Paris, capitale diplomatique pour la future paix en Ukraine? C’est le refrain que les médias français entonnent depuis ce jeudi 17 avril. Motif: la rencontre organisée au Palais présidentiel de l’Elysée, autour d’Emmanuel Macron, entre Steve Witkoff, Marco Rubio, l’équipe de négociateurs français, britanniques et allemands, et les plus proches conseillers de Volodymyr Zelensky. Les pourparlers pour en finir avec le conflit ukrainien associent donc enfin les deux rives de l’Atlantique. Mais jusqu’où et pourquoi? Marco Rubio, lui, commence à dire que l'administration pourrait se désintéresser de ce dossier...
Trump a un problème: Poutine
C’est l’évidence, mais il faut la redire tant elle prouve l'erreur de diagnostic du président des Etats-Unis. Vladimir Poutine n’a jamais été prêt pour une paix en Ukraine négociée en quelques jours, et encore moins aux conditions fixées par Washington. Donald Trump a donc un sérieux problème avec ce président russe que son négociateur Steve Witkoff a encore rencontré, pour la deuxième fois depuis le début de sa mission, à Saint-Pétersbourg le 11 avril. Les Européens peuvent-ils permettre à Trump de surmonter l’obstacle Poutine? Non. Ce dernier refuse en particulier tout déploiement de troupes européennes sur le sol ukrainien. Mettre la France, le Royaume-Uni et l’Allemagne dans la boucle lui permet en revanche d’éviter de perdre sur les deux tableaux, face à Moscou et face à Kiev. Avant d'abandonner ce dossier et de blamer les Européens ?
Trump croit à la force
C’est le paradoxe. La visite à Paris de l’émissaire de Trump et du Secrétaire d’Etat américain visait à jauger la détermination des Européens parce que seul le rapport de force intéresse Washington. En clair: si Paris et Londres persistent à vouloir envoyer des troupes en Ukraine, sous une forme ou sous une autre, la Maison Blanche n’a pas d’autre choix que d’en tenir compte. Plus qu’une main tendue pour négocier ensemble à l’avenir, cette rencontre parisienne ressemble plutôt à un test: jusqu’où êtes-vous prêts à aller, vous, Européens? Et pas seulement sur le terrain des déclarations.
Trump lie commerce et paix
C’est le calendrier qui compte. Donald Trump a mis le feu au commerce mondial avec ses annonces de tarifs douaniers le 2 avril, avant de les suspendre pour 90 jours. En surface, ce report est une mauvaise nouvelle pour l’administration américaine qui a dû reculer, à la suite de l’envolée des taux d’intérêt sur sa dette et au refus chinois de céder. En coulisses, les dossiers commerciaux et diplomatiques sont liés. La puissance militaire des Etats-Unis en Europe reste un argument massif pour persuader les alliés de trouver une issue. Le calcul de l’homme d’affaires Trump est simple: puisque les cartes sont redistribuées, profitons-en.
Trump marginalise Bruxelles
C’est son obsession: pour Donald Trump, tout ce que fait la Commission européenne est destiné à «entuber» les Etats-Unis. Il l’a dit et redit. Le format qui lui convient est bilatéral. Sauf que c’est impossible en matière commerciale, sujet sur lequel Bruxelles a le monopole de la négociation au nom des 27 Etats-membres, comme vient de le prouver la visite à Washington du commissaire Maros Sefcovic. En ouvrant des discussions avec Paris, Londres et Berlin sur l’Ukraine, les Etats-Unis marginalisent l’Estonienne Kaja Kallas, la cheffe de la diplomatie européenne, qu’ils jugent beaucoup trop anti-russe. Et ils ignorent Ursula von der Leyen, cette présidente allemande de la Commission que Trump ne supporte pas.
Trump enserre Zelensky
C’est très habile. Donald Trump a compris que sa relation personnelle avec le président ukrainien est détériorée pour longtemps malgré les apparences, après l’embuscade de mars passé à la Maison Blanche. Plus grave: il continue de lui reprocher la guerre déclenchée par la Russie, même s'il vient d'affirmer, in extremis, qu'il ne le tient pas pour responsable. Son meilleur argument pour convaincre Zelensky de signer au bas de la page pour une trêve, puis un accord, est donc de laisser aux Européens le soin de le convaincre, tandis que les Etats-Unis obtiennent leur accord sur les terres rares, dont la signature serait imminente.
Aux Européens le casse-tête diplomatique, quitte à devenir le bouc émissaire d'un possible échec. Aux Américains la récompense rapide, sonnante et trébuchante. En attendant la trêve et alors que les Ukrainiens continuent de se battre et de mourir sous les missiles russes.