L'analyse des psychologues
«L'ego de Trump doit être constamment gonflé, car il sait qu'il n'a jamais été aimé»

Une année après sa réélection, Donald Trump fascine toujours les esprits, au point où un flot d'analyses psychologiques affluent sur les réseaux sociaux. S'il est impossible de le diagnostiquer sans le connaître, deux psychologues nous livrent leurs hypothèses.
Publié: 05:38 heures
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Dernière mise à jour: il y a 22 minutes
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Gestion de la colère, narcissisme grandiose… Deux expertes livrent des hypothèses sur le livre de la psychologue Mary L. Trump.
Photo: AP
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Ellen De MeesterJournaliste Blick

On croirait presque qu'il n'est jamais parti. Le 5 novembre 2024, Donald Trump retrouvait son trône délaissé à contrecœur, écartant Kamala Harris d'un revers de bras, et obnubilait à nouveau la presse après une accalmie qui paraît déjà lointaine. Qu'on l'admire ou qu'on l'abhorre, impossible de nier que le 47e président des États-Unis laisse rarement quiconque indifférent. 

L'une des questions qui semble fasciner les journalistes anglo-saxons autant que les réseaux sociaux: que se passe-t-il sous cette chevelure jaune canari qu'une brise malvenue et un flot d'encre médiatique avaient accusée d'être une perruque? Comment fonctionne cet esprit difficile à cerner, notamment décortiqué en long et en large par sa psychologue clinicienne de nièce, Mary L. Trump, dans l'ouvrage «Too much and never enough», qui avait scandalisé son clan en 2020?

Il est évidemment impossible de diagnostiquer un personnage public sans l'avoir rencontré. Mary L. Trump, dont l'ouvrage est tout de même basé sur des souvenirs et ressentis personnels, admet elle-même qu'il faudrait une «batterie de tests» pour comprendre l'enchevêtrement follement complexe de ses pathologies et comportements inexplicables. Cependant, alors que de nombreux internautes ont émis des hypothèses de narcissisme, sociopathie ou problèmes de gestion de la colère, nous avons demandé à deux psychologues de nous livrer quelques pistes. 

1

Incapable de gérer sa colère?

L'hypothèse:
Le dernier diagnostic en date provient, indirectement, de Donald Trump lui-même. Début octobre, il accusait une Greta Thunberg à peine débarquée de sa flottille humanitaire de présenter des «problèmes de gestion de la colère». L'intéressée avait prié le président américain, au moyen d'un post Instagram ironique, de lui partager tous ses conseils, en tant qu'expert en la matière. 

La militante de 22 ans a-t-elle visé juste? Pour Elise Dan-Glauser, Professeure à l'Institut de psychologie de l'Université de Lausanne, Donald Trump présente effectivement un langage corporel évoquant la colère, avec de grands gestes, des prises de parole assertives, des sourcils perpétuellement froncés, cette moue contrariée caractéristique... «Peut-être que les dirigeants en jouent un peu, afin de renforcer le message qu’ils souhaitent faire passer, tempère-t-elle néanmoins. C’est tout un système de communication et, possiblement, un outil de manipulation.»

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L'explication:
Dans son ouvrage, Mary L. Trump souligne que les explosions de rage sont typiques, chez son oncle: «Quand sa capacité à charmer ne fonctionnait pas, il déployait une autre stratégie, piquant des crises durant lesquelles il menaçait de ruiner ou de mener à la faillite toute personne qui ne lui donnait pas ce qu'il voulait», écrit-elle. 

Voilà qui résonne parfaitement avec les explications d'Elise Dan-Glauser sur l'origine de la colère: «Dans nos conceptualisations, cette émotion intervient lorsque le but qu'on souhaite atteindre est bloqué par un obstacle, alors qu’on est certain d'avoir les moyens de l’atteindre quand même. Nous connaissons toutes et tous cette colère, mais elle est d’autant plus forte chez des individus persuadés d’être tout-puissants: on peut en percevoir des manifestations chez de grands dirigeants comme Trump ou Poutine.» D'après notre experte, un chef d’État contrarié sera donc plus facilement en colère que triste ou abattu face à un obstacle, car il est certain d’avoir le pouvoir nécessaire pour atteindre tous ses objectifs.

La stratégie de Trump:
Notons toutefois que, dans certains cas, cette colère peut fonctionner comme un moteur et pousser la personne à une action têtue plutôt qu'à la résignation. 

«Les grands dirigeants ont forcément une haute estime d’eux-mêmes, car on ne peut atteindre ce type de postes en doutant de soi, rappelle Elise Dan-Glauser. Ils osent exprimer leur mécontentement, se montrer assertifs et convaincants… Et ce n’est pas forcément le signe d’un problème de régulation de la colère, puisque la gestion émotionnelle est difficile pour tout le monde.»

Sans oublier que les dirigeants n’ont pas forcément envie de la maîtriser, parce qu'ils peuvent se le permettre: «Une personne qui ne se soucie pas vraiment des conséquences de ses actes, se croit intouchable et pense sa victoire assurée, quoi qu'il arrive, peut malheureusement faire tout ce qu’elle veut», conclut la spécialiste. 

2

Pervers narcissique?

L'hypothèse:
En 2024, juste avant les élections présidentielles, 200 professionnels de la santé mentale cosignaient une lettre ouverte déclarant que Donald Trump présentait des symptômes d'un trouble du narcissisme malin (communément rattaché aux pervers narcissiques), qui le rendraient «inadapté au leadership». 

Soulignons que ladite lettre avait été commandée par un groupe démocrate. Mais le terme «narcissique» apparait fréquemment, lorsqu'il s'agit du président américain. A nouveau, il est impossible de poser un diagnostic sans connaître la personne et sans avoir été formé pour cela. Mais d'après Christel Chappatte, intervenante psychosociale indépendante et spécialiste dans l'aide aux victimes de violence perverse, il faut toujours se fier aux proches: «Les personnes ayant l’impression de constater un trouble de la personnalité narcissique dans leur entourage ont souvent raison», constate-t-elle. 

Alors, qu'en dit Mary L. Trump, dans son livre? «Je n'ai aucun problème à affirmer que Donald Trump est narcissique. Il présente la totalité des neufs critères précisés par le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-5)». Bref, to the point.

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L'explication:
Encore faut-il savoir de quel type de narcissisme il s'agit: «Le terme est connoté très négativement, mais il faut rappeler qu’il existe un narcissisme sain et un narcissisme pathologique, souligne Christel Chappatte. Le premier définit simplement le fait d’avoir de l’amour, de la confiance et de l'estime envers soi-même: il s’agit d’un élément normal de la construction de soi, qui concerne tous les adultes en bonne santé capables de se tourner vers l’autre pour l’aimer. En revanche, lorsqu’un enfant subit des traumas ou des violences au cours de son développement, cette construction saine est altérée ou incomplète. Différents types de perturbations narcissiques peuvent alors émerger.» 

Une fois de plus, Mary L. Trump confirme l'analyse de notre intervenante: dans son ouvrage, l'autrice détaille la relation compliquée entre l'actuel président et son père, Fred Trump, qu'elle décrit comme impitoyable et dénué d'empathie, que Donald voulait à tout prix satisfaire, au prix de son propre épanouissement. Pour Christel Chappatte, ces éléments pourraient tout à fait confirmer la piste du trouble narcissique. Or, notre intervenante penche plutôt vers un autre type: celui du grandiose. 

3

Narcissique grandiose?

L'hypothèse:
Pour définir le narcissisme grandiose, légèrement moins sérieux que le trouble malin du narcissisme, notre experte cite le travail de la psychiatre Marie-France Hirigoyen: «Il existe trois types de narcissisme, résume-t-elle. Le premier concerne les personnes égocentriques, présentant seulement quelques traits narcissiques, avec un besoin d’attention, une tendance à se montrer manipulatrices ou à se mettre constamment en avant. C’est pénible pour les autres, mais pas pathologique.»

Le second type, poursuit Christel Chappatte, implique des traits accentués, avec un trouble du narcissisme bien présent, défini par un manque d’empathie et une incapacité à être heureux pour les autres: «C’est dans ce second groupe qu’on trouve à la fois les narcissiques grandioses et les narcissiques vulnérables, incapables de respecter l'autre: leurs victimes finiront donc tôt ou tard par être atteintes dans leur intégrité psychique et auront besoin d'un soutien psychologique. Puis, dans le 3ème type, on parle justement du syndrome malin du trouble de la personnalité narcissique, qui présentent une forme de cruauté plus accentuée.»

Notre intervenante rappelle en outre que les narcissiques grandioses sont les plus faciles à repérer, car leur attitude peut suggérer une estime démesurée d’eux-mêmes: «Ces personnes tendent à rejeter la faute sur les autres et à prendre toute l'attention, parce qu'elles souffrent de ne pas encore avoir trouvé leur place.»

L'explication:
Mary L. Trump semble également pencher pour le narcissisme grandiose, même si elle affirme clairement que la psychologie de Trump ne peut absolument pas se limiter à cela: «Rien n'est jamais assez, écrit-elle. Cela dépasse le narcissisme de base; Donald n'est pas seulement faible, son égo est une chose fragile qui doit être constamment gonflée, car il sait au fond de lui qu'il n'est pas ce qu'il prétend être. Il sait qu'il n'a jamais été aimé.» 

Même constat du côté de Christel Chappatte: «Il n’est pas possible de poser un diagnostic sans connaître la personne, mais je dirais aussi qu’on atteint le second stade, avec le narcissisme grandiose, puisque l’ouvrage de Mary L. Trump pointe une tendance à faire souffrir son entourage.» De son côté, Elise Dan-Glauser tempère: «Donald Trump recherche l’approbation et la reconnaissance d’autrui. Je ne pense pas que je lui collerais l’étiquette de narcissique grandiose, mais il a probablement une haute estime de lui-même et une envie d’avancer, à sa manière.»

Laissons la conclusion à Mary L. Trump: «J'ai vu d'innombrables psychologues et journalistes manquer la cible, utilisant les termes de 'pervers narcissique' ou de 'trouble narcissique' pour définir l'attitude souvent bizarre et autodestructrice de Donald», écrit-elle. En d'autres termes, on a beau spéculer, la seule personne qui connaît le monde intérieur de Trump... c'est Trump lui-même. Et encore. Il paraît qu'il n'est jamais allé chez le psy. 

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