montré peu d'enthousiasme à l'égard des initiatives de Donald Trump, qui avait notamment appelé au déplacement forcé de la population pour faire du territoire palestinien une «Riviera» du Moyen-Orient.

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