Face à la «menace durable» qu'est la Russie
La France envisage d'instaurer un service militaire volontaire

Donner une «masse supplémentaire» aux armées en cas de crise et «à la jeunesse l'occasion de servir»: la France envisage d'instaurer un service militaire volontaire face à l'aggravation des menaces pesant sur sa sécurité.
Publié: 17:05 heures
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Le chef d'état-major des armées, Thierry Burkhard, et le président Emmanuel Macron durant le défilé du 14 juillet.
Photo: IMAGO/Bestimage
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AFP Agence France-Presse

La France envisage d'instaurer un service militaire volontaire face à l'aggravation des menaces pesant sur sa sécurité.

Si les pays scandinaves ou les Baltes, voisins du géant russe, ont maintenu ou rétabli ces dernières années le service militaire obligatoire, la France a elle suspendu la conscription en 1997.

Face à la menace «durable» que représente la Russie

Mais face à une Europe «mise en danger» par la «menace durable» de la Russie, «il faut une nation capable de tenir, d'être mobilisée», a estimé dimanche le président Emmanuel Macron.

Cela passe par des «efforts sur notre réserve», mais il faut aussi selon lui «donner à la jeunesse un nouveau cadre pour servir, selon d'autres modalités, au sein de nos armées». «Je donnerai (...) mes décisions en ce sens à l'automne», a-t-il ajouté.

Selon la revue nationale stratégique publiée lundi, «un service militaire volontaire rénové pourrait être créé pour proposer aux Français majeurs de recevoir une formation militaire socle pouvant déboucher sur un engagement».

De fait, un service militaire volontaire (SMV), choisi par 1000 jeunes environ par an existe déjà depuis 2015. Mais il s'agit d'un dispositif de formation et d'insertion professionnelle avec un encadrement militaire.

La mise en place d'un service militaire volontaire «rénové» viserait à «renforcer la cohésion nationale» et à «créer un réservoir de personnes mobilisables en cas de crise», postule la revue stratégique.

Impliquer les citoyens dans la défense

«Un des enseignements de l'Ukraine, c'est que ce sont les armées qui gagnent les combats, mais ce sont les nations qui gagnent les guerres», rappelle le chef d'état-major de l'armée de Terre, le général Pierre Schill. A ce titre, il est donc nécessaire selon lui d'impliquer les citoyens dans la défense.

Pour le général Schill, l'avenir est à une «armée mixte» mêlant professionnels, réservistes et volontaires faisant leur service.

Les armées françaises comptent environ 200'000 militaires d'active et 47'000 réservistes, et doivent passer à respectivement 210'000 et 80'000 personnes en 2030.

La mobilisation sur la base du volontariat d'une partie d'une classe d'âge pourrait servir à répondre aux besoins d'«acquérir la masse» nécessaire pour tenir dans la durée en cas de conflit, selon le général Schill.

Il voit également un éventuel service comme «un des robinets de la réserve» et à plus long terme comme un moyen pour l'armée de Terre de pouvoir continuer à recruter 15'000 militaires par an alors qu'avec l'évolution démographique, «en 2035 la classe d'âge à 20 ans aura décru de 100'000 personnes par rapport à aujourd'hui».

Une «fausse route»

Pour la sociologue Bénédicte Chéron, spécialiste du lien armée-Nation, les bénéfices attendus d'un service militaire volontaire ne vont pas de soi.

«Si l'objectif, c'est la cohésion sociale et nationale, je pense qu'on fait fausse route. Un service militaire, même quand il mobilise massivement chaque classe d'âge, ne vient pas infléchir les grandes tendances sociales et politiques qui sont à l'oeuvre dans une société», affirme-t-elle à l'AFP.

Quant au fait qu'il fournirait un vivier pour le recrutement, c'est selon elle «une intuition» et cela pourrait au contraire conduire à un effet d'éviction.

«Le principe du volontariat, même s'il est suscité, fait que les jeunes qui vont venir sont des jeunes qui sont déjà plutôt prédisposés à s'intéresser aux questions de sécurité et de défense», et qui pourraient considérer le service comme une «voie test» avant de décider ou non d'un engagement dans l'armée, explique-t-elle.

Les contours de ce service et sa durée, tout comme son coût, ne sont pas fixés. Différents scénarios envisagent un volume de 10'000 ou de 50'000 personnes par an, selon plusieurs sources proches du dossier.

Resteront enfin à trancher les épineuses questions d'infrastructures et d'encadrement.

Les arbitrages rendus à l'automne concerneront aussi «l'avenir du SNU», le service national universel destiné aux mineurs de 15 à 17 ans, a par ailleurs indiqué dimanche Emmanuel Macron à propos de l'une de ses mesures emblématiques. Ce service civil, lancé en 2019 et dont les crédits ont été depuis rabotés, n'a jamais trouvé son rythme de croisière.

Avec le SNU, «l'idée, c'était de susciter du volontariat, il l'a été laborieusement», juge Bénédicte Chéron, «et ce n'était que pour deux semaines» de stage de cohésion.

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