Après la prière, quelques centaines de manifestants sont retournés aux abords du Parlement qu'ils occupent depuis le 30 juillet dans la Zone verte, le luxueux quartier bouclé au coeur de la capitale abritant institutions étatiques et ambassades. Le sit-in a été initié pour protester contre une candidature au poste de Premier ministre présentée par les adversaires de Moqtada Sadr, les puissantes factions chiites pro-Iran du Cadre de Coordination.
Capitalisant sur sa capacité à mobiliser les foules, Moqtada Sadr a appelé à la dissolution du Parlement et des élections législatives anticipées, moins d'un an après le scrutin qu'il avait remporté haut la main. Le Cadre de coordination s'est dit ouvert à des élections anticipées, réclamant à demi-mot la fin du sit-in au Parlement.
Vendredi, trois semaines après une précédente prière à Bagdad ayant attiré des centaines de milliers de personnes, une foule immense de partisans de Moqtada Sadr a afflué vers une vaste esplanade de la Zone verte pour la traditionnelle prière musulmane de la mi-journée.
Se protégeant du soleil avec des parasols par une chaleur de 46 degrés et brandissant des drapeaux irakiens et des portraits de Moqtada Sadr, les hommes - et quelques femmes - se sont installés sur leur tapis de prière. «Oui, oui à la réforme, non, non à la corruption», ont scandé les fidèles.
Un soutien sans failles à Moqtada Sadr
«Nous soutenons les revendications (...) du Sayyed Moqtada al-Sadr: la dissolution du Parlement et la tenue d'élections anticipées, a lancé l'imam de la prière, installé sur une estrade. L'Irak est prisonnier des corrompus», a-t-il accusé, fustigeant dans son prêche «la criante détérioration des services publics, de la santé et de l'éducation».
Qu'importe si des fidèles de Moqtada Sadr occupent également les plus hauts échelons dans les ministères, ses partisans le voient comme une figure de l'opposition et un héraut de la lutte contre la corruption.
«Quand il veut utiliser le peuple pour une cause, il appelle à une prière bénie du vendredi et unifie les rangs des musulmans», a lancé, près de sculptures de sabres sur l'esplanade, un partisan de Moqtada Sadr. «C'est une épine (dans le pied) de l'ennemi, car il réclame élections et réformes», a dit un autre, fonctionnaire de 40 ans.
Dix mois après les législatives, l'Irak attend toujours la désignation d'un nouveau Premier ministre et d'un président de la République, sur fond de querelles politiciennes.
Le scrutin d'octobre 2021 avait été remporté par le Courant sadriste, qui représentait le premier bloc avec ses 73 députés dans un Parlement fragmenté où aucun camp n'a réussi à construire une majorité claire parmi les 329 élus. N'étant pas parvenu à rassembler la majorité pour nommer un Premier ministre, Moqtada Sadr a fait démissionner ses députés en juin, abandonnant à ses adversaires la tâche de former un gouvernement.
«Impossible d'ignorer la volonté des masses»
Une dissolution du Parlement doit être actée par un vote à la majorité absolue et peut être demandée par un tiers des députés, ou par le Premier ministre avec accord du président de la République.
Les adversaires de Moqtada Sadr - qui entretient des relations en dents de scie avec l'Iran chiite - lui ont répondu tard jeudi soir: «Le Cadre de coordination affirme son soutien à toute voie constitutionnelle pour résoudre les crises politiques et agir dans l'intérêt du peuple, y compris des élections anticipées», a indiqué un communiqué de cette alliance. Mais toute élection doit se tenir «après avoir atteint un consensus national sur la question et dans un environnement sûr», a-t-elle souligné.
Cette alliance regroupe notamment les anciens paramilitaires du Hachd al-Chaabi, intégrés aux forces régulières ainsi que le parti de l'ex-Premier ministre Nouri al-Maliki. Le président du Parlement, Mohamed al-Halboussi, a apporté sur Twitter son soutien à des législatives anticipées, estimant qu'il était «impossible d'ignorer la volonté des masses».
(AFP)