La Russie est officiellement devenue le premier pays à reconnaître l'émirat islamique instauré par les talibans en Afghanistan, une décision qualifiée de «courageuse» par Kaboul. Les talibans sont revenus au pouvoir en 2021 après avoir renversé le gouvernement soutenu par les Occidentaux et ont imposé à la population afghane une version austère de la loi islamique.
«La Russie est le premier pays à avoir officiellement reconnu l'Emirat islamique», a déclaré à l'AFP Zia Ahmad Takal, le porte-parole du ministère afghan des Affaires étrangères. C'est une «décision courageuse» et elle sera «un exemple pour les autres» a commenté le ministre afghan des Affaires étrangères Amir Khan Muttaqi au cours d'une rencontre avec l'ambassadeur russe à Kaboul Dmitri Jirnov, selon une vidéo diffusée sur X.
«Reconnu», a simplement fait savoir à l'agence de presse étatique Ria Novosti le représentant spécial du président russe Vladimir Poutine pour l'Afghanistan, Zamir Kaboulov. Une information ensuite confirmée par le ministère russe des Affaires étrangères à l'agence TASS.
Vers une coopération entre les deux pays
Cette dernière a souligné que le drapeau afghan introduit par les talibans avait été hissé pour la première fois au-dessus de l'ambassade d'Afghanistan à Moscou jeudi. Plus tôt dans la journée, le ministère russe des Affaires étrangères avait dit avoir reçu les lettres de créance du nouvel ambassadeur de l'Afghanistan en Russie, Gul Hassan Hassan.
«Nous pensons que l'acte de reconnaissance officielle du gouvernement de l'Emirat islamique d'Afghanistan donnera un élan au développement d'une coopération bilatérale productive entre nos pays», a souligné le ministère sur Telegram. «Nous voyons d'importantes perspectives de coopération dans le domaine commercial et économique, en particulier dans les projets liés à l'énergie, aux transports, à l'agriculture et aux infrastructures», a-t-il ajouté.
Moscou compte «continuer à aider Kaboul à renforcer la sécurité régionale et à lutter contre les menaces du terrorisme et du trafic de drogue», a insisté la diplomatie russe. Elle a aussi évoqué la possibilité d'"approfondir les liens dans les domaines de l'éducation, du sport, de la culture et dans le domaine humanitaire».
Des «alliés contre le terrorisme», estime Poutine
La Russie avait déjà pris des mesures pour normaliser ses relations avec les talibans, isolés sur la scène internationale. La Cour suprême russe avait ainsi retiré en avril ce mouvement de la liste des organisations considérées comme terroristes par le gouvernement russe.
La Russie avait aussi été le premier pays à ouvrir un bureau de représentation commerciale à Kaboul après la prise du pouvoir par les talibans et avait annoncé son intention d'utiliser l'Afghanistan comme plaque tournante pour approvisionner en gaz l'Asie du Sud-Est. En juillet 2024, Vladimir Poutine avait même qualifié les talibans d'"alliés dans la lutte contre le terrorisme».
Restrictions envers les femmes
Si seuls l'Arabie saoudite, le Pakistan et les Emirats arabes unis avaient reconnu le précédent régime taliban (1996-2001), cette fois-ci, plusieurs autres Etats, dont la Chine, ont à l'instar du Pakistan accepté des ambassadeurs de l'Emirat islamique dans leurs capitales.
Ils n'ont toutefois pas officiellement reconnu celui-ci. Même si elle reste limitée, la coopération avec les autorités talibanes s'intensifie avec les voisins régionaux de l'Afghanistan mais aussi avec de grands acteurs mondiaux comme la Chine et la Russie.
Les restrictions imposées aux femmes et aux filles, exclues de l'éducation et de la vie publique, constituent des points de friction majeurs pour les Occidentaux. Les talibans recherchent activement la reconnaissance et les investissements internationaux, leurs pays ayant été dévasté par quatre décennies de guerre, en particulier par l'invasion soviétique de 1979 à 1989.