Une erreur monumentale, lourde de conséquences, mettant en danger des dizaines de milliers d'Afghans. En février 2022, un militaire britannique a accidentellement transféré une liste confidentielle contenant les coordonnées de 25'000 Afghans, dont de nombreux anciens collaborateurs de l’armée britannique et leurs familles, ayant demandé l’asile au Royaume-Uni après le retour au pouvoir des talibans, rapporte «The Telegraph» mercredi 16 juillet.
Le gouvernement britannique n’aurait découvert la fuite qu’en août 2023, lorsque des noms, prénoms et coordonnées sont apparus sur Facebook. Plutôt que d’informer le public, les autorités ont lancé la vaste mission secrète «Opération Rubific» pour contenir la fuite et empêcher la divulgation de la violation de données. Les médias ont été frappés de mesures provisoires «sans précédent» pour les empêcher de révéler l’affaire. Mains liées, rédactions muselées: il leur était interdit de publier quoi que ce soit, y compris l’existence même de l’interdiction.
Près de neuf mois après avoir eu connaissance de la fuite, le gouvernement a mis en place un programme secret d'évacuation des personnes figurant sur la liste, qualifié comme le plus grand en temps de paix. Jusqu’à présent, 4500 Afghans ont été accueillis au Royaume-Uni, précise la BBC. Mais que deviennent les 20'500 autres? Selon les talibans, ils disposeraient de la «liste des personnes à tuer», et traqueraient les noms qui y figurent.
La traque s'intensifie
Le mardi 15 juillet, la Haute Cour britannique a levé les mesures imposées aux médias. C’est aussi ce jour-là que le gouvernement a estimé qu'il était enfin le moment de prévenir les Afghans concernés. Dans un email, ces derniers sont appelés à «la plus grande prudence», à protéger leurs activités en ligne, et ne pas répondre aux messages d’inconnus.
Les talibans, eux, affirment avoir eu la liste depuis le début, et que la traque s'est intensifiée ces derniers mois. Le ministère de la Défense britannique, lui, tente de rassurer: selon ses évaluations, il est «hautement improbable» qu’un individu ait été ciblé uniquement parce qu’il figurait sur cette base de données.
Le ministère ajoute que la liste «n’a peut-être pas circulé aussi largement qu’on ne le craignait». Il refuse toutefois de dire si des personnes ont été arrêtées ou tuées à la suite de cette fuite.
Une erreur absurde
L’origine de cette fuite? Un haut responsable chargé de trier les demandes d’asile. Il aurait envoyé le fichier confidentiel à un groupe de contacts afghans basés au Royaume-Uni, en qui il avait confiance. Ces derniers transmettaient ensuite les noms à des personnes encore en Afghanistan, afin de s'assurer que seules les familles ayant réellement combattu aux côtés des forces britanniques puissent être évacuées.
En août 2023, un utilisateur anonyme d’un groupe Facebook de 1300 Afghans concernés par le programme – dont certains pourraient être des infiltrés talibans – affirme être en possession de la base de données. Il écrit: «Je veux la divulguer.» Selon le «Telegraph», cet utilisateur serait un Afghan à qui la liste a été envoyée et dont la demande d’asile a ensuite été refusée. Pour prouver ses dires, il publie les données personnelles de neuf personnes. C’est à ce moment-là que l’alerte est vraiment déclenchée au sein du gouvernement.
L'inaction des Anglais
Malgré la gravité de la situation, les autorités britanniques choisissent de ne pas informer immédiatement les personnes concernées. Elles estiment qu’entrer en contact avec les Afghans risquerait de confirmer aux talibans l’existence de la fuite. Il faudra quand même trois jours pour que la publication Facebook soit finalement supprimée.
Cette affaire révèle un enchaînement de négligences graves, de décisions opaques et d’un manque flagrant de transparence. Des milliers de vies sont potentiellement en danger, exposées à des représailles violentes, tandis que le gouvernement britannique semble plutôt avoir cherché à protéger sa réputation pendant des mois plutôt que venir en aide à des personnes en danger.
Aujourd’hui encore, l’ampleur réelle des conséquences reste floue, et aucune sanction n’a été rendue publique. Une seule certitude: une erreur «absurde» a brisé la promesse de protection faite à ceux qui ont risqué leur vie pour aider le Royaume-Uni.