«AMLO», président de gauche nationaliste populaire à près de 60% d'après des enquêtes d'opinion, a mis plus de cinq heures pour parcourir quatre kilomètres jusqu'à la place emblématique du Zocalo, entouré par une immense foule de partisans, a constaté à l'AFP.
Joint par l'AFP, le porte-parole de la présidence, Jesus Ramirez a revendiqué «1,2 million» de manifestants sur «neuf kilomètres» au total. Aucune estimation indépendante n'était disponible.
C'est la première fois qu'un président mexicain en exercice prend la tête d'une manifestation depuis Lazaro Cardenas (1934-1940), d'après le site du journal espagnol El Pais qui cite des historiens, des politologues et des universitaires.
«Je l'aime!», a crié Sonia Campuzano, une étudiante en sociologie de 24 ans au bord des larmes. «Je suis très émue. C'est mon leader».
Une rupture avec le «néo-libéralisme»
A l'issue de la marche, le président a présenté le compte-rendu de ses quatre ans au pouvoir devant des dizaines de milliers de personnes sur Zocalo lui criant «Vous n'êtes pas seul!».
«Non à la réélection!», leur a-t-il lancé d'entrée, comme pour dissiper chez eux tout espoir qu'il s'accroche au pouvoir. La Constitution ne prévoit qu'un mandat présidentiel unique de six ans.
«Priorité aux pauvres», «hausse du salaire minimum», austérité budgétaire, sans créer de «dettes nouvelles»: le président a détaillé pendant une heure sa politique qu'il présente comme une rupture avec plus de 30 ans de «néo-libéralisme».
Entre autres sujets, il a demandé aux Etats-Unis d'arrêter toute politique hostile envers les Mexicains qui travaillent légalement de l'autre côté de la frontière.
Tout au long de la journée, AMLO, 69 ans, a été suivi par des manifestants souvent amenés par car depuis des Etats de l'intérieur du pays (Veracruz, Guerrero...) Preuve de la capacité de mobilisation du parti au pouvoir, le Mouvement pour la régénération nationale (Morena), à la tête de plus de la moitié des 32 Etats avec ses alliés.
Un président volontiers clivant
«Il a fait ce qu'aucun président n'a fait pour les pauvres, même s'il doit améliorer quelques points, comme l'insécurité», a estimé pendant la marche à l'AFP, Ramon Suarez, un électricien. «J'aime la manière de gouverner d'AMLO», s'est enthousiasmée Alma Perez, une éducatrice de 35 ans, venue de l'Etat de Guerrero (sud).
«Je n'écoute pas les critiques qui lui sont faites. Par exemple, la violence n'a pas commencé avec lui», a-t-elle ajouté, en référence aux dizaines de milliers d'homicides que le Mexique continue d'enregistrer chaque année (33'308 en 2021).
Il y a deux semaines, plusieurs dizaines de milliers de personnes avaient défilé à Mexico contre un projet de réforme électorale.
Volontiers clivant pour entretenir la «polarisation» politique, le président avait estimé que ses adversaires défendaient en fait «le racisme, le classisme et la corruption». Il veut «montrer ses muscles», estime Fernando Dworak, analyste à l'Institut technologique autonome de Mexico (ITAM), joint par l'AFP.
«L'opposition a commis une grave erreur en croyant qu'elle pouvait vaincre le président dans la rue», a-t-il poursuivi. La mobilisation de dimanche intervient à moins de deux ans de la présidentielle de 2024.
Deux possibles dauphins du président ont marché avec lui, la maire de Mexico Claudia Sheinbaum et le ministre des Affaires étrangères Marcelo Ebrard. Le président n'a cité aucun nom dans son discours.
Des tâches à l'armée pour sortir de la violence
Portée par la popularité de son chef de file, Morena est en position de force face à un bloc d'opposition qui regroupe le PRI, l'ancien parti au pouvoir pendant 70 ans, le PAN (droite) et le PRD (gauche). Cette alliance s'est récemment divisée, avant de retrouver son unité contre le projet de réforme électorale.
La réforme prétend que les membres de l'Institut national électoral (INE) soient élus, et non plus choisis par les partis.
Ses détracteurs accusent AMLO de vouloir en finir avec l'«indépendance» de l'INE, qui supervise l'organisation des élections depuis sa création en 1990. L'opposition accuse également le président mexicain d'autoritarisme et de vouloir «militariser» le pays.
AMLO a de fait confié à l'armée plusieurs grands chantiers ainsi que des tâches de sécurité publique dans un pays qui n'arrive pas à sortir de la violence du narco-trafic.
Dans son discours, le président a justifié le passage controversé de la Garde nationale sous la tutelle de l'armée «pour qu'elle ne soit pas victime de corruption, comme avec l'ancienne police fédérale».
(ATS)