L'avertissement lancé dans l'émission matinale de la «Radio Farda» iranienne, proche de l'opposition, était on ne peut plus clair: «Taisez-vous et n'envoyez rien: pas d'infos, pas de photos, pas de vidéos.» En effet, le régime surveille et scrute sans pitié tous ses citoyens. Cette année, les Mollahs ont arrêté plus de 500 personnes parce qu'elles avaient participé à des protestations ou critiqué le régime, et souvent, avoué sous la torture.
Par conséquent, la population est terrifiée face au gouvernement, Diako Shafiei en sait quelque chose. Cet Iranien exilé en Suisse a connu les salles de torture iraniennes et il a un avis surprenant sur les attaques d'Israël contre son pays.
«Ce régime n'est pas invincible. Tant que les frappes se concentrent sur sa machine de répression, les attaques israéliennes donnent de l'espoir à une grande partie de la population iranienne», raconte le journaliste irano-kurde. Il a fui son pays pour la Suisse en 2021 et il vit actuellement dans un centre de réfugiés dans le canton de Zurich. «Le régime iranien n'a jamais été aussi faible depuis des années. Beaucoup pensent qu'il pourrait s'effondrer sous les attaques israéliennes.»
Des salles de torture à l'exil en Suisse
Diako Shafiei a été emprisonné et torturé plusieurs fois pour avoir participé à des manifestations politiques en Iran. En 2021, le régime l'a inscrit sur sa liste des hommes à abattre. Plusieurs fois, il a échappé de peu à la mort pendant des attaques menées par les Gardiens de la révolution. «Les attaques militaires sont toujours une catastrophe pour la population civile, alors que les élites peuvent se cacher dans leurs bunkers», explique Diako Shafiei. «Mais beaucoup voient désormais une fissure dans la forteresse du régime.»
La jeune génération en particulier (environ deux tiers des Iraniens n'ont pas encore 30 ans) ne croit plus à sa propagande depuis longtemps. «Les jeunes ne considèrent pas le régime comme leur représentant, mais comme leur ennemi. Les frappes militaires sont un appel au réveil. Beaucoup osent imaginer un autre avenir sans oppression», confie Diako Shafiei.
Une guerre avec Israël pourrait entraîner la chute du régime, mais aussi des années de chaos, ce que redoutent de nombreux Iraniens. Aujourd'hui déjà, l'économie du pays est au plus bas, notamment à cause des sanctions occidentales.
Le pain est devenu la seule denrée alimentaire abordable pour de nombreuses personnes, car le rial iranien a perdu énormément de valeur au cours des dix dernières années. L'indice de corruption de Transparency International place l'Iran au 151e rang sur 180 pays. Le nouvel accord nucléaire avec les Etats-Unis, qui aurait peut-être permis d'assouplir les sanctions contre l'Iran, semble tombé à l'eau.
Que doit faire la Suisse?
Tant que le régime de l'ayatollah Ali Khamenei sera en place, un retour à l'ère florissante qu'avait connu le pays avant la chute du shah et la révolution islamique en 1979 est impensable. «Le jour où ce régime tombe, ce sera un jour de liberté et de dignité pour moi et pour des millions d'autres Iraniens qui vivent en exil ou dans la terreur depuis des années», affirme Diako Shafiei.
Mais pour ce faire, le soulèvement doit venir du peuple, la chute du régime ne doit pas venir d'une intervention extérieure. «Nous voulons une vraie liberté, pas le remplacement d'un oppresseur par un autre», poursuit le journaliste en exil. Diako Shafiei espère que la Suisse soutiendra la population, qui se bat pour la liberté et la démocratie. «Le silence face à l'oppression implique une coresponsabilité, et la Suisse devrait, comme par le passé, se tenir du côté de ceux qui luttent pour la justice et la liberté.»