Peut-être que Donald Trump veut juste s'amuser. Mais au fond, il n'aime pas se bagarrer avec Elon Musk, ni jouer à la roulette russe avec Vladimir Poutine. Dans sa quête de rivaux, le président américain s'est soudain trouvé face à son adversaire préféré: Gavin Newsom.
Le gouverneur démocrate de l'Etat de Californie est une vraie épine dans le pied de Trump, car il promet aux immigrés illégaux une protection contre les autorités migratoires américaines. En début de semaine, la dispute entre les deux hommes s'est envenimée, Trump a proféré des menaces à tout va. Mais le président américain peut difficilement mettre son adversaire à genoux... à moins qu'il ne recoure à l'outil le plus extrême de l'arsenal présidentiel – du jamais vu dans l'histoire des Etats-Unis.
Leur dispute a éclaté après la décision de Trump d'envoyer 4000 gardes nationaux et 700 soldats de la Marine à Los Angeles, pour des manifestations contre la politique migratoire de Trump. En effet, des agents du service des douanes (ICE) avaient arrêté 118 immigrés illégaux à Los Angeles (L.A.) le week-end dernier, provoquant ainsi des émeutes.
L'homme le plus puissant a les mains liées
A noter que les soldats déployés à Los Angeles sont uniquement censés protéger les agents d'ICE dans leur travail, et non pas arrêter des manifestants. La loi «Posse Comitatus» de 1878 interdit clairement au président américain d'envoyer l'armée pour faire le travail de la police. Gavin Newsom a donc poursuivi le gouvernement de Trump en justice, l'accusant de s'immiscer dans les affaires internes de la Californie.
Le démocrate, l'un des favoris pour la course présidentielle de 2028, n'a pas hésité à clamer son mécontentement haut et fort à la télévision. «Trump doit partir», a-t-il réclamé à une heure de grande écoute sur toutes les chaînes. De son côté, Trump a fulminé: «S'ils crachent, nous allons frapper», a-t-il menacé sur son réseau Truth Social. «Envoyons les troupes à l'intérieur!»
Dans son poker du pouvoir avec Gavin Newsom, Trump n'a pas beaucoup de cartes en main. Retirer des fonds publics à la Californie est presque impossible à cause des lois anti-expropriation en vigueur, et faire arrêter le démocrate n'est pas en son pouvoir. Selon le 10e amendement de la Constitution, le président américain ne peut même pas directement contraindre la Californie à appliquer les lois américaines sur l'immigration. Il peut seulement envoyer ses agents du FBI sur place pour faire leur travail ou traduire la Californie en justice.
Une bombe politique
Tout ce qu'il reste à Trump pour agir directement contre les manifestants en Californie, des «insurgés» selon ses propres termes, c'est la proclamation de la loi sur l'insurrection de 1807. Mais cette mesure serait extrêmement dangereuse.
En effet, cette loi autorise le président américain à déployer l'armée sur le sol américain, si au moins l'une des trois conditions suivantes est remplie: si le gouvernement d'un Etat demande de l'aide pour réprimer une insurrection, si une insurrection doit mettre une région de facto hors-la-loi, ou si les habitants d'une région doivent être limités dans leurs droits civiques.
Il existe des exemples historiques de proclamation de la loi sur l'insurrection. Abraham Lincoln l'a enclenchée en 1861 pour déclarer la guerre aux Etats du Sud qui détenaient des esclaves. Los Angeles a déjà été sous la coupe de cette loi en 1992, lorsque le gouvernement californien a demandé au président George H. W. Bush de l'aider à endiguer des affrontements dans la rue.
La dernière fois qu'un président a recouru à la loi sur les émeutes sans avoir été appelé à l'aide par un Etat fédéral, c'était il y a 60 ans: Lyndon B. Johnson avait envoyé des soldats en Alabama pour protéger des groupes de défense des droits civiques contre des manifestants racistes. Si Trump utilise cet outil absolument exceptionnel pour violenter une poignée de manifestants à Los Angeles, cela équivaudrait à lancer une bombe atomique politique.
Une menace extrême
L'impact de cette bombe se ferait ressentir au-delà des rues du centre-ville de Los Angeles. Un président américain qui envoie ses soldats contre des manifestants, c'est du jamais vu dans l'histoire des Etats-Unis.
Le gouverneur Gavin Newsom pourrait bien en ressortir gagnant. Le duel avec Donald Trump confère au Californien l'aura d'un homme d'action courageux, de quoi séduire les électeurs démocrates et les républicains critiques envers Trump. Le président américain semble conscient de ce danger. Il est donc bien possible que cette dispute s'essouffle avant que l'on ne tire vraiment à boulets rouges et que Trump se mette à la recherche de son prochain «camarade de jeu».