L’ordre retransmis à la télévision d’Etat russe était bref – mais a produit son effet: mercredi soir, le ministère russe de la Défense a annoncé le retrait des troupes du président Vladimir Poutine de Kherson. Une ville stratégique du sud de l’Ukraine, qui s’est retrouvée au cœur des combats ces dernières semaines.
L’armée russe a l’intention de se retirer sur la rive gauche du fleuve Dniepr, qui scinde l’Ukraine en deux. «La décision de défendre la rive gauche n’est pas facile, mais nous allons sauver la vie de nos soldats et la capacité de combat des troupes», a justifié le général Sergueï Vladimirovitch Sourovikine aux agences de presse publiques russes. Le ministre russe de la Défense Sergueï Choïgou a en effet autorisé le retrait de toutes les troupes russes de la rive droite.
Reste un mystère: mercredi à midi, le chef adjoint de Kherson Kirill Stremousov aurait perdu la vie dans un accident de la route, a expliqué mercredi le gouverneur par intérim nommé par Moscou, Vladimir Saldo. On ne sait toutefois pas si ce décès est effectivement le fruit du hasard ou s’il est lié au retrait des troupes de Kherson.
Le dernier lien terrestre avec la Crimée
Avec ce retrait, la Russie perd le contrôle, au sud, de la seule capitale régionale ukrainienne qu’elle avait conquise depuis le début de la guerre fin février. Pour le Kremlin, il s’agit d’une défaite brutale. En outre, la région de Kherson représentait le dernier tronçon important du «pont terrestre» reliant la Russie continentale à la Crimée, que Poutine convoite depuis l’annexion illégale de la péninsule en 2014, comme l’écrit le «Washington Post».
«Kherson est importante parce que celui qui la possède peut rendre les offensives impossibles – si les Ukrainiens tiennent la ville, les offensives russes dans le sud-ouest de l’Ukraine très compliquées. Inversement, les Ukrainiens ne peuvent pas avancer vers le sud depuis la ville», a ainsi souligné l’analyste à l’EPFZ Niklas Masuhr à Blick.
La Russie avait largement occupé la région de Kherson au cours des premières semaines de la guerre. Andreï Tourtchak, secrétaire général du conseil général du parti Russie unie de Poutine, avait ainsi déclaré le 6 mai «Kherson appartient à la Russie pour toujours». La ville a finalement été annexée en septembre – tout comme les régions de Zaporijjia, Louhansk et Donetsk. En violation du droit international.
Région limitrophe à la Crimée
Malgré cela, l’Ukraine n’a cessé d’annoncer son intention de libérer la ville et la région de Kherson, y compris à l’aide d’armes occidentales. En août, l’Ukraine a lancé une contre-offensive et de violents combats ont eu lieu à plusieurs reprises autour de la ville. A plusieurs reprises, les Ukrainiens ont fait état d’importantes destructions et de lourdes pertes du côté russe. Des informations qui n’ont souvent pas pu être vérifiées de manière indépendante.
Début novembre, le gouvernement pro-russe de Kherson a ordonné pour la première fois l’évacuation d’une partie de la population civile. Environ 100’000 personnes ont été transférées de l’autre côté du fleuve, avait alors annoncé le commandant en chef choisi par Poutine, Sergueï Sourovikine. Kiev avait condamné cette mesure en la qualifiant de «déportations».
La ville de Kherson, prise dans les premiers jours de l’offensive militaire, était considérée comme la conquête la plus importante de la Russie. La région du même nom est aussi d’une grande importance stratégique, car elle est limitrophe de la péninsule ukrainienne de Crimée, annexée par Moscou en 2014.
Mais la reconquête de Kherson ne signifie probablement pas encore automatiquement la chute de la Crimée. «D’ici là, les Ukrainiens devraient d’abord se frayer un chemin à travers les lignes de défense à l’est du Dniepr», explique l’expert de l’EPFZ Niklas Mahsur. Et c’est précisément ce que les troupes de Poutine veulent éviter.