Une nouvelle vague de réfugiés?
La Syrie abrite une bombe à retardement prête à exploser sur l'Europe

Le président de la Syrie avait promis d'unifier son pays. Mais les dernières brutalités dans la province de Soueida montrent que le pays est loin d'être en paix et stable. Le nord-est du pays abrite une véritable poudrière prête à exploser.
Publié: 11:16 heures
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L'Etat islamique serait toujours actif en Syrie. Leur libération de prison pourrait être menaçante pour la stabilité du pays.
Photo: AFP
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Samuel Schumacher

Des combattants lourdement armés qui forcent trois jeunes à se jeter dans le vide depuis le balcon d'un immeuble, un kamikaze qui tue 25 personnes en train de prier dans une église orthodoxe à Damas, un jeune homme dont le cœur est arraché de sa poitrine en pleine rue. Ces affreuses images font le tour du monde. 

Cette brutalité s'est récemment manifestée dans la ville de Soueida, un bastion de la minorité druze, où au moins 321 personnes ont été massacrées. Même le cessez-le-feu déclaré le 17 juillet dernier n'a pas mis fin aux tueries. Mais les minorités locales ne sont pas les seules à souffrir face au nouveau régime syrien. Dans le nord-est du pays, il y a une bombe à retardement qui risque bientôt de menacer l'Europe.

On estime que 65'000 anciens combattants de l'Etat islamique (EI) – ou soupçonnés d'appartenir au groupe – et des membres de leur famille y sont détenus. Rien que dans la «prison Panorama» de la ville d'Hassaké, les gardiens des Forces démocratiques syriennes (FDS), à dominante kurde, détiennent 4500 terroristes présumés de l'EI. Mais les FDS pourraient bientôt perdre leur mission de surveillance.

Les terroristes de l'IS libérés?

Le président syrien veut désarmer les milices kurdes et autres minorités de son pays, et prendre le relai avec ses forces armées pour assurer la sécurité et la stabilité régionale. De son côté, la puissance régionale qu'est la Turquie exerce une forte pression: son ministère des Affaires étrangères a menacé d’une intervention militaire si Ahmed al-Sharaa ne faisait pas avancer le processus de désarmement des Kurdes.

Pour les combattants de l'Etat islamique, souvent emprisonnés depuis des années sans avoir été jugés, cela pourrait représenter leur unique espoir d'une libération. Ahmed al-Sharaa – connu sous le nom de guerre d'Abou Mohammed al-Joulani, lorsqu’il dirigeait une influente milice sunnite – multiplie les promesses lors de ses visites dans les palais gouvernementaux à travers le monde: il affirme vouloir mettre un terme à la terreur qui règne dans son pays. 

Accorder l'amnistie à certains coreligionnaires sunnites pourrait permettre la libération d’une partie des présumés terroristes actuellement emprisonnés, d'autant plus si les forces kurdes venaient à se retirer du pouvoir. Or, le groupe de réflexion américain Council on Foreign Relations dresse un constat inquiétant: il estime qu'un grand nombre de ces détenus se seraient radicalisés au cours de leurs longues années de détention.

Par ailleurs, l'EI serait plus actif que jamais dans la région, depuis la chute du califat en 2019. En témoigne le nombre d'attentats revendiqués par le groupe, qui auraient doublé rien qu'entre 2023 et 2024. Les autorités kurdes dans le nord-est de la Syrie tirent la sonnette d'alarme sur le fait que des groupes terroristes pourraient profiter du vide de pouvoir laissé dans les régions rurales de la Syrie pour se reformer.

Les syriens fuient pour la Suisse

Selon le président syrien, de nouvelles élections ne devraient pas avoir lieu avant quatre ou cinq ans. D'ici là, le pays restera un patchwork de tribus et de groupes ethniques qui, une fois affranchis du joug oppressif de Bachar el-Assad, poursuivent chacun leurs propres objectifs. Des visions souvent divergentes, voire conflictuelles, les unes avec les autres.

Aujourd'hui déjà, les Syriens représentent l'un des plus grands groupes de réfugiés en Europe – en Suisse aussi. La situation fragile du pays, marquée par une violence brutale, pourrait rapidement se traduire par de nouveaux mouvements de réfugiés. Environ la moitié des 28'000 Syriens présents en Suisse bénéficient d'une protection. Après la montée au pouvoir d'Ahmed al-Sharaa, la Suisse a toutefois gelé le traitement des demandes syriennes, comme la plupart des autres pays européens. Malgré tout, selon le Secrétariat d'Etat aux migrations (SEM), 733 demandes d'asile de ressortissants syriens étaient en attente fin juin – un chiffre supérieur à celui de tout autre pays dans le monde. 

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