Le vendre à ses ennemis
Bachar al-Assad pourrait être la monnaie d'échange de Poutine

Bachar al-Assad a été renversé en Syrie en décembre 2024. L'ancien dictateur a obtenu l'asile en Russie. Depuis, il vit dans le luxe, mais aussi dans un grand ennui. Poutine le livrera-t-il au nouveau gouvernement syrien en guise de contrepartie?
Publié: 08:13 heures
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Dernière mise à jour: 08:20 heures
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Après sa chute, l'ancien dictateur syrien Bachar al-Assad a obtenu l'asile auprès de Vladimir Poutine.
Photo: keystone-sda.ch
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Guido Felder

Lorsque le président intérimaire syrien Ahmed al-Charaa a rendu visite à Vladimir Poutine à la mi-octobre, il n'a sans doute pas été uniquement question des bases militaires russes en Syrie. L'ancien dictateur syrien Bachar al-Assad, qui s'est réfugié à Moscou après sa chute le 8 décembre 2024, était probablement au cœur des discussions.

Dans la capitale russe, l'ancien dirigeant vit reclus dans ses luxueux appartements. Sa femme Asma est à nouveau tombée gravement malade. Mais pour que Poutine puisse conserver ses bases militaires en Syrie, il doit proposer une contrepartie au nouveau gouvernement. S'agirait-il de l'extradition de Bachar al-Assad?

Depuis sa fuite à Moscou, l'ancien dictateur n'a plus été aperçu, cerains disent même qu'il a été empoisonné. Selon le journal «Die Zeit», il vit reclus dans trois de ses 20 appartements dans le quartier moderne de Moscou, avec ses grattes-ciel jusqu'à 374 mètres. De temps en temps, il séjourne dans une villa isolée près de la capitale russe. L'argent du peuple syrien est investi dans sa nouvelle vie. 

Invisible au monde extérieur

Malgré sa richesse, la vie de Bachar al-Assad est maussade. Selon l'ambassadeur russe en Irak, Elbrus Kutraschew, Vladimir Poutine a instauré des règles strictes au dirigeant en fuite: pas d'apparitions publiques et pas d'activités politiques. Il doit rester invisible, lorsqu'il sort de chez lui, des gardes du corps privés, payés par le gouvernement russe, l'accompagnent.

Après avoir été sous les feux de la rampe pendant des années, le voilà maintenant dans la clandestinité. Bachar al-Assad passerait des heures à jouer aux jeux vidéo en ligne. Son frère, Maher, semble lui avoir trop de temps libre. Il résiderait à l'hôtel Four Seasons et s'amuserait à se saouler et à fumer la shisha.

En revanche, la femme d'Assad, Asma, serait en mauvaise santé. Après avoir surmonté un cancer du sein, elle serait désormais atteinte de leucémie. Pour se faire soigner et sans doute aussi pour échapper à sa vie en Russie, elle aurait voulu s'envoler vers son ancienne patrie, le Royaume-Uni, mais l'entrée lui a été refusée. Selon d'autres sources, elle aurait demandé le divorce.

Un allié stratégique pour la Russie

Depuis la chute du dictateur, Vladimir Poutine a perdu son principal allié au Moyen-Orient. En effet, la Russie possède deux bases militaires en Syrie: le port de Tartous pour l'accès à la Méditerranée et l'aérodrome de Hmeimim pour son armée de l'air.

Pour que la Russie puisse continuer à conserver ces positions stratégiques, le nouveau gouvernement exigera des contreparties, comme de renvoyer Bachar al-Assad à ses ennemis. Le 27 septembre, le ministère syrien de la Justice avait annoncé qu'un mandat d'arrêt avait été lancé contre lui. Il est accusé de meurtre avec préméditation, de torture et d'incitation à la guerre civile.

Le nouveau gouvernement souhaite tenir sa promesse au peuple syrien et traduire en justice l'homme dont la guerre civile a coûté la vie à près d'un demi-million de personnes.

Poutine face à un dilemme

Pour le moment, le Kremlin n'a pas semblé vouloir livrer Bachar al-Assad. L'ambassadeur Elbrous Koutrachev a en tout cas déclaré qu'une extradition n'était pas prévue.

C'est également l'avis de Marcel Hirsiger, expert de la Russie à la Haute école spécialisée du Nord-Ouest de la Suisse. Poutine perdrait la face s'il devait extrader Bachar al-Assad, car il en a fait son allié pendant trop longtemps. «Dans le système de valeurs de Poutine, la loyauté est très élevée. Sa mentalité de gangster d'arrière-cour de Leningrad récompense la loyauté par une fidélité à vie», explique l'expert. «Poutine est face à un dilemme», ajoute toutefois Marcel Hirsiger. Comment va-t-il répondre aux exigences du nouveau gouvernement syrien? Il se pourrait bien que Bachar al-Assad soit la clé du problème...

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