Donald Trump en a marre de l’Ukraine. Même si ses émissaires continuent de négocier, et si une nouvelle session de pourparlers est agendée à Londres dans les jours qui viennent, l’impression est tenace: le président des Etats-Unis cherche un bouc émissaire à blâmer, pour l’échec de cette paix qu’il avait promis de conclure en un jour, puis en cent jours.
Cent jours justement: nous y sommes. Le 1er mai, le locataire de la Maison Blanche aura franchi ce cap. Et il est peu probable, à ce stade, que les hostilités aient alors cessé entre Kiev et Moscou.
Abandonner l’Ukraine, c’est possible
Trump étant Trump, l’échec ne lui sera jamais imputable. Cet homme-là ne connait que les succès, attribuant aux autres les échecs. Gare, donc, au retour de bâton pour des Européens qui, soudainement, se croient reconnus dans leur rôle de partenaires et de garants d’une paix durable en Ukraine. Si Washington abandonne, sans rompre son partage de renseignements et de livraisons militaires à Kiev, mais en refusant d’accroître son aide, le scénario ukrainien pourrait bien devenir cauchemardesque. Le pays continuera de résister. Zelensky restera un président extraordinairement courageux. Mais après?
Trump est, en plus, persuadé qu’un autre dossier peut lui rapporter beaucoup plus. Et plus vite: celui de l’Iran nucléaire, sur la table d'une réunion à Rome. Qu’importe si sa volonté de parvenir aujourd’hui à un «deal» pour empêcher Téhéran d’accéder à l’Iran atomique prouve combien son retrait, durant son premier mandat, de l’accord négocié en 2015 par les Européens (en partie à Lausanne) était infondé, voire insensée.
Des planètes alignées
Sur ce dossier au moins, les planètes s’alignent. La Russie de Poutine, alliée de Téhéran, est prête à jouer la médiatrice, aux côtés du Sultanat d’Oman. L’Etat Hébreu de Netanyahou accepte de différer ses frappes en échange de l’impunité totale pour son armée à Gaza. Et le régime des mollahs, considérablement affaibli par la défaite infligée au Hezbollah libanais et la chute du régime syrien de Bachar al-Assad, lutte pour sa survie.
Le dossier Iranien, vu avec les yeux de Trump et de son émissaire Steve Witkoff, a de surcroît l’énorme avantage de ne pas être pollué par les questions de droits humains, de démocratie, et de résistance à l’impérialisme russe, bref, tout ce qui fait de l’Ukraine une question emblématique pour les Européens.
Qu’importe la répression iranienne
Qu’importe, pour la Maison Blanche acquise aux thèses masculinistes et évangéliques, que la théocratie iranienne réprime sa population, sa jeunesse et ses femmes. Seul compte le résultat. Lever les sanctions contre l’Iran rapportera un marché, tout en maintenant ce pays sous éteignoir pour rassurer l’Arabie saoudite, et convaincre Israël qu’il lui sera toujours possible de frapper Téhéran demain, ou après-demain.
Marco Rubio, le Secrétaire d’Etat américain, l’a laissé entendre en quittant Paris le 17 avril. Son administration peut aussi abandonner l’Ukraine et passer à autre chose. Une menace pour accélérer les pourparlers? Peut-être. Mais surtout le résultat d’un calcul pragmatique: négocier avec des autocrates religieux, en les menaçant de l’hiver nucléaire, est bien plus facile que d'obtenir de la Russie des garanties sur l'avenir démocratique d'un pays et d'un peuple européen agressé.